L'amalgame - extraits de Histoire de la 1re Armée française, de Lattre de Tassigny, 1949

Légende :

Extraits du chapitre « L’amalgame », tirés des mémoires du maréchal Jean de Lattre de Tassigny, Histoire de la Première Armée française, Paris, Plon, 1949

Type : Mémoires

Source : © Collection Robert Mencherini Droits réservés

Détails techniques :

Retranscription des pages 179 à 183 et 203 à 204 du chapitre VII, « l'amalgame ».

Date document : 1949

Lieu : France

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Analyse média

Dans ses mémoires intitulés Histoire de la Première Armée française, le maréchal de Lattre de Tassigny consacre un chapitre complet au sujet de l’amalgame. Jean de Lattre de Tassigny, qui œuvre pour la reconstruction de l’armée française en 1943 et 1944 et commande l’armée B lors du débarquement de Provence, revient ici sur la question de l’amalgame opéré à l’automne 1944 durant les combats pour la libération du territoire. Il évoque la mise en œuvre de cet amalgame, qui représente pour lui un des enjeux primordiaux de la Libération et de la reconstruction d’une nouvelle armée française représentative de la Nation.
Selon lui, cet amalgame doit permettre, tout en conservant leur particularisme, d’intégrer les combattants FFI, individuellement ou en unités constituées, à l’armée régulière. De Lattre préfère d’ailleurs le terme de « synthèse », à celui d’« intégration » ou d’« incorporation », pour souligner l’idée que ces « combattants des maquis » doivent pouvoir conserver leur identité propre au sein de la nouvelle armée, cet apport lui étant nécessaire : « Rien ne pourra être fait dans l’avenir, la France nouvelle ne pourra pas se sculpter sans avoir dans sa propre matière cette glaise faite de toutes les douleurs, de cet instinct de conservation de la race et de la grandeur française ».
Tout en mettant en avant la compréhension nécessaire entre les soldats « réguliers » et les combattants de la Résistance comme condition indispensable pour réaliser cette synthèse, il ne manque pas de présenter les différences psychologiques, culturelles, mais aussi matérielles, qui les séparent alors. Il évoque ainsi les « réticences mutuelles » qu’il lui faut surmonter pour permettre cette fusion entre des hommes aux « valeurs militaires traditionnelles » (discipline, respect de la hiérarchie, sens du devoir) et d’autres, aux « vertus militaires révolutionnaires » (esprit d’indépendance, engagement politique, particularisme de chaque unité). Il insiste ensuite sur le caractère « nécessaire » de cet amalgame pour construire une nouvelle Armée française : nécessité matérielle (pour, si ce n’est augmenter, du moins maintenir les effectifs débarqués) ; nécessité morale (afin que la jeunesse de France participe à la libération du territoire et que celle-ci ne soit pas seulement le fait des troupes coloniales et alliées) ; nécessité sociale (afin de renforcer les liens entre l’Armée et la Nation, toutes deux en phase de reconstruction, pour réaffirmer le rang de la France dans le monde).

En conclusion de son chapitre, où il énumère toutes les vertus nécessaires à sa réalisation, de Lattre évoque l’amalgame comme « une bataille » et « une victoire – peut-être celle qui (lui) a donné le plus de joie ». Dans ces extraits, il avoue volontiers son admiration pour les combattants FFI, dont il expose les nombreuses qualités, et celles de leurs chefs, « derrière lesquels s’était groupée une jeunesse héroïque et pure, l’élite même de notre adolescence qui, volontairement, voulait se battre sans chaussures et presque les mains nues ».


Laetitia Vion

Contexte historique

Le rôle déterminant des FFI dans la libération du territoire pose rapidement la question de leur incorporation dans les rangs de l’armée B. Le général de Lattre de Tassigny, chef de cette armée, est très vite convaincu de l’intérêt d’intégrer « ceux qui ont lutté dans la clandestinité » aux troupes françaises « régulières » débarquées en Provence.

D’abord prévue sur la base d’un engagement individuel, cette intégration se généralise avec la publication de deux décrets en septembre 1944, qui officialisent ces unités en tant qu’unités de réserve générale supplémentaire au sein de l’armée B.

Des unités FFI, rencontrées lors de la remontée de la vallée du Rhône ou de l’avancée vers les Alpes, se rattachent ainsi à l’armée B (renommée « 1re Armée » au mois de septembre 1944) et viennent gonfler ses rangs.

C’est ainsi que s’opère l’amalgame. En outre, les divisions africaines, présentes depuis la campagne d’Italie au sein du Corps Expéditionnaire Français (CEF), sont particulièrement éprouvées par les conditions climatiques rencontrées. Commence alors le « blanchiment » qui aboutit au remplacement des contingents d’Afrique Noire de la 9e DIC (9 200 Africains) et de la 1re DMI, ex-DFL (6 000 Africains), dès l’automne 1944. Dans certaines unités mixtes, le personnel africain est remplacé individuellement jusqu’en mars 1945, date à laquelle s’achève l’amalgame.

Au total, les FFI fournissent 114 000 hommes à la 1re Armée : 57 000 d’entre eux la rejoignent en unités constituées (dont 20 000 servent sur le front des Alpes), 30 000 par engagements volontaires et 27 000 hommes lui sont envoyés à partir des centres d’instructions FFI des régions militaires.


Auteur : Laetitia Vion

Sources :

Jean de Lattre de Tassigny, Histoire de la 1re Armée française, Rhin et Danube, Paris, Plon, 1949.

Exposition Les Forces de la Liberté, ONACVG, 2014. 

Maurice Vaïsse, La naissance de la nouvelle armée française, Institut Stratégie.fr, consulté le 12 décembre 2016.