Roger Chaudon

Légende :

Roger Chaudon, MUR-MLN, responsable de la SAP du secteur d'Oraison, sans date

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © ANACR de Marseille Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc.

Date document : Sans date

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Var - Signes

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Contexte historique

Roger Paul Chaudon naquit le 26 mai 1908 dans le village des Milles, de la commune d’Aix-en-Provence. Charpentier à Aix-en-Provence, il se maria le 21 février 1935 avec Andrée Delphine Barjavel, domicilié à Oraison (Basses-Alpes, Alpes-de-Haute-Provence). Le couple eut un fille le 25 mai 1941. Roger Chaudon était en 1939 gérant du silo à blé d’Oraison, inséré dans le réseau de coopératives agricoles monté par Louis Martin-Bret.

Après la défaite de 1940, ce dernier organisa dans le département le mouvement de Résistance Combat intégré ensuite dans les Mouvements unis de Résistance (MUR), puis dans le Mouvement de Libération nationale (MLN). Membre de ces organisations successives et de l’Armée secrète (AS), Roger Chaudon mena, aux côtés de Martin-Bret, une activité résistante multiforme. Ainsi, au début de l’été 1942, il s’occupa, pour Combat, de la confection de faux-papiers. Selon Jean Vial, chef de l’AS des Basses-Alpes, il fit un voyage dans le Nord de la France dont il ramena « une belle collection de cachets et d’imprimés ». Plus tard, il hébergea des résistants en déplacement comme Joseph Laurenti, Julien, cadre du PCF clandestin.

Après l’invasion de la région en novembre 1942, il fut en butte à la répression des occupants. Ce fut le cas, en 1943, lorsque les Italiens capturèrent, le 10 juin, les maquisards de la ferme de Pellegrin, à Manosque. Le lendemain, Louis Martin-Bret lui-même fut arrêté, mais réussit à s’enfuir. À la suite de son évasion, ses familiers et le personnel de la coopérative furent interrogés. Roger Chaudon fut interpellé et interné. Il fut relâché faute de preuves après quelques semaines de captivité.

Ayant recouvré la liberté, il participa sous la direction de René Char, capitaine Alexandre, aux activités de la Section atterrissage parachutage (SAP). Il eut en charge, avec Léon Zyngerman, Saingermain, le terrain d’Oraison. Après la guerre, dans Les Feuillets d’Hypnos, René Char évoqua celui-ci dans le feuillet 87, sous la dénomination d’homodépôt Durance 12. René Char rappela, dans le même texte, les conseils très précis de prudence qu’il avait donnés à la (jeune) équipe de Duranceville (Oraison), chargée de la réception des parachutages, résumés par la formule « Amitié, ouate, discipline ». Il rappela également que Roger Chaudon (l’ami des blés) en fut le point de chute et la boîte aux lettres et assurait, avec Gabriel Besson (le Nageur), la liaison avec lui. Il aménagea, écrit René Char dans le "feuillet d’Hypnos 65", le silo à blé d’Oraison en « forteresse des périls ». René Chaudon, en tout cas, était assez proche de René Char pour le mettre en garde, au début juillet 1944, à la veille de son départ pour Alger, contre les intrigues qui s’y nouaient.

Roger Chaudon était à Oraison lorsque le Comité départemental de Libération (CDL) des Basses-Alpes s’y réunit le samedi 15 juillet 1944 et le dimanche 16 juillet 1944, dans une salle au-dessus du café de France, géré par Léon Gaubert. Il assista à la mauvaise comédie montée dans le village par les autorités allemandes, le SIPO-SD, la Wehrmacht et la division Brandebourg pour démasquer le maximum de résistants. Il fut arrêté dans la soirée du dimanche avec ses camarades et, comme eux, transféré à Marseille.

Roger Chaudon fut fusillé à Signes le 18 juillet et enterré de manière sommaire avec 28 autres victimes dans la « première fosse ». Sa dépouille, transportée le 17 septembre à la morgue du cimetière Saint-Pierre à Marseille (cercueil 707), fut parmi les 32 premières identifiées. Le médecin légiste constata l’éclatement de l’occipital et des pariétaux, dû à des rafales de projectiles tirés à courte distance. Le cerveau était totalement déchiqueté.

