> Résistance et Libération de l'Indre-et-Loire dans le fonds Meunier
Résistance et Libération de l'Indre-et-Loire dans le fonds Meunier
Avertissement : l’exposition n’a aucune prétention à l’exhaustivité, à un double titre. D’une part, elle se centre sur la période 1940-1945, alors que toute une partie du fonds est relative à l’action de Jean Meunier comme député et comme homme de presse dans l’après-guerre. D’autre part, pour la période 1940-1945 elle présente seulement un échantillon des divers types de documents du fonds Meunier, répartis en grandes catégories.
Jean Meunier dans le fonds Meunier haut ▲
Sur Jean Meunier lui-même, le fonds Meunier comporte des documents qu’on trouve fréquemment dans les papiers personnels : documents d’identité ou d’affiliation, y compris des faux papiers du temps où il dut plonger dans clandestinité (1943-1944). On y trouve aussi les faux papiers de son épouse, que l’on a joints simplement pour rappeler la disproportion des traces laissées par la résistance de l’un et de l’autre. Comme c’est souvent le cas, on aura peine à trouver des traces dans ce fonds de la résistance de Raymonde Meunier, pourtant la première à nouer des contacts alors que son mari était encore prisonnier de guerre, et homologuée comme agent du réseau Confrérie Notre-Dame aussi précocement que lui.
Par ailleurs, le fonds comporte aussi bien des documents clandestins dont on peut penser que Jean Meunier a été le destinataire ou l’émetteur. On s’est limité ici à des exemples – rares - de documents qu’on peut relier à lui avec certitude, grâce à l’élucidation d’un de ses indicatifs (95168) et de deux de ses pseudos (BERRY, FARINET) ; cette élucidation s’effectue par croisement avec d’autres documents du fonds, qu’on a fait figurer également : liste d’agents, article de presse de 1945.
Ces documents montrent que, dans ses fonctions d’agent de renseignement, Jean Meunier cumule l’envoi de renseignements militaires et de rapports politiques. S’il est sollicité pour ces derniers, c’est certainement en tant qu’ancien élu, donc présumé bon analyste des tendances de l’opinion. Rappelons que dans la France des années trente, il n’existait pas encore d’instituts de sondages politiques.
Enfin, quelques traces existent du processus d’homologation des services résistants après la Libération, à travers les certificats que Meunier délivre ou dont il est l’objet.
Les organisations résistantes dans le fonds Meunier haut ▲
Entré d'abord en contact avec des agents français des services britanniques (notamment le Special Operations Executive), puis avec le réseau de renseignement français libre Confrérie Notre-Dame, puis avec les socialistes résistants animateurs du mouvement Libération-Nord, Jean Meunier est un bon exemple de la complexité des parcours résistants en zone occupée : bien des pionniers ont eu des contacts voire des affiliations simultanées avec plusieurs organisations clandestines, voulant faire flèche de tout bois.
En l’occurrence, le cas de Jean Meunier est aussi typique de bien des socialistes résistants, engagés à la fois dans des mouvements ou réseaux et dans la reconstitution clandestine de leur parti. Mais, parmi ces derniers, il est spécifique par sa chronologie : Meunier a d’abord recruté pour le réseau CND, puis transféré une partie de ses recrues dans le mouvement Libération-nord, au moment où on lui demandait de développer celui-ci dans le département.
De ce fait, l’intrication entre le réseau CND et le mouvement Libération-nord en Indre-et-Loire paraît étroite, au vu de ce fonds. Comme les réseaux, organismes dépendant de services secrets, rentrent dans l’ombre à la Libération, c'est par certains des rapports et articles rétrospectifs sur Libération-nord et ses agents qu’on découvre cette intrication.
On notera a contrario la faiblesse des traces des autres organisations clandestines dans le fonds : un document allusif sur le lien tissé par Meunier avec le SOE britannique (Marcel Clech), lien pourtant durable ; une liste nominative d'agents de Libération-nord et d'autres organisations, qu’il faudrait croiser avec d’autres sources pour savoir si elle correspond à une nébuleuse constituée autour de Libé-nord en Indre-et-Loire.
Enfin, le témoignage sur le titre de « Juste » (= sauveteur de Juifs) attribué à une agente de liaison de Libé-nord, Odette Blanchet, est le type de source qui permet d'appréhender le rôle informel et occasionnel dans le sauvetage des Juifs qu'ont joué bien des organisations de résistance vouées à la libération du territoire. En l'occurrence, avec Mme Blanchet, Jean Meunier fut aussi impliqué, pour les faux papiers.
Les formes d'action de la Résistance dans le fonds Meunier haut ▲
Un grand nombre de documents provient du cambriolage de la Sipo-SD à Tours en août 1944 par la Résistance ; ce type d’archives est rare en France. De cette source (cote 5Z5/1) proviennent surtout des documents relatifs au renseignement, essentiellement des instructions et demandes adressées par Londres (sans doute le BCRA) aux agents des réseaux de renseignement en France. On trouvera d’abord celles relatives à l’organisation interne des réseaux, puis tout ce qui a trait aux objectifs du renseignement.
