Jean-Maurice Muthular d'Errecalde
Légende :
Jean-Maurice Muthular d'Errecalde, Lucas, OSS, membre d'une mission interalliée
Genre : Image
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Détails techniques :
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Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Var - Signes
Contexte historique
Jean-Maurice Muthular naquit dans le sixième arrondissement de Paris (France), le 10 mai 1911, 62, rue Monsieur le Prince. Sa mère, Jeanne-Marie Errecalde, était cuisinière, et son père, Jean-Baptiste Muthular, gardien de la paix, après avoir été garde républicain. Tous deux, mariés le 29 février 1908, étaient issus de familles paysannes, de pères laboureur et métayer. Ils habitaient Paris, 21, rue Soufflot, mais étaient nés dans les Basses-Pyrénées (Pyrénées-Atlantiques), en pays basque, dans les provinces de Basse-Navarre et de Soule.
En 1935, Jean-Maurice Muthular, alors directeur de contentieux, domicilié square Albin Cachot à Paris, se maria le 2 avril dans le seizième arrondissement, avec Édith Maria Hélène Wertheimer. Celle-ci, née à Francfortsur- le-Main (Allemagne), le 11 mars 1905, issue d’une famille juive allemande habitait alors Paris, 3 square Mignot. Son père, Ludwig Wertheimer, professeur à la faculté de droit de Francfort, venait d’être exclu de l’université par la législation nazie, comme le tiers de ses collègues. Il décéda le 9 mars 1938.
La famille Muthular - Wertheimer (à l’exception de Ludwig, décédé) émigra aux États-Unis d’Amérique, à bord du paquebot SS Champlain et arriva à New York le 15 février 1939. Jean Maurice s’engagea dans l’armée américaine le 13 octobre 1942. Bénéficiant d’un statut spécial facilitant la naturalisation des membres des forces armées américaines nés à l’étranger, il fut naturalisé américain le 15 juillet 1943, à Colombus (Géorgie, États-Unis), sous le nom de Jean-Maurice Muthular d’Errecalde. Le patronyme de sa mère, Errecalde, précédé d’une particule, avait été ajouté à celui de son père.
First Lieutenant (Infantry) - Premier Lieutenant (Infantry) -, Jean- Maurice Muthular d’Errecalde fut recruté par l’Office of Strategic Services (OSS). Affecté à une mission interalliée préparatoire au débarquement, il fut 2 - - parachuté en Vaucluse, près de Beaumont-de-Pertuis, dans la nuit du 13 juin 1944. Sous le pseudonyme de Lucas, il devait prendre contact avec la mission interalliée déjà sur place, dirigée par Henry Chanay, Michel. Il était porteur d’un ordre de repli pour les maquis, qui, mobilisés autour du 6 juin, se trouvaient durement éprouvés par la répression. Il lui fallait, en même temps, faire le point sur une situation régionale compliquée, avec de fortes tensions entre le chef FFI, Robert Rossi, Levallois, et le dirigeant de l’Organisation de Résistance de l’armée (ORA), Jacques Lécuyer, Sapin. De plus, ainsi que le souligna la citation qui accompagna sa décoration (posthume) de la Distinguished Service Cross, il fut confronté à des organisations de Résistance très affectées par les arrestations et la trahison.
Lucas prit contact avec les dirigeants des organisations et essaya d’agir pour le mieux dans ce contexte difficile, en lien avec la mission interalliée et Henry Chanay. Il fut toutefois, semble-t-il, en désaccord avec ce dernier et demanda à retourner rapidement à Alger pour présenter de vive voix un rapport d’activités. C’est dans ce but qu’il se rendit, à la mi-juillet 1944, à Saint-Tropez où il s’installa à l’hôtel Aïoli. La petite cité était le QG de François Pelletier, Ruben, qui organisait les liaisons clandestines avec la Corse par vedettes rapides.
Mais Muthular d’Errecalde avait été repéré par les services allemands. Pis encore, à la suite de l’arrestation d’Henry Chanay et de Michel Lancesseur à Marseille le 15 juillet 1944, Ernst Dunker-Delage, l’homme clé de la section IV du SIPO-SD (la Gestapo) à Marseille, découvrit sa présence à Saint-Tropez. Il dépêcha aussitôt dans le Var l’officier français passé à son service, Maurice Seignon de Possel-Deydier, Noël pour la Résistance, Erick pour la Gestapo. Celui-ci arriva à Saint-Tropez le 21 juillet au soir et, les jours suivants, y multiplia les rencontres avec les résistants qu’il connaissait, en particulier avec François Pelletier avec lequel il avait été en stage à Staouéli. Il nota soigneusement, dans un petit carnet, les caractéristiques physiques de chacun, en permettant ainsi l’identification. Il y décrivit Lucas, en train de déjeuner à l’auberge des Maures : « 30 ans – 1 m 75 – châtain foncé, teint coloré, sandales, short rouge, pull-over bleu marine, pas de chemise, chaîne en argent. Auberge des Maures – près de la fenêtre - moustache noire ». Il indiqua également que Lucas était en possession d’une fausse carte d’identité au nom de Diriart. Finalement, les Allemands intervinrent le 24 juillet et arrêtèrent François Pelletier, le radio Paul Paoli et Muthular d’Errecalde. Tous trois furent conduits au siège du SIPO-SD, 425 rue-Paradis à Marseille.