Après les obsèques nationales célébrées pour l’ensemble des martyrs de Signes au cimetière Saint-Pierre à Marseille, le 21 septembre 1944, Roger Chaudon fut inhumé au cimetière d’Oraison avec les trois autres victimes originaires de cette commune. Une plaque honorant Roger Chaudon, Émile Latil, le docteur Daumas et Terce Rossi fut apposée dans l’enceinte du cimetière sur le monument aux morts, avec la mention « lâchement assassinés par les Allemands et les miliciens, le 19 juillet 1944 ». Le nom de Roger Chaudon figure également sur une stèle, avec celui des dix autres résistants arrêtés le 16 juillet, à la sortie nord de la ville et, à Manosque, sur le monument « Aux martyrs de la Résistance dans les Basses-Alpes », dans la longue liste des victimes de la répression classées par villes et villages (à l’emplacement dédié à Oraison). Son nom fut donné à une avenue d’Oraison et à une rue du hameau des Milles où il était né. Il fut aussi gravé sur le monument aux morts de cette localité. Roger Chaudon fut reconnu interné résistant et Mort pour la France. Il fut décoré à titre posthume de la Croix de guerre, de l’Ordre de la Libération avec étoile d’argent et de l’Ordre de l’armée avec palme.

Dans « La lune d’Hypnos », écrit en 1945, René Char traça un portrait très chaleureux de Roger Chaudon, dont il souligna la lucidité : « Il était celui-là même, se souvient-il, qui avait le don de purifier toute question par la teneur juste de sa réponse. Il aimait la vie comme on l’aime à quarante ans, avec un regard d’aigle et des effusions de mésange. Sa générosité l’agrandissait au lieu de l’entraver […] Le battant des avocats du diable lui était connu : « Leur descendance est assurée pour de nombreuses années. Ils ont si bien fait leur compte qu’ils ont des fils jusque parmi nous. Nous connaîtrons l’époque d’une autre peur. Je parie ma vie contre l’entreprise ». Telle était sa pensée. »


Auteur : Robert Mencherini

Sources :  Acte de décès ; DAVCC Caen, dossier de mort pour la France, Roger Chaudon, 21P 435 556 ; DAVCC Caen, 27 P 244, « Bouches-du-Rhône, charnier de Signes, Procès-verbaux d’enquête, exhumations » Vérité, organe du mouvement de libération nationale, 1944-1945, en particulier, les numéros 1 et 42 ; La Liberté des Basses-Alpes, organe du CDL des Basses-Alpes, n° 5, 30 septembre 1944 ; Jean Garcin, De l’armistice à la Libération dans les Alpes-de-Haute-Provence, 17 juin 1940 - 20 août 1944, Digne, Imprimerie Vial, 1983, rééd. 1990, p. 351 et sq. ; Jean Vial, Un de l’AS bas-alpine. Souvenirs d’un résistant, Marseille, Chez l’auteur, imprimerie Villard, 1947, 3e rééd., Imprimerie Villard, 1990, pp. 214-218 ; Jean-Christophe Labadie, La répression allemande. Basses-Alpes 1943-1944, Digne, Archives départementales des Alpes-de-Haute-Provence, 2014, pp. 121-125 et recueil documentaire, pp. 20-21 ; Simone et Jean-Paul Chiny, La Résistance et l’occupation nazie à Marseille, Marseille, comité de l’ANACR, 2014 ; Commission départementale de l’information historique pour la paix, Le Mémorial de la Résistance et des combats de la Seconde Guerre mondiale dans les Basses-Alpes, Digne, 1992 ; Hélène Vésian, Claude Gouron, Les chemins de la liberté, sur les pas des résistants de Haute-Provence, ADRI/AMRID, 2004 ; René Char, Les Feuillets d’Hypnos, Paris, Gallimard, coll. Espoir, 1946 (première édition) ; René Char, « La lune d’Hypnos », publié dans Recherche de la base et du sommet, Paris, Gallimard, coll. Espoir, 1955 (première édition).