Journal Le Franc-Tireur, décembre 1941

Légende :

Premier numéro du journal Le Franc-Tireur, paru à Lyon en décembre 1941

Genre : Image

Type : Journal

Source : © BNF - Gallica Libre de droits

Détails techniques :

Document imprimé sur papier journal.

Date document : décembre 1941

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Rhône - Lyon

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Analyse média

Le premier numéro du journal Le Franc-Tireur adopte un format 21,5 x 27 cm qu'il conservera à peu près inchangé par la suite. Henri Chevalier, imprimeur installé 60 cours de la Liberté à Lyon, et des syndicalistes du livre - travaillant sans exclusive pour les mouvements de Résistance -fournissent l'aide technique et matérielle. Les membres de Franc-Tireur refusent au départ toute subvention britannique ou gaulliste - qui nuirait à l'indépendance du mouvement et du journal. Les premiers numéros sont imprimés grâce aux contributions des membres et sympathisants pour la somme  d'environ 10 000 francs.

Le sous-titre « Mensuel dans la mesure du possible et par la grâce de la Police du Maréchal » renvoie à ces difficultés matérielles et aux risques encourus.

Il faut attendre juin 1942 pour que les journaux soient numérotés. En octobre 1942, la devise républicaine est ajoutée.

Au gré de l'unification des mouvements de Résistance, le journal se définit comme « organe des Mouvements Unis de Résistance » à partir de février 1943 puis à partir de mars 1944 « organe du Mouvement de Libération nationale. »

 

Ce premier numéro est la profession de foi du mouvement.

Les principaux thèmes du mouvement apparaissent ; ainsi :

- la volonté d'union des républicains et patriotes sans aucune exclusive, qu’elle soit politique ou spirituelle ;

- le rejet de la politique de collaboration, à la fois leurre et déshonneur. La renaissance française, et plus généralement la paix en Europe, passent par la défaite militaire de l'Allemagne et le renoncement des Allemands au nazisme ;

- la condamnation de nazisme et de l'antisémitisme, ce qui n'allait pas de soi face à une opinion qui pouvait partager les stéréotypes antisémites véhiculés par la propagande française et allemande ;

- la reconnaissance des faiblesses de la IIIe République, ce qui ne devait pas conduire à l'abandon de la démocratie mais à la construction d'une démocratie régénérée, pluraliste, représentative et sociale.

- le rejet de toute dictature et la prise de distance vis-à-vis du communisme. 

En reprenant le titre, la conclusion fixe l'objectif primordial du mouvement  : « Rassemblement ».


Sylvie Orsoni

Contexte historique

Dès août 1940, un petit groupe opposé à l'armistice, et très rapidement au régime de Vichy, se réunit au café de la Poste, place des Terreaux à Lyon. De simples conversations entre amis, le groupe s'oriente vers la formation d'un groupe clandestin décidé à préparer la renaissance de la République. Le 4 novembre 1940, la décision est prise. Le noyau initial comprend des entrepreneurs comme Elie Péju, à la tête d'une entreprise de déménagement, des commerçants comme Antoine Avinin ou Georges Vavasseur, libraire et animateur du club de discussion La Tribune du Rhône, des employés comme Jean-Jacques Soudeilles, le conseiller municipal radical Auguste Pinton, l’ingénieur-représentant industriel Noël Clavier, des enseignants lyonnais ou repliés d'Alsace-Lorraine. Les orientations politiques sont variées : Parti radical, Parti socialiste, ex-communistes restés à l'extrême-gauche, chrétiens membres de la Jeune République. Le groupe choisit le nom de France-Liberté et rédige de petits papillons et des tracts dactylographiés dont la diffusion est restreinte à un petit cercle d'amis sûrs.

L'arrivée de Jean-Pierre Lévy donne une autre dimension à ce groupe relativement confidentiel. Jean-Pierre Lévy, originaire d'Alsace, était avant-guerre cadre dans une entreprise textile qui se trouve repliée à Lyon. Il a des contacts dans des milieux très variés et des talents d'organisateur hors pair. Il convainc ses camarades de passer à un véritable travail de propagande et de s'organiser en conséquence. En dépit de son jeune âge, il devient le dirigeant du mouvement France-Liberté. Dans un premier temps, il faut donner à France-Libertéles moyens d'une plus grande audience en trouvant des imprimeurs et des diffuseurs disposés à prendre les risques d'une action clandestine. Il faut aussi apprendre à respecter les consignes de prudence et de discrétion qu'impose la clandestinité, trouver des moyens financiers car la contribution des membres du groupe ne suffit pas, et enfin, élargir l'aire géographique du mouvement.
L'année 1941 voit France Liberté s'implanter dans la région Rhône-Alpes, le Massif central avec Clermont-Ferrand, Saint-Etienne et Roanne. La diffusion du journal permet le recrutement des membres du mouvement.

À l'automne 1941, Jean-Pierre Lévy prend des contacts avec de futurs responsables du mouvement dans la région méditerranéenne comme John Ulysse Mentha, assureur à Toulon, qui est chargé d'organiser la région Sud (région R2). France-Liberté reste cependant très modeste par rapport aux mouvements de résistance que sont Combat et Libération-Sud. Afin de maintenir la cohésion des différents groupes, de peser face aux autres mouvements de résistance, Jean-Pierre Lévy et Antoine Avinin parviennent à persuader leurs camarades de fonder un véritable journal clandestin. Le titre de Franc-Tireur fait référence aux volontaires républicains de 1870-1871 qui avaient choisi de continuer le combat pour défendre la patrie et la République en se situant en dehors de la loi. Il veut aussi proclamer sa liberté de pensée, indépendante de tout parti. Comme France-Liberté, Franc-Tireur permet de recruter des membres pour le mouvement qui prend le nom du journal.

Le premier numéro de Franc-Tireur est tiré à 6 000 exemplaires et paraît en décembre 1941.


AuteurSylvie Orsoni

Sources :

Jean-Pierre Lévy, avec la collaboration de Dominique Veillon, Mémoires d'un franc-Tireur. Itinéraire d'un résistant (1940-1944), Bruxelles Complexe/ IHTP, 1998.

Dominique Veillon, Le Franc-Tireur. Un journal clandestin, un mouvement de résistance. 1940-1944. Flammarion, Paris 1977.