Une façade dans la Grande Rue de Grâne
Légende :
Impacts de balles sur une façade dans la Grande Rue du village de Grâne
Genre : Image
Type : Photo
Producteur : Inconnu
Source : © Archives communales de Grâne Droits réservés
Détails techniques :
Photographie argentique noir et blanc. Format 9 x 9 cm.
Date document : Fin août1944
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Grâne
Analyse média
Le 25 août 1944, les tanks allemands arrivent à Grâne. L’infanterie et les blindés allemands font irruption dans le village et tirent sur tout ce qui bouge. Pour les en déloger, les Américains bombardent sans interruption l’agglomération et ses abords. Une cinquantaine de maisons ainsi que tous les bâtiments communaux subissent des dégâts importants. Le 27 août, les Allemands, après avoir pillé de nombreuses habitations, doivent quitter Grâne définitivement.
Auteur : Robert Serre
Contexte historique
Si les libérations de Die, Saillans, Crest et des villages de leurs alentours sont la conséquence simple du repli des troupes ennemies, il n’en est pas de même dans les bourgades de la basse vallée de la Drôme où les ultimes combats vont encore entraîner des dégâts et des morts.
Dans la nuit du 16 au 17 août, les résistants du commando Henri Faure ont fait sauter le pont routier de Livron. De nombreux véhicules de l’armée allemande, qui recule devant les troupes alliées débarquées en Provence, se trouvent freinés ou bloqués. Un énorme embouteillage s’est formé qui sert de cible aux bombardements américains et aux harcèlements des maquisards. Les Allemands en retraite essaient donc d’éviter ce dangereux secteur et de poursuivre leur repli vers le nord en passant par le pont le plus proche, celui d’Allex-Grâne jusqu’à sa destruction.
Le 17 août 1944, un groupe de soldats allemands venant de Loriol se heurte au feu d’un groupe FFI (Forces françaises de l'intérieur), à l’ouest du village de Grâne. En représailles, les Allemands abattent Henri Arnaud et son fils Louis, et incendient leur ferme, au quartier Coste, ainsi que les dépendances d’une ferme voisine. Gaston Reynaud est blessé. Trois FFI sont tués, le sergent Anatole Lousson, Henri Gondran et Jean Tolozan, ainsi que trois soldats allemands. Le FFI Joël Monier, grièvement blessé, mourra à l’hôpital de Crest. Allex se trouve en position stratégique pour les forces en présence : les Américains arrivent d’une part au sud, remontant la vallée du Rhône, d’autre part à l’est, descendant la vallée de la Drôme. Les Allemands mettent en place un dispositif de sûreté comportant quelques chars légers entre Allex et Livron pour empêcher cette jonction. Certains témoignages font état d’un assaut contre ces chars par une colonne de chars américains passant à Allex pour s’engager sur la petite route d’Ambonil. Le lendemain, les chars allemands décrochent.
Le 19 août semble-t-il, un groupe de la Résistance du sud-Drôme fait sauter la deuxième arche du pont Grâne-Allex. Ce pont enjambant la rivière Drôme, construit entre 1879 et 1888, a connu bien des vicissitudes pendant la guerre. Obéissant à l’ordre donné pour faire face à l’invasion des Allemands arrivant dans la Drôme jusqu’à la rivière Isère, le Génie de l’armée des Alpes l’avait fait sauter une première fois le 23 juin 1940. Le pont était écroulé pratiquement d’une rive à l’autre. Une passerelle provisoire, en bois et métal, installée par l’entreprise Lagier, de Beaurières, avait été mise en service en mars 1941. La construction d’un nouveau pont en pierre, adjugée à l’entreprise Lajoinie, ne s’achève que le 28 mars 1944, date du PV de réception. Cinq mois après, c’est ce pont qui doit permettre aux Allemands de poursuivre leur repli vers le nord.
C’est à ce moment qu’un groupe de résistants en fait sauter une arche. Une passerelle pour piétons comble la brèche de 14 m.
Le 21, la compagnie Pons attaque en plein jour un convoi allemand vers Fiancey et tente le lendemain de renouveler son embuscade. Mais les Allemands l’éventent. Subissant une contre-attaque, les hommes de Pons s'efforcent de regagner Allex en bénéficiant du renfort d'éléments des compagnies Brentrup et Chapoutat qui sont en contact avec les Américains;
Le 22, les canons états-uniens commencent à bombarder les convois allemands sur Loriol. Quelques chars allemands se présentent à l’entrée d’Allex côté Livron. Depuis la route de Crest, les Américains tentent de les détruire, mais leurs premiers tirs sont trop courts et les bombes tombent sur le village, dans l’école apostolique et la cure, où elles crèvent une toiture, brisent des vitres, font éclater des canalisations, coupent des fils téléphoniques, mais ne faisant, « grâce à Dieu, selon le père Brenac, qu’une seule victime notable… le porc de M. le Curé, décapité par un obus ». Pourtant, à quelques mètres de là, ce même jour, un jeune résistant livronnais trouvait la mort. Jean Boyer, membre du commando qui, six jours avant, avait fait sauter le pont de Livron, allait en voiture d’Upie à Livron récupérer des armes restées d’un parachutage au plateau de Soulier, avec Louis Valette et une jeune fille agent de liaison. Au carrefour de la route de Montoison, ils se trouvent face à un char et un camion allemands et sont faits prisonniers. Profitant d’un instant d’inattention, les deux compagnons de Boyer s’échappent : Valette rejoint les Américains et tente en vain de les convaincre d’intervenir pour tirer Boyer des mains ennemies. Celui-ci est contraint par les Allemands de se mettre au volant de sa voiture. À l’entrée du village d’Allex, prétextant un ennui de moteur, il essaie de s’enfuir en courant vers une ruelle, mais il est abattu d’une rafale de mitraillette avant d’avoir pu atteindre un abri. Il avait 34 ans.