Jean Muthular d’Errecalde figure dans le livre de saisie de la police de sécurité allemande (SD), page 130, numéro 945, à la date du 10 août 1944, sous le nom de Muthular Jean, « Hauptmann der Interallie mission der FFI » (Capitaine de la mission interalliée auprès des FFI). Il était en possession de 560 francs. Il fut interrogé par Ernst Dunker-Delage. Ce dernier trouva confirmation de ce qu’il avait déjà appris, à savoir des tensions entre Lucas et la mission interalliée. Ces renseignements, expliqua Dunker lorsqu’il fut interrogé après la Libération, étaient de peu d’intérêt du fait de la liquidation de cette mission. Muthular d’Errecalde fut d’abord détenu avec Ernest Quirot, réscapé des exécutions du 18 juillet. Celui-ci gardait, après la Libération, le souvenir d’un Muthular d’Errecalde très pieux, qui priait devant le vasistas de la cellule, face à la « Bonne mère ». D’Errecalde pensait également que sa nationalité le protégerait. En tout cas, il ne suivit pas l’exemple d’Ernest Quirot qui infecta volontairement son genou et fut hospitalisé. Lucas fut mis alors en cellule avec un « mouton », membre reconnu du collaborationniste Parti populaire français (PPF) et de la pègre, Charles Palmièri, qui réussit à lui soutirer quelques renseignements sur des contacts.
Jean Muthular d’Errecalde est mentionné dans le rapport « Antoine » écrit le 11 août 1944 par Dunker-Delage. On y trouve, sous le nom de « Muthular », la mention « fut… le... », qui est commune aux exécutés de Signes. Il fut fusillé à Signes le 12 août et enterré, de manière sommaire, avec 8 autres victimes dans la « deuxième fosse ». Sa dépouille, transportée le 17 septembre à la morgue du cimetière Saint-Pierre de Marseille (cercueil 692), fut parmi les 32 premières identifiées. Le médecin légiste constata que la mort était due à l’éclatement complet de l’occipital. Un projectile avait traversé le dos du côté gauche.
Un officier américain qui enquêtait, après la Libération, sur Muthular d’Errecalde releva, dans la cellule de la rue-Paradis, cette inscription écrite de sa main « Memento, homo, quia pulvis es et in pulverum reverteris » (Souviens-toi, Homme, que tu es poussière et que tu redeviendras poussière »), extraite de Genèse II, v.19. Le 20 mai 1945, Jean-Maurice Muthular d’Errecalde fut décoré par le gouvernement américain, à titre posthume, de la Distinguished Service Cross. À proximité de La-Garde-Freinet, au col de Vignon, sur la route départementale 74, une stèle perpétue son nom et celui de François Pelletier. L’inscription évoque leur combat « pour que vive la France et l’Humanité ».
Après son décès, l’épouse de Jean-Maurice, Edith Muthular travailla, à New York, sous le nom d’Édith d’Errecalde, pour la célèbre maison de haute couture Mainbocher qui avait quitté Paris pour les États-Unis en 1940. Elle signa de son nom une ligne de vêtements d’infirmière et, plus tard, de vêtement de sports. Elle se maria, dans le Connecticut, le 14 janvier 1950, avec André David Hadamard et décéda le 22 août 2002.
Auteur : Robert Mencherini
Sources : État civil ; Dossier de naturalisation comme citoyen américain de Jean-Maurice Muthular, USCIS History Office and Library ; DAVCC, Caen, 27 P 45, livre de saisies de la police de sécurité (SD), Marseille, commencé le 14 juin 1943 ; archives nationales 72 AJ 104, AIII 7 bis, le Kommandeur de la SIPO et du SD de Marseille, « Rapport final (…) Affaire Catilina », Marseille, 6 juillet 1944, signé Dunker, SS Scharführer et « Rapport final sur l’identification d’un groupe de Résistance de Marseille par le Kommandeur de Lyon dans l’affaire “industriel”. L’affaire Antoine », Marseille, 11 août 1944 ; archives départementales des Bouches-du-Rhône, 58 W 20, interrogatoire de Dunker, Delage, par le principal chef de la BST, à propos du rapport Antoine, 9 juillet 1945 ; 58 W 20, interrogatoire de Dunker par le principal chef de la BST Marseille, 12 juin 1945 ; citation pour la Distinguished Service Cross (« Croix de service distingué ») ; archives du colonel Jean Pétré ; Vérité, organe du mouvement de libération nationale, 1944-1945, en particulier les numéros 1 et 42 ; presse quotidienne régionale, septembre 1944 ; Henri Rosencher, Le sel, la cendre et la flamme, Paris, chez l’auteur, 1985, rééd. Kiron-Éditions du Félin, coll. Résistance Liberté Mémoire, 2000 ; Madeleine Baudoin, Témoins de la Résistance en R2, intérêt du témoignage en histoire contemporaine, thèse de doctorat d’État, Université de Provence, 1977, 3 volumes, 820 p. ; Jean-Marie Guillon, La Résistance dans le Var, essai d’histoire politique, thèse de doctorat d’État, dir. Émile Temime, Université de Provence, Aix-en-Provence, 1989, 2 volumes, 919 p., annexes, 280 p. ; site Maitron-en-ligne, notice Jean-Marie Guillon ; Antoine Pelletier, Autrement qu’ainsi, Paris, Éd. Quintette, 1991 ; Arthur Layton Funk, Les Alliés et la Résistance. Un combat côte à côte pour libérer le Sud-Est de la France, Aix, Édisud, 2001, trad. Christine Alicot (ed. originale, Hidden Ally, Greenpoint, Greenwood Press, 1992), pp. 24-27 ; Simone et Jean-Paul Chiny, La Résistance et l’occupation nazie à Marseille, Marseille, comité de l’ANACR, 2014 ; Robert Mencherini, Résistance et Occupation, 1940-1944, Midi rouge, Ombres et lumières. Histoire politique et sociale de Marseille et des Bouches-du-Rhône, 1930 - 1950, tome 3, Paris, Syllepse, 2011.