On veut freiner l'épuration, La Marseillaise, 3 octobre 1944
Légende :
Article paru le 3 octobre 1944 en première page de La Marseillaise, journal du Front national de Libération
Genre : Image
Type : Article de presse
Source : © AD des B-d-R PHI 419/1 Droits réservés
Détails techniques :
Document sur papier imprimé.
Date document : 3 octobre 1944
Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille
Analyse média
Dans un article signalé par un titre gras en majuscules, le journal du Front national de Libération s'inquiète des intentions du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) en matière d'épuration économique (cf. premier paragraphe)
La Marseillaise, dans le deuxième paragraphe, craint que la création de comités interprofessionnels d'épuration (CIPE) ne diminue le pouvoir des commissions d'épuration mises en place par les organisations de la Résistance à la Libération, commissions qualifiées assez curieusement de « professionnels de l'épuration » et rende impossible les réquisitions d'entreprises. Ce serait donc pour le Front national un frein à l'épuration.
Dans le troisième paragraphe, un dernier argument est apporté. Dans l'intérêt même des futurs épurés, il faut éviter les juridictions professionnelles, suspectées de manquer d'impartialité.
Le dernier paragraphe réclame pour le Comité régional de Libération la prééminence de l'épuration, les comités interprofessionnels ne jouant qu'un rôle d'information.
Sylvie Orsoni
Contexte historique
Les organisations de Résistance et la population réclamaient une vigoureuse épuration économique. Il était impensable que ceux qui s'étaient enrichis pendant les années de guerre puissent jouir de leurs profits au moment où la grande majorité de la population vivait dans le dénuement.
L'épuration économique commence à Marseille avant même la fin des combats d'août 1944. Des entreprises sont réquisitionnées, leurs dirigeants arrêtés ou assignés à résidence. Ces mesures font l'unanimité dans les organisations et la presse de la Résistance. Le GPRF entend codifier l’épuration économique. La réunion du conseil des ministres évoquée dans l'article de La Marseillaise annonce l'ordonnance du 16 octobre 1944. Contrairement aux craintes du Front national, les organisations de la Résistance ne sont pas absentes des Comités régionaux interprofessionnels d'épuration (CRIE) puisque l'ordonnance prévoit dans son article 3 que, dans les CRIE présidés par un magistrat, siègent deux représentants des CDL aux côtés de trois représentants syndicaux et de trois représentants de la catégorie à laquelle appartient la personne jugée.
L'article de La Marseillaise montre combien les organisations de la Résistance craignent que la mise en œuvre de l'épuration ne leur échappe au profit d'instances jugées moins légitimes et moins rigoureuses.
Auteur : Sylvie Orsoni
Sources :
Robert Mencherini, La Libération et les années Tricolores (1944-1947). Midi rouge, ombres et lumières, tome 4. Paris, Syllepse, 2014.
Henry Rousso, « L'épuration en France, une histoire inachevée », in Vingtième siècle, PFNSP, n° 33, 1992, pp. 78-105.
Bergère Marc, L'épuration économique en France à la Libération, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008.