La refondation républicaine et la reconstruction
La libération de la plus grande partie de la région est, pour les Provençaux, à la fin août 1944, le point de départ d’une ère nouvelle. La presse de la Résistance, apparue au grand jour au sein même des combats, se vend à la criée dans les rues. Les organisations, hier encore clandestines, s’emparent des locaux occupés par les Allemands et les officines collaborationnