Attentat de Pertuis par la 5e colonne, Le Provençal, 26-27 novembre 1944
Légende :
Article intitulé « La 5e colonne se découvre ! Trente-quatre membres des FFI sont tués à Pertuis dans leur caserne à la suite d'un lâche attentat », en première page du Provençal, quotidien de sensibilité socialiste, édition des 26 et 27 novembre 1944
Genre : Image
Type : Article de presse
Source : © AD des B-d-R PHI 420/1 Droits réservés
Détails techniques :
Document imprimé sur papier journal. Voir aussi l'album lié.
Date document : 26 et 27 novembre 1944
Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Vaucluse - Pertuis
Analyse média
Comme les autres quotidiens régionaux, Le Provençal consacre une place importante à l'explosion qui, le samedi 25 novembre 1944, frappe les FFI casernés au château de La Simone situé à 3 kilomètres de Pertuis dans le Vaucluse. Le titre en gros caractères et en gras met en valeur le nombre élevé de victimes et le caractère odieux de ce qui est d'emblée présenté comme un attentat attribué à la 5e colonne.
Une photo illustre la violence de l'explosion et montre une foule venue immédiatement sur les lieux. Le château de La Simone abritait une centaine de FFI, FTPF et CFL venus des maquis du sud-Lubéron mais aussi du Vaucluse, de Marseille et des Bouches-du-Rhône pour recevoir une instruction militaire avant de rejoindre la Ire Armée. Le retentissement du drame est donc régional.
Le chapeau de l'article revient sur le thème de la 5e colonne. La 5e colonne étant par définition dissimulée, préciser qu'elle est entrée dans la clandestinité peut sembler paradoxal. En réalité, ce qui est suggéré est que les membres de cette 5e colonne étaient avant la Libération fort bien connus. La France de Marseille et du Sud-Est, quotidien gaulliste, est plus explicite et présente l'explosion de La Simone » comme un « lâche attentat milicien ». [Voir l'album lié]
L'article rappelle ensuite l'enchaînement des faits, puis dresse la liste des victimes.
À l'instar des autres quotidiens, Le Provençal souligne la colère qui s'empare de la population très nombreuse, puisque l'explosion a lieu à 10 heures du matin, un samedi, jour de marché. Devant les ruines qui laissent augurer d'un très lourd bilan, la population exige des représailles immédiates. Une vingtaine d'hommes et de femmes, arrêtés puis relâchés par le Comité local de Libération, sont appréhendés et traînés sur les lieux de l'attentat. Une exécution sommaire se dessine, évitée de justesse.
Le Provençal, de même que La France, ne précisent pas qui arrive à éviter un lynchage. En revanche, ces journaux passent sous silence qu'un médecin, requis pour le STO et venu sur les lieux pour aider les sauveteurs, est lapidé par des jeunes non membres des FFI. Il décède de ses blessures à la mairie où il est également frappé.
Avant de dresser la liste des morts et des blessés, le quotidien socialiste reconstitue la chronologie qui conduit au drame. Il s'agit, pour la presse, d'une action préméditée, préparée la veille au soir par une attaque de diversion destinée à permettre de poser la bombe dans les locaux du château et d'y attirer un maximum de FFI de la région. Cette version sera pour les organisations de Résistance la seule valide. Les expertises qui par la suite n'arriveront pas à déterminer les causes précises de l'explosion et pourront mettre en cause la thèse de l'attentat seront violemment rejetées comme autant de preuves de laxisme, voire de trahison de la part des autorités.
Sylvie Orsoni
Contexte historique
Les autorités du GPRF tiennent à ce que l'épuration promise bien avant la Libération suive des procédures légales dignes d'un État de droit. Lorsque le drame de Pertuis a lieu, des cours de justice spécialement chargées de poursuivre les faits de collaboration siègent à Marseille, Aix, Arles et Avignon. La population ne fait pas une entière confiance à ces tribunaux. Justice trop lente, ne frappant que des « lampistes », prononçant des verdicts contradictoires dans des affaires que l'opinion juge similaires, telles sont les critiques que transmettent dans leurs notes les Renseignements généraux.
Parallèlement, des actes de violence se multiplient contre des FFI ou des personnalités de la Résistance. Le 27 novembre, des inconnus tirent sur l'adjoint au maire d'Arles et le commandant de la commission militaire du Front national. Des actes similaires se produisent à Berre-L'étang. Le camp FFI de Mérindol est attaqué le lendemain de l'explosion de La Simone et un jeune FFI est tué. Puis, le 29 novembre, c'est au tour de la coopérative oléicole de Manosque, où étaient casernés d'autres FFI, de connaître une explosion qui entraîne d'autres décès parmi les FFI. La population est exaspérée, d'autant que les responsables ne sont pas identifiés. Persuadée que les « maquis blancs » et la 5e colonne passent à l'attaque alors que la guerre n'était pas terminée, elle se soucie peu de respecter les procédures judiciaires et veut une justice immédiate et si possible définitive.
Auteur : Sylvie Orsoni
Sources :
Michèle Bitton, « Pertuis, 25 novembre 1944. L'explosion du château de La Simone », Mémoire et Histoire, novembre 2011. (Voir lien Le Pertuisien en ligne)
Robert Mencherini, La Libération et les années tricolores (1944-1947). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 4, Paris, Syllepse, 2014.