Quel(s) réseaux étaient les destinataires ? On peut penser à Confrérie Notre-Dame, mais ce n’était pas le seul réseau de la France libre dans le département. Rien dans ces documents (qui sont des copies sans en-tête, peut-être faites par les services allemands eux-mêmes) ne permet de savoir si le destinataire est un réseau précis ou plusieurs. Les échanges effectués dans l’autre sens (documents envoyés par les réseaux de renseignement au BCRA) sont bien moins nombreux dans le fonds, et n’ont généralement pas la même origine ; ce sont pour la plupart des plans et croquis.
Les documents concernant la propagande sont peu nombreux dans le fonds : pas de numéro de Libération (le journal du mouvement Libération-Nord), très peu de tracts du parti socialiste, ce qui renforce l’hypothèse d’un Jean Meunier longtemps tourné vers l’action paramilitaire (le renseignement) plus que la propagande, avant d’assumer la présidence du Comité départemental de Libération. La présence de quelques publications communistes destinées aux jeunes doit s’expliquer par une origine unique, inconnue. Elle montre aussi sans doute l’attention avec lequel le socialiste Meunier a suivi l’évolution de la ligne du PCF avant et après la rupture du pacte germano-soviétique en juin 1941.
Enfin, la rareté des documents concernant la lutte armée s’explique par les fonctions « civiles » de Meunier à partir de l’automne 1943, comme président du CDL.
L'occupant allemand dans le fonds Meunier haut ▲
Excepté la liste des bâtiments de l’occupant en tête de liste, de source résistante, et la photographie prise à la libération d’un instrument de torture, tous les documents ci-dessous viennent de la même source : le cambriolage des locaux de la Sipo-Sd à Tours à l’été 1944. Cet échantillon montre qu’on y trouve d’abord des archives relatives à l’organisation et au fonctionnement interne de certains organismes d’occupation chargés du maintien de l’ordre (Feldgendarmerie, Sipo-SD), d’autres sur les types d’action de ces organismes à l'encontre de la population française et de la résistance ; enfin on y voit la trace des rapports avec les autorités de Vichy, obligées de communiquer leurs propres courriers internes et d’aller à la pêche aux informations dès que des Français sont arrêtés par les Allemands.
La Libération dans le fonds Meunier haut ▲
La réflexion sur les problèmes de la Libération commence très tôt sous l’Occupation. Comme le montrent les deux premiers documents, elle est double, portant à la fois sur la question de l’action militaire possible de la Résistance au jour J, mais aussi sur le renversement des autorités vichystes et le rétablissement de la République.
Les questions civiles prédominent dans le fonds Meunier, qui est celui du président du Comité départemental de Libération d’Indre-et-Loire : on trouve la trace des nombreuses circulaires adressées à ce CDL par le Conseil national de la Résistance et ses commissions : d’abord sur les problèmes d’organisation du CDL et de ses rapports avec d’autres instances de l’Etat clandestin (CLL, service NAP, FFI), ensuite sur les problèmes à traiter : l’épuration surtout, mais aussi d’autres questions cruciales comme le ravitaillement. A noter que les circulaires présentées ici sont presque toutes les exemplaires détenus par la Sipo-SD et récupérés avec d’autres archives de la Résistance par Jean Meunier dans les locaux de l’occupant allemand à Tours en août 1944, juste avant la Libération (= sous-série 5Z5/1 du fonds Meunier).
Après la guerre, on suit la trace de l’influence du CDL à travers les premières élections, et la trace de la période de la Libération à travers divers articles de presse et témoignages rétrospectifs.
La mémoire de la Résistance dans le fonds Meunier haut ▲
Le fonds Meunier est riche en articles rétrospectifs sur la Résistance, à l’état de brouillons ou dans leur version publiée après la guerre, généralement dans La Nouvelle République du Centre Ouest, le journal régional issu de la Résistance. On a regroupé un échantillon à valeur typologique : certains articles ont une fonction purement mémorielle, associant presque toujours la rhétorique de l’éloge à l’évocation des valeurs et du sens de la Résistance. Ils concernent soit un résistant particulier (ici, à l’occasion de la pose d’une plaque), soit la Résistance comme collectif, le plus souvent autour de la date anniversaire de la Libération du département (fin août) ; par ailleurs, Jean Meunier a aussi rédigé des textes à caractère davantage pédagogique ou historiographique. En témoigne son discours prononcé devant de jeunes lauréats du Concours de la Résistance, et sa correspondance avec Guy Mollet à propos du livre en préparation de Roger Quilliot sur la SFIO de 1944 à 1958.