Lever des couleurs à Saint-Martin-en-Vercors
Légende :
Narcisse Geyer (« Thivollet »), sabre au clair, rend les honneurs, lors du lever des couleurs à Saint-Martin-en-Vercors. La photo semble avoir été prise le 25 juin 1944.
Genre : Image
Type : Photo
Producteur : Inconnu
Source : © Collection Musée de la Résistance de Vassieux-en-Vercors Droits réservés
Détails techniques :
Photographie argentique noir et blanc.
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Saint-Martin-en-Vercors
Analyse média
Dans l'euphorie créée par le débarquement de Normandie, le 6 juin 1944, La République du Vercors est instaurée le 3 juillet 1944. Une de ses manifestations est la reconstitution d'unités de l'Armée.
La photographie représente une prise d'armes que Joseph La Picirella date du 24 juin 1944. Elle peut représenter celle du 3 juillet lors de la visite d'Yves Farge à Saint-Martin. Le lieu est Saint-Martin-en-Vercors où était établi le quartier général et l'État-major du Vercors. On peut signaler que ce lieu important est en grande partie absent de la mémoire, au profit de Vassieux et La Chapelle.
La scène se déroule sur une place du village. Cela est à noter car, très souvent, pour des raisons de sécurité compréhensibles, les prises d'armes avaient lieu dans la nature, près des camps du maquis. Des spectateurs sont aux fenêtres ou derrière la troupe qui présente les armes, alors que le drapeau va être hissé.
Auteurs : Alain Coustaury
Contexte historique
Date symbolique, le 14 juillet est l'occasion de réaffirmer le rôle et la valeur de l'Armée française. Le retour aux traditions est signifié, le 13 juillet 1944, par l'ordre du jour du commandant de l'ensemble Drôme - Isère au 8 juillet, François Huet (« Hervieux ») :
« Depuis deux ans les drapeaux, les étendards, les fanions de nos régiments et de nos bataillons sont en sommeil. Maintenant la France s'est, dans un élan magnifique, redressée contre l'envahisseur. La vieille Armée française qui s'est illustrée au cours des siècles sur tous les champs de bataille du monde va reprendre sa place dans la Nation ».
Cet ordre du jour révèle l'état d'esprit des chefs militaires résistants. Huet fait remonter l'arrêt des combats en novembre 1942, au moment de la dissolution de l'Armée d'armistice et non en juin 1940. pour lui, l'armée d'armistice continuait le combat, ce qui est contesté par d'autres Résistants. Cette volonté de renouveau de l'armée française est confirmée, pour les unités dépendant d'Huet, par la reprise « des traditions militaires des corps de troupes de la région et de leurs écussons chargés de gloire ».
Dans son ordre général numéro 2 du 13 juillet, Huet, profitant de l'anniversaire du 14 juillet, précise un rôle que doit jouer la Résistance aux côtés de l'Armée. Elle doit arrêter les principaux responsables ennemis, les officiers allemands et les chefs miliciens. Elle doit aller à l'essentiel et négliger les responsables secondaires afin de posséder des otages importants. Cet ordre de Huet met aussi en évidence une certaine confusion qui règne au niveau du service de renseignement dans le Vercors.
« La lutte que nous avons engagée le 1er septembre 1939 est une lutte de la France contre l'Allemagne pour la liberté de notre pays, la paix de nos foyers, et le maintien des vraies valeurs de notre civilisation occidentale séculaire. Elle doit avant tout le demeurer. Or les services du 2e Bureau reçoivent jusqu'à présent uniquement des Français : depuis le milicien médiocre et sans envergure jusqu'au Français qui n'a probablement, si nous pouvions faire les enquêtes d'une manière complète, pas grand chose ou peut être même rien à se reprocher de net vis-à-vis de ses rapports avec les Allemands ou de son opposition aux groupements organisés de la Résistance. Les services spécialisés sont encombrés d'affaires d'importance minime. Le camp de concentration est le « dépotoir » encombrant et sans efficacité de toute la région (sic). Ceci contribue à maintenir, à aggraver une atmosphère morale médiocre et à rendement mauvais pour la lutte que nous menons. Cet état de choses doit cesser. Tous les services comme les unités, l'âme de chacun, toutes les forces doivent être orientées comme l'est le Haut commandement interallié vers la lutte contre l'Allemand et les chefs qui, sur le sol de la patrie sont à la solde de l'ennemi. J'ordonne donc à tous les commandants d'unité et aux chefs de service d'avoir désormais pour objectif la capture d'officiers allemands et de chefs miliciens notoires. Cette prise d'otages constituera une arme puissante et nouvelle entre nos mains. Il s'agit de faire redouter à l'ennemi les conséquences des actes de sauvagerie à l'égard de nos villages, de notre population, de nos femmes, de nos filles, de nos blessés, de nos morts ».
Les chefs militaires ont conscience, d'une part, que le sort de la guerre leur est désormais favorable et, d'autre part, que des erreurs sont commises par leurs hommes. Il faut remettre tout cela en ordre.
Devant cette reconstitution de l'armée avec tous les symboles qui s'y rattachent, drapeaux, écussons, défilés, prises d'armes, des Résistants restent sceptiques, voire raillent ces démonstrations ostentatoires. D'autres, les jeunes en particulier, apprécient l'encadrement classique que développe l'armée traditionnelle. Dorénavant, ils ont l'impression d'appartenir à une armée et non à des groupes mal structurés. Illusions pour certains, réalités pour d'autres. Après guerre, on a beaucoup glosé sur le personnage de Narcisse Geyer, montant un cheval, lors de prises d'armes.
Auteurs : Alain Coustaury
Sources : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme et le Vercors, éditions AERI-AERD, 2007.