Déclarations de Raymond Aubrac, Le Provençal du 29 août 1944

Légende :

Importantes déclarations de Raymond Aubrac, Le Provençal, 29 août 1944

Genre : Image

Type : Journal

Source : © Collection Robert Mencherini Droits réservés

Détails techniques :

Document imprimé sur papier journal avec reproduction de photographie analogique en noir et blanc.

Date document : 29 août 1944

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille

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Analyse média

Il s'agit des déclarations de Raymond Aubrac parues sur la seule première page (la totalité de l'article s'étendant sur deux pages), dans Le Provençal – Organe des Patriotes Socialistes et Républicains – du 29 août 1944. Celles-ci sont illustrées par une photographie en noir et blanc de leur auteur qui occupe le haut de la colonne de droite, la une du journal étant organisée en trois colonnes. Selon le procédé typographique utilisé traditionnellement dans la presse, l'importance de ces déclarations est en rapport avec l'utilisation de gros caractères.


Alain Giacomi

Contexte historique

À la date où paraît ce numéro du Provençal, Raymond Aubrac a été nommé commissaire de la République depuis le 7 août 1944 par le général de Gaulle, mais n'a pris ses fonctions que depuis le 24 août. Il est investi de la lourde tâche de mettre en place les nouveaux pouvoirs dans une ville et une région où il est alors inconnu, ce qui explique que l'article commence par une présentation du personnage qui met l'accent sur sa détermination et sa cordialité, caractères supposés se refléter dans sa photographie.
Il n'est pas surprenant qu'il choisisse d'aborder en premier le problème crucial du ravitaillement de la population phocéenne et de sa région. Contrairement aux espoirs de la population qui pensait que la pénurie alimentaire était à mettre au seul compte des prélèvements allemands, la fin des hostilités ne signifie pas un abandon du rationnement, qui est maintenu par une ordonnance du 9 août 1944. Même si le rationnement est présent dans toutes les régions et, a fortiori, de façon plus pressante dans les villes que dans les campagnes, la population marseillaise doit faire face à une ration alimentaire plus réduite et plus déséquilibrée que les populations de Paris ou de Lyon, dont les conséquences peuvent notamment s'observer dans les manifestations de rachitisme calcique chez les enfants de 6 à 16 ans. 

Ainsi, face au mécontentement de la population de Marseille et des autres villes de la région, la question du ravitaillement devient un enjeu politique à la fin de l'année 1944 et au début de l'année 1945. Pour tenter de répondre dans l'urgence à cette question, les maraîchers – dans le souci de respecter des normes de distributions – sont invités à ravitailler les centres urbains, et les transporteurs à mettre à disposition des véhicules. Pour éviter tout incident, Raymond Aubrac assigne à certains FFI – plus particulièrement à ceux qui choisiront de former des unités de combat contre les poches ennemies de résistance – la surveillance de ces transports, mission qui s'inscrit dans un plan plus général concernant le statut des FFI. Le redéploiement des FFI selon trois choix possibles et des statuts afférents est annoncé par le commissaire de la République, le même jour où – comme cela est annoncé aussi en première page du journal – a lieu le défilé de la victoire. La proximité de ces deux faits témoigne de la nécessaire urgence qui s'impose à rompre définitivement avec les organisations vichystes et à mettre en place de nouveaux pouvoirs.

Dès le 23 août, Raymond Aubrac avait institué la création des FRS (Forces républicaines de sécurité, qui deviendront les CRS le 8 décembre 1944), dont les effectifs avaient été puisés déjà dans les FFI. Cette création avait pour but d'aider la police – dont beaucoup d'éléments restaient indisponibles, suite à leur compromission avec Vichy – dans l'exercice de ses tâches habituelles, mais aussi pour procéder à la répression des faits de collaboration et de marché noir. Les trois propositions énoncées par Raymond Aubrac – dont la troisième rejoint les fonctions assignées aux FRS en ce qui concerne la répression des collaborateurs et profiteurs du marché noir –, témoignent de la volonté de mettre rapidement en place de nouveaux pouvoirs, mais aussi de favoriser l'épuration judiciaire au détriment de l'épuration extrajudiciaire.


Auteur : Alain Giacomi

Sources : 

Robert Mencherini, La Libération et les années tricolores (1944-1947). Midi rouge, ombres et lumières, Une histoire politique et sociale de Marseille et des Bouches-du-Rhône de 1930 à 1950, tome 4, Paris, éditions Syllepse, 2014.