Article de presse intitulé "Le retour des absents", Le Provençal, 21 avril 1945
Légende :
Article intitulé « Le retour des absents », Le Provençal, 21 avril 1945
Genre : Image
Type : Article de presse
Source : © Collection Robert Mencherini Droits réservés
Détails techniques :
Document imprimé.
Date document : 21 avril 1945
Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille
Analyse média
Dans cet article du journal Le Provençal, daté du 21 avril 1945 et intitulé « Le retour des absents », le journal remplit son rôle d’information en diffusant les listes des « absents », à savoir les prisonniers, réquisitionnés du STO et déportés français originaires de la région et dernièrement rapatriés. Ces listes sont présentées par lieu et date de rapatriement en France, puis par département d'origine.
Le journal fournit ainsi aux lecteurs des informations sur les individus arrivés la veille à Paris, Jeumont, Valenciennes, Revigny, Lille ou encore Maubeuge, afin qu’ils puissent être identifiés par leurs proches (nom, prénom, adresse, et parfois même profession des personnes rapatriées).
L’article annonce également des rapatriements directs vers Marseille, dans les jours suivants, par voie maritime et en provenance d’Odessa (Russie) : « Quatre bateaux sont attendus à Marseille ». Selon l’article, ces futurs rapatriements doivent concerner des milliers de prisonniers et déportés français, et avoir lieu entre le 27 avril et le 2 mai 1945.
Les deux premiers paquebots en provenance d’Odessa annoncés par l’article arrivent finalement à Marseille le 23 avril 1945 avec, à leur bord, près de 4 000 prisonniers et déportés.
Auteur : Laetitia Vion
Contexte historique
Avant même la signature de l’armistice avec l’Allemagne, le 8 mai 1945, et au fur et à mesure de l’avancée des troupes alliées, les prisonniers et déportés des camps allemands progressivement libérés, mais également les requis du Service du travail obligatoire (STO), commencent à être rapatriés.
En France, des centres sont alors créés, à proximité des lieux d’arrivée, près des frontières et dans les grandes villes, pour les accueillir et assurer leur prise en charge rapide. Paris, mais également les centres du Nord et de l’Est du territoire, comme Lille, Strasbourg ou Metz, accueillent principalement des personnes libérées par les Américains, les Britanniques ou les Français.
Marseille, quant à elle, abrite un des principaux centres d’accueil pour les déportés, prisonniers de guerre et réfugiés ayant bénéficié de l’avancée des troupes soviétiques. Pour la plupart regroupés à Odessa (Russie), leur rapatriement vers la cité phocéenne est organisé par voie maritime, à bord de navires alliés de différentes nationalités. Un centre d’accueil marseillais est ainsi créé et progressivement aménagé au nord de la ville, à proximité du port commercial, dans un hangar de la Compagnie des messageries maritimes, au 309 chemin-de-la-Madrague.
À partir du 23 mars et jusqu’à la fin de l’été 1945, plusieurs convois, avec à leurs bords des milliers de déportés et prisonniers, se succèdent et accostent à Marseille, au Cap Janet. Les navires sont accueillis par une foule, souvent nombreuse, composée de badauds, mais également de familles et amis venus retrouver un proche.
L’arrivée de certains de ces convois donne également lieu à des manifestations plus officielles, en présence d’autorités civiles et militaires. Lors d’un récapitulatif, établi le 15 octobre 1945, on décompte un total de 49 230 personnes rapatriées par voie maritime à Marseille, à savoir 33 091 rapatriés en provenance d’Odessa, 15 683 depuis Naples, 143 d’Istanbul et 313 d’Alger.
D’autres prisonniers et déportés sont, quant à eux, rapatriés par les airs, ou arrivent en train à la gare Saint-Charles, avant d’être enregistrés au centre de la Madrague.
Au total, jusqu’à la mi-octobre 1945, 58 781 prisonniers, déportés, requis du STO mais aussi travailleurs volontaires en Allemagne, transitent par le centre d’accueil marseillais.
La presse régionale se fait l’écho de ces rapatriements et diffuse, chaque jour, la liste des personnes rapatriées originaires de la région dans une rubrique intitulée « Le retour des absents ». Avec le retour de ces « absents », les enquêteurs, dans un premier temps, puis le grand public, découvrent, au travers des témoignages et articles de presse, la réalité et l’horreur de la déportation d’extermination et du système concentrationnaire nazis. Cependant, les rescapés du génocide étant mêlés avec les prisonniers et requis du STO, numériquement plus importants, et, bien que les camps d’extermination soient rapidement mentionnés, la Shoah, dans toute sa dimension, reste dans un premier temps occultée.
Auteurs : Robert Mencherini et Laetitia Vion
Sources :
Robert Mencherini, La Libération et les années tricolores (1944-1947). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 4, Paris, Syllepse, 2014.
Robert Mencherini, Les Bouches-du-Rhône dans la guerre 1939-1945, Clermont-Ferrand, De Borée, 2016.
Site Internet Fresques INA - Repères méditerranéens.