Analyse média

Le Comité local de Libération (CLL) qui existait clandestinement s’installe officiellement à la mairie. La date est intéressante à remarquer. La Libération n’est pas encore réalisée puisque les troupes allemandes n’ont quitté Romans-sur-Isère, à 12 km au sud-est, que le 30 août 1944. Mais la délivrance est proche et le CLL l’a anticipé légèrement, aucune troupe ennemie n’étant dans la commune.

Le document est rédigé à la plume et à l’encre noire sur un cahier à carreaux. Dans la liste, le nom de Maurice Finiels a été barré. On constate qu’il était absent à la séance du 16 septembre 1944. A-t-il été muté (agent du Trésor public) ? Deux noms (Métifiot, Blanc) ont été rajoutés à la liste, l’écriture est différente.

Composition du CLL : Jean Chancel, président. Charles Gay. Abbé Moretty. Jean Bonfils. Maurice Finiels. Raoul Meysonnier. Michel Perroton. Alfred Romanat. René Leygnier. Albert Genevier. Louis Coulet. Paul Robin. Madeleine Métifiot. Henri Blanc.

La municipalité de Saint-Donat avait été installée par le préfet, le 4 juin 1941. Dans la perspective de la libération proche, le CLL se substitue à la municipalité. Des décisions sont prises dès le 28 août 1944 :

- Le président a « pris contact avec le personnel municipal, aujourd’hui même, pour lui faire connaître qu’aucun changement n’est apporté dans sa constitution, mais seulement dans les attributions respectives ». M. Charasse, secrétaire de mairie n’ayant pas accepté les modifications « a préféré cesser ses fonctions ». Il est remplacé par M. Aubert, ex-secrétaire de mairie, qui reprend le poste dont il avait dû être évincé.

- « Toute personne susceptible de remplir un emploi, une fonction utile aux besoins publics » est invitée à ne pas quitter la localité.

- « Le service de la Goutte de lait ne doit subir aucune interruption. »

- Le comité prend des dispositions pour assurer le ravitaillement en viande.

- Les transporteurs sont susceptibles de réquisition.

- Rétablir la possibilité de chasser et de pêcher.

- Organisation d’un poste de police.

Contexte historique

Les Comités locaux de Libération (CLL) se substituent aux Conseils municipaux favorables au gouvernement de Vichy. Dans certaines communes, comme Romans-sur-Isère, les mouvements avaient désigné un maire qui coexiste avec le CLL.

Le CLL de Saint-Donat a pris la responsabilité de la commune, trois jours avant la libération totale du département de la Drôme. Dans les semaines qui suivent, il prend des dispositions pour une remise en marche des rouages administratifs et essayer de résoudre les problèmes auxquels se heurtent les habitants.

Le 4 septembre 1944 :
- Les laissez-passer seront délivrés par le service de police.
- Reprise rapide du travail dans les usines (rencontre avec les industriels).
- Mise en place de commissions organiques (Finances. Travaux. Chemins. Foires et marchés. Écoles. Bois. Impôts directs. Sports et hygiène. Bureau de bienfaisance. Épuration).
- Mise en place d’une boîte aux lettres pour recevoir les réclamations (signées) concernant le marché noir qui seront suivies d’enquêtes approfondies.

Le 9 septembre :
- Les producteurs de vin peuvent retirer la provision à laquelle ils ont droit.
- Un conseiller est désigné pour s’occuper des pommes de terre.
- Une conférence est prévue par les abbés Moretty et Lémonon, le CLL souhaite « garder avant tout l’esprit de résistance qui, seul, peut amener la réalisation des projets de "ceux du maquis". »

Le 16 septembre 1944 :
- Le Comité des sinistrés a distribué les secours utiles et décidé d’employer le reliquat à venir en aide aux autres localités sinistrées.
- Les honoraires du médecin pour soins aux femmes victimes du 15 juin seront pris en charge.
- Le balayage des classes sera assuré par un employé communal.
- Des dispositions sont prises pour l’approvisionnement en bois de la population.
- Augmentation de la sévérité et de la vigilance à l’égard du marché noir de la viande de boucherie.

Le 25 septembre 1944 :
- Fourniture de bois aux écoles libres dans les mêmes conditions qu’aux écoles laïques.
- Frais funéraires des « morts pour la France » supportés par le Bureau de bienfaisance.

Le 7 octobre 1944 :
- Projet d’une journée du prisonnier : collecte, tombola, etc.
- Pénalité à une épicière.
- Hôpital temporaire de 25 lits : création, fonctionnement, ressources.
- Une collecte pour les victimes du Vercors a produit 30 000 francs et un matériel important.
- Mesures prises contre le vol de bois à la Forêt de Sizay.
- Bail des jardins ouvriers renouvelé pour un an.
- Création, organisation et fonctionnement de la Milice patriotique.
- Alimentation en eau de certains quartiers.

Ce survol des premières décisions du CLL montre l’ampleur et la diversité des problèmes qu’il doit résoudre en peu de temps. Ceux qui concernent le ravitaillement sont abordés à chaque séance. Le CLL avait décidé de se réunir toutes les semaines.

La commune de Saint-Donat compte un peu plus de 2 000 habitants et est chef-lieu de canton. Son CLL n’est qu’un exemple. La plupart des difficultés auxquelles il est confronté sont celles que rencontrent toutes les communes. Le pays sort d’une période pendant laquelle il a été pressuré par l’occupant allemand et mis sous tutelle par le gouvernement de Vichy. Les problèmes à résoudre sont nombreux et importants. Il faudra plusieurs mois, voire plusieurs années pour retrouver un fonctionnement plus normal, un ravitaillement suffisant.