Article de presse intitulé "Souples et légères", La Marseillaise, 3 septembre 1944

Légende :

Article de presse intitulé "Souples et légères", accompagné d'une photographie, paru dans La Marseillaise, organe du Front national, 3 septembre 1944

Genre : Image

Type : Article de presse

Source : © AD des Bouches-du-Rhône - PHI 419-1 Droits réservés

Détails techniques :

Document imprimé sur papier journal et reproduction de photographie analogique en noir et blanc.

Date document : 3 septembre 1944

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille

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Analyse média

Trois jeunes femme en uniforme sont photographiées valise à la main, marchant d'un bon pas dans une rue de Marseille. Elles sont conductrices-ambulancières dans le service de santé, d'où leur surnom de « chaufferettes ». Le commentaire repose sur une  opposition entre ces Françaises engagées dans les rangs de l'armée de libération et les auxiliaires allemandes que la population française avait surnommées « les souris grises », en référence à leur tailleur d'uniforme gris. Ici, c'est un autre terme péjoratif utilisé en France pour désigner les femmes allemandes dans leur ensemble qui est retenu : « gretchen ». Gretchen est le diminutif allemand de Margarete ou Marguerite, popularisé par Goethe dans son Faust. Les auxiliaires allemandes sont l'objet de qualificatifs peu flatteurs : « Les lourdes et peu gracieuses gretchen ».

En revanche, la légende de la photo insiste sur la féminité de ces jeunes femmes pourtant en uniforme masculin : « Leur allure souple et légère, leur sourire... ». Leurs qualités morales sont aussi soulignées : « Pleines d'énergie et de dévouement, ces femmes se sont attirées l'admiration et l'amitié de tous les militaires. » Les jeunes auxiliaires du service de santé ont noué des relations de saine camaraderie avec les soldats.

Dans les deux camps, des femmes ont porté l'uniforme. Mais le commentaire affirme une opposition de nature entre les Françaises et les Allemandes : « Leur allure souple et légère, leur sourire marquent bien la différence existant avec le naturel allemand ». Ce recours à une nature nationale et essentialisée dans un journal de sensibilité communiste montre un infléchissement par rapport aux principes marxistes et internationalistes.


Sylvie Orsoni

Contexte historique

En 1945, on estime à environ 500 000 les auxiliaires féminines (Helferinnen) qui, sous l'uniforme, peuplent les services administratifs et de logistique des armées allemandes. L'idéologie nazie ne cantonne pas uniquement les femmes dans un rôle biologique de mère. Les femmes allemandes doivent contribuer à la défense du Reich comme les hommes. Elles peuvent être membres de la SS et jouer un rôle actif dans les camps de concentration et d'extermination.

s les premiers jours, des Françaises rejoignent les Forces françaises libres du général de Gaulle. Elles sont versées dans un « corps féminin », créé le 7 novembre 1940, et contractent comme les hommes un engagement pour la durée de la guerre, augmenté de trois mois. Elles exercent des fonctions administratives et de logistique. En 1941, le Corps des volontaires françaises compte 500 femmes. Elles portent un uniforme semblable à celui des soldats, une croix de Lorraine cousue à droite sous le col et le mot France sur la manche. Elles sont soumises à la discipline militaire. Des ambulancières appelées les Rochambelles, accompagnent la 2e DB du général Leclerc. En 1944 sont créées les AFAT (Arme féminine de l'armée de Terre). Dans les Sections féminines de la Flotte et les Forces féminines de l'Air, les femmes tiennent des postes de DCA. À partir de janvier 1944, une section féminine (dont sont exclues les femmes musulmanes), dite « section automobile nord-africaine (SANA), se constitue en Afrique du Nord. Les femmes sont particulièrement présentes dans le Train comme conductrices-ambulancières. Elles servent aussi dans les transmissions. Elles sont présentes sur tous les théâtres d'opération.
Selon l'historien Luc Capdevila, à la fin du conflit, 15 000 femmes serviraient dans les armées françaises, soit 2 à 3 % des effectifs. Ce pourcentage est proche de celui des armées américaines et allemandes, mais inférieur à celui de l'armée britannique (10 % de femmes) et de l'armée soviétique (12 %). Les femmes de l'armée soviétique furent les seules à se battre sur le front dans l'infanterie et l'aviation.

La bataille de Marseille se déroule du 19 au 29 septembre 1944. Le 29 août, la ville est libérée. Depuis la fin août, Marseille est une base arrière essentielle pour les armées alliées et voit transiter troupes et matériel.


Auteur : Sylvie Orsoni

Sources :

Christine Bard, Les femmes dans la société française au 20e siècle, Paris, Armand Colin, 2001.

Luc Capdevila, La défense nationale au féminin. Mobilisation des femmes, réajustement du genre et identité de sexe du côté de la France combattante (1940-1945), Clio, n° 12, 2000.

Robert Mencherini, La Libération et les années tricolores (1944-1947). Midi rouge, ombres et lumières, tome 4. Paris, Syllepse, 2014.

Midi-Soir, « Le corps féminin de volontaires », 10 septembre 1944.

Jean Quellien, La Seconde Guerre mondiale, Paris, Taillandier, 2000.