Alice Cartier, une femme maire

Légende :

Alice Cartier, maire de Saint-Dizier-en-Diois, célébrant un mariage (1969)

Genre : Image

Type : Photo

Producteur : Inconnu

Source : © Collection Michel Ondarsuhu Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique, noir et blanc, de format 6 x 6 cm.

Date document : 1960

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Saint-Dizier-en-Diois

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Analyse média

Alice Cartier mariant Christiane Oddon et René Gras  le 22 février 1969 à Saint Dizier-en-Diois. La cérémonie se déroule dans la salle de classe qui servait à l'époque de salle des mariages. C’est un bureau d’élève qui sert de table.

Alice Cartier n'était plus maire depuis 1965 mais adjointe au maire Emile Oddon, père de Christiane.


Auteurs : Jean Sauvageon

Contexte historique

Même si le vote des femmes n’était pas inscrit explicitement dans le programme du CNR (Conseil national de la Résistance), le 21 avril 1944, une ordonnance du Gouvernement provisoire, réuni à Alger, stipule que les femmes sont électrices et éligibles. La France n’était pas en avance sur ce sujet, de nombreux pays avaient déjà accordé ce droit. La constitution de 1946 consacre le principe de l’égalité des droits entre les deux sexes. Les femmes votent pour la première fois aux élections municipales de 1945. En 1947, pour la seconde fois les femmes peuvent exercer ce droit de vote.

Dans le village de Saint-Dizier-en-Diois, commune la plus élevée de la Drôme (1 125 mètres d'altitude) et qui compte à l'époque quelque 80 habitants, les élections municipales ont lieu les 19 et 26 octobre 1947. Le 31, les 11 conseillers nouvellement élus choisissent comme maire Alice Cartier qui sera l'une des deux premières femmes-maires élues dans le département.

Alice Cartier est née le 19 décembre 1902 à Saint-Dizier-en-Diois dans une famille implantée de longue date dans le village. Ce sont des gens modestes : cultivateurs, cordonnier, couturière… Ils appartiennent à la communauté protestante, fortement représentée dans le Haut-Diois. Ils sont ouverts, cultivés, progressistes et très tournés vers les autres.

Jeune fille, Alice avait été formée à la vie religieuse et s'occupait particulièrement des enfants. Comme sa maison se trouvait sur le chemin de l'école, ceux-ci n'hésitaient pas à venir goûter chez elle. Elle les aidait à faire leurs devoirs et c'est elle aussi qui les soignait lorsque le médecin se faisait attendre. Quelque temps avant la Seconde Guerre mondiale, on installa le téléphone à Saint-Dizier. Mais qui allait gérer la cabine publique, la seule du village ? C'est elle qui fut choisie. Puis après la défaite de 1940, l'occupation allemande, la résistance s'organisa. Un maquis fut créé à Saint-Dizier et la liaison avec les autres groupes se fit par téléphone grâce à elle.

Elle n'hésita pas non plus à cacher chez elle ou dans le village plusieurs enfants juifs qu'elle sauva ainsi d'une mort certaine. Grâce à sa cousine Odette Rolland qui travaillait à Londres, elle put en faire passer un certain nombre en Suisse, grâce au YMCA (Young Men’s Chiristians Association), association caritative chrétienne, fondée en 1844 en Grande-Bretagne.

II n'est donc pas étonnant qu'après la Libération, les habitants du village la choisissent pour présider aux destinées de la commune. Femme de caractère, elle va exercer son autorité morale sur ses administrés, les conseillant, résolvant les conflits. Elle va aussi s'attacher à améliorer la vie quotidienne du village et n'aura de cesse de relancer les administrations pour obtenir les subventions nécessaires à la réalisation de son programme.

1952. C'est l'inauguration, en présence du préfet, de l’inspecteur d'académie et des représentants des différents services de l'État, de l'école rénovée, du temple restauré et de la fontaine sur la place du village. Dans son discours, après avoir remercié les autorités et surtout les habitants qui l'ont soutenue dans son action, elle déclarera : « Nous avons une âme, une intelligence et un corps. Pour l'âme, j'ai voulu que nous ayons un temple digne du culte que nous rendons à Dieu. Pour l'intelligence, j'ai travaillé à rendre les écoles gaies et utiles. Pour le corps, j'ai permis que nous puissions nous laver. » Ce qui fit dire au préfet qui ne pouvait cacher son admiration : « Si j'en avais une pareille dans chaque village, je transformerais le pays ». Alice Cartier restera maire de 1947 à 1965 et réalisera également l'adduction d'eau potable dans toutes les maisons du village. Elle conservera un mandat de conseillère municipale jusqu'en 1977, deux ans avant sa mort, le 14 juillet 1979.

Une plaque commémorant son action municipale rappelle, sur la place de Saint-Dizier, le souvenir de celle qui, aujourd'hui encore, suscite l'admiration de tous ceux qui l'ont connue.


Auteurs : Michel Ondarsuhu
Sources : Études drômoises, n° 28, décembre 2006.