Note des RG - Rumeurs de laxisme dans l'épuration des collaborateurs, octobre 1944
Légende :
Note du service départemental des Renseignements Généraux sur les réactions de la population à l'égard de l'épuration, 31 octobre 1944
Genre : Image
Type : Note des RG
Source : © AD des B-d-R 149 W 128 Droits réservés
Détails techniques :
Document dactylographié d'une page.
Date document : 31 octobre 1944
Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille
Analyse média
Cette très courte note des Renseignements généraux de Marseille montre que, deux mois après la libération de leur ville, les Marseillais sont déçus par l'épuration. Le premier paragraphe reprend un thème fréquent dans la presse locale et les rapports des RG : l'épuration semble ne frapper que des comparses, des « lampistes ». La population attend que l'on juge les personnalités les plus marquantes de la collaboration. Elle ne se satisfait pas de « coupables de moyenne importance », ce qui est déjà un cran au-dessus du « lampiste » de base. Les têtes d'affiche de la collaboration marseillaise, comme Simon Sabiani, ont souvent eu la prudence de prendre la fuite.
La perte de confiance dans les institutions chargées de l'épuration se manifeste dans le second paragraphe. La rumeur court que Lucien Mangiavaca, membre très connu du PPF, jugé et condamné à mort le 14 octobre 1944, pourrait être amnistié. La première condamnation à mort prononcée par la cour de justice de Marseille le 11 septembre 1944 avait frappé un membre arménien du PPF [Voir média lié]. Le condamné avait été exécuté le lendemain. Le verdict avait recueilli l'unanimité d'après une note des Renseignements Généraux datée du 12 septembre mais la population souhaitait un châtiment exemplaire pour tous les membres du PPF. Or, Lucien Mangiavaca était l'un des lieutenants les plus connus de Simon Sabiani. La rumeur peut se répandre car, contrairement à Dereng Tcherpechekian, Lucien Mangiavacca s'est pourvu en cassation. Le jugement de la cour de cassation est en attente lorsque cette note est rédigée.
Auteur : Sylvie Orsoni
Contexte historique
Fin octobre 1944, les instances légales de l'épuration sont en place. L'ordonnance du 26 juin 1944 permet de juger les faits de collaboration et instaure des cours de justice spéciales. Deux sections sont créées à Marseille. À cette date, le recours en cassation est suspendu et les condamnés ne peuvent que solliciter la grâce du Commissaire régional de la République. Les deux sections de la cour de justice régionale siègent dès les 11 et 12 septembre et inaugurent leur session par deux condamnations à mort immédiatement exécutées, le Commissaire régional de la République ayant rejeté le recours en grâce.
En octobre 1944, le GPRF impose l'application dans son intégralité de l'ordonnance du 26 juin 1944 qui, dans son article 25, offrait au condamné la possibilité de se pourvoir en cassation. Lucien Mangiavacca utilise ce droit, ce qui sursoit à son exécution.
Les Renseignements Généraux relatent fréquemment l'incompréhension de la population face à ces délais, qui sont interprétés comme une façon de gagner du temps et d'obtenir une mesure plus clémente. Dans le cas de Lucien Mangiavacca, il n'en est rien. Le pourvoi en cassation est rejeté le 24 novembre 1944. Le 29 novembre, le Garde des Sceaux informe le commissaire du gouvernement près la cour de justice de Marseille que le président du Gouvernement provisoire de la République française (le général de Gaulle) a rejeté le pourvoi en grâce et que la condamnation doit être exécutée. Lucien Mangiavacca est fusillé le 30 novembre 1944.
Auteur : Sylvie Orsoni
Sources :
Robert Mencherini, La Libération et les années tricolores (1944-1947). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 4. Paris, Syllepse, 2014.
Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 55 W 10.
Archives départementales des Bouches-du-Rhône, La France, 22 octobre 1944 , PHI 417/1.