Le Lysander

Légende :

Lysander peint en noir et équipé d'un réservoir supplémentaire utilisé pour les opérations de dépose nocturne d'agents grâce à ses capacités de décollage et atterrissage courts.

Genre : Image

Type : Matériel

Source : © Service historique de la Défense Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

Date document : Août 1944

Lieu : France

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Contexte historique

Le Lysander est un avion monomoteur monoplan conçu à l’origine pour les besoins de l’armée de terre britannique en matière d’observation et de liaison. D’une envergure réduite (15,25 m), d’un poids modéré (1800 kilos à vide), extrêmement robuste, il pouvait atterrir et décoller sur des terrains de fortune très courts. Cependant, son moteur de 870 chevaux ne lui autorisait qu’une vitesse de croisière de 250 km/h et une vitesse maximale de 370 km/h tandis que son réservoir d’essence de 400 litres ne lui accordait qu’une autonomie de 800 kilomètres. À l’origine, il était équipé de mitrailleuses et de petites bombes pouvaient même être fixées sous des supports placés sur le côté extérieur du carénage des roues. Son équipage se composait d’un pilote et d’un mitrailleur à l’arrière.

Pour les opérations secrètes en France, quelques modifications se sont révélées nécessaires. Bombes et mitrailleuses ont été supprimées pour embarquer plus de fret (le courrier des organisations de résistance) et accueillir les deux ou trois passagers à l’arrière, soit au total une charge d’une tonne. Un réservoir supplémentaire en forme de torpille de 650 litres était suspendu sous le fuselage de l’appareil portant son autonomie de vol à 2000 kilomètres. Parti d’Angleterre, toute mission dans le sud de la France en dessous d’une ligne Périgueux-Valence lui était cependant impossible. Totalement désarmé, sa faible vitesse devenait un atout lui permettant de virer court et de manœuvrer en rase-motte si nécessaire. Jusqu’à la fin de l’année 1942, le Lysander a été le seul appareil employé pour les atterrissages clandestins en France.

Par la suite, l’avion bimoteur Hudson, conçu par la firme américaine Lockheed, est devenu un heureux complément du Lysander. D’une envergure de près de 20 mètres, ses deux moteurs de 1200 chevaux chacun lui permettaient d’atteindre une vitesse de 400 km/h et une vitesse de croisière de 270 km/h. Son autonomie de vol de 3400 kilomètres lui permettait d’accomplir des missions sur tout le territoire. Autre avantage, il pouvait transporter une charge et un nombre de passagers plus importants. En plus de l’équipage jusqu’à 10 personnes pouvaient être infiltrés ou exfiltrés de France en une opération. Il était armé de deux mitrailleuses à l’avant et de deux mitrailleuses jumelées sous tourelle dorsale à l’arrière ce qui présentait un réel atout pour échapper à la chasse allemande lors des missions en France.

La recherche des terrains d’atterrissage s’avérait compliquée pour la Résistance. Pour faire atterrir un Lysander, une piste de 600 mètres sur 300 de large suffisait, le minimum pour un Hudson était de 800 mètres sur 400 m de large. Le sol de la piste devait être parfaitement plat et assez ferme pour supporter le poids d’un avion qui pouvait être de 8 tonnes en charge pour le Hudson. L’axe de la piste d’atterrissage devait correspondre à la direction des vents dominants. Même les meilleurs terrains pouvaient devenir inutilisables en cas de fortes pluies ou de dégel. Ainsi, le Hudson qui « raccompagna» Lucie et Raymond Aubrac et leur jeune fils en Angleterre le 8 février 1944 faillit ne pas décoller, embourbé pendant 2h30 sur le terrain «Orion» près de Bletterans (Jura) (1). De plus, comme pour les terrains de parachutage, il ne fallait pas qu’il y ait de postes allemands à moins de quatre kilomètres ni d’habitation à proximité. Par ailleurs, l’hébergement clandestin des passagers devait être prévu pour plusieurs jours et avec des conditions de sécurité optimales étant donné les qualités et les responsabilités des voyageurs. Une équipe pour le balisage et la protection du terrain devait être mobilisée. On comprend donc que l’homologation de tels terrains n’allait pas de soi. Après d’ultimes vérifications de la RAF, le terrain recevait un nom de code et se voyait attribuer deux phrases de messages personnels passant à la BBC. La première, en forme d’avertissement, indiquait au responsable qu’un atterrissage allait être tenté. La deuxième était un message d’exé- cution répété plusieurs fois le jour même pour indiquer que l’opération aurait lieu dans la nuit. Ces opérations d’atterrissage (2) se faisaient au clair de lune pour permettre aux équipages de trouver les terrains, vu l’absence très fréquente de possibilité de radioguidage.

Hugh Verity, qui commanda l’escadrille de Lysanders du Squadron 161 (3), rappelle les difficultés et les dangers de ces missions secrètes (4). Il estime que sur les 324 missions opérationnelles (279 par Lysander et 44 par Hudson) 217 ont été réussies, amenant vers la France 443 passagers et permettant à 635 autres de rejoindre l’Angleterre (5). Ces liaisons, véritable soutien logistique de la Résistance, ont permis d’acheminer un volume de courrier bien supérieur à celui des liaisons radio clandestines.

 


Frantz Malassis, "Le Lysander et le Hudson, héros nocturnes des atterrissages clandestins", La Lettre de la Fondation de la Résistance, n°84, mars 2016.


(1) Cf. Lucie Aubrac, Ils partiront dans l’ivresse, Paris, Seuil, 1984, p. 240-244
(2) On lira un récit précis et vivant d’une opération d’atterrissage idéale aux pages 166 à 171 de l’ouvrage Les réseaux action de la France combattante 1940-1944, Paris, amicale des réseaux action de la France Combattante, 1986. En 2008, la Fondation de la Résistance a réédité ce livre sous forme électronique. On peut le télécharger depuis ce lien: http://www.fondationresistance.org/ pages/accueil/les-reseaux-action-france-combattante_ publication6.htm
(3) Deux unités de la RAF sont chargées de ces opérations clandestines les Squadrons 138 et 161.
(4) Lire Hugh Verity, Nous atterrissions de nuit… Les atterrissages secrets de la RAF en France 1940-1944, Viverols, éd. Vario, 1999. Publié en anglais en 1978, puis sous forme d’une réédition augmentée en 1998 ce livre fournit une liste détaillée des opérations (nom de l’opération, membres d’équipage, emplacement des terrains, noms des passagers à l’aller et au retour…).
(5) Les réseaux action de la France combattante, op.cit., p. 183.