Les journées suivantes, après que les Américains ont installé des canons autour du village, sont marquées par des canonnades et des alertes qui contraignent les habitants d’Allex à se réfugier dans les caves ou les bois voisins.
Le 25 août, les tanks allemands avancent de Loriol vers Grâne, malgré quelques tirs états-uniens depuis l’autre rive. Cherchant un passage vers le Nord, les blindés allemands repoussent les Américains vers Crest. À Grâne, les deux ponts sur Grenette avaient été abattus le 15 août. Cependant ce jour là, les blindés allemands font irruption dans le village et tirent sur tout ce qui bouge. Un combat de chars s’engage à l’est de l’agglomération, au quartier de la Croix : un char états-uniens est détruit et ses trois occupants carbonisés. L’infanterie allemande est accrochée dans les quartiers ouest de la commune par les FFI. Trois maquisards sont tués, Jean Ducrot et Robert Bonnard au hameau des Chabanas, François Roux au hameau de Saint-Bardoux, ainsi que quatre civils, Amédée Guiraud, Albert Granon, madame Léonie Portal et madame Morin, blessée, qui mourra peu après. Malgré cette résistance, les Allemands occupent à nouveau le village.
Pour les en déloger, les Américains bombardent sans interruption l’agglomération et ses abords. Une de leurs bombes fait trois morts : le docteur Pierre Mazouyer, et ses deux enfants Jean-Pierre et Jacqueline, étudiants. Une cinquantaine de maisons ainsi que tous les bâtiments communaux, subissent des dégâts importants.
Sur l’autre rive de la rivière Drôme, les Américains se replient vers Crest le samedi 26 août. Un char allemand pénétrant dans le village d’Allex est attaqué par l’artillerie états-unienne qui, après 17 heures aura plus à faire avec l’arrivée d’un convoi blindé venant de Livron. Le duel d’artillerie dure jusqu’à 1 h du matin, tandis que dans les rues de la bourgade, se déroule un combat à la grenade sous les regards anxieux d’habitants terrés dans les caves. Le 27 août, les Allemands, après avoir pillé de nombreuses habitations à Grâne, doivent quitter définitivement ce village, abandonnant un obusier automoteur incendié rue du Fossé. La commune était enfin libérée.
Le groupement tactique mécanisé allemand tente de se replier sur la vallée du Rhône en se dirigeant vers Livron. Attaqués par l’artillerie états-unienne, les Allemands se retirent d'Allex avant midi. Les Américains occupent solidement le village. Ayant rapproché leur artillerie, ils commencent à appliquer de puissants tirs sur les éléments de la 19e armée allemande bloqués devant Livron par une crue subite de la rivière Drôme. Les tirs de mortiers et de canons se poursuivront le lendemain sur l’armée nazie tentant de contourner le bouchon de la RN 7.
En fin de journée du 28 août, les Américains coupent la RN 7 à Livron mais ils ne cherchent pas à pousser leur infanterie plus loin vers le confluent de la rivière Drôme avec le fleuve Rhône. Ils choisissent ainsi de confier à leur aviation et à leur artillerie le soin de pilonner les passages à gué de la rivière. Malgré cela, quelques unités allemandes parviennent encore à s’échapper jusqu’au milieu de la nuit du 29 août.
Au matin du 30 août, à 9 h 15, la nasse est définitivement fermée. Les combats cessent alors dans Loriol et Livron. Toutes les localités de la basse vallée de la Drôme sont désormais libres. L’armée allemande devra choisir de continuer sur la voie parallèle à la vallée du Rhône.
Auteurs : Robert Serre
Sources : Le lys de Saint-Joseph, n° 626 et 627de 1946 Archives de l’association Mémoires d’Allex. Allocution de Pierre Chabanne au plateau de la Résistance, le 4 mai 1985. Réponse de R. Maisonnas, instituteur, au questionnaire de la commission d’histoire (Vincent-Beaume). Allocution d’Edmond Boissier, adjoint au maire, président de l’association des Anciens Combattants, le 25 juin 1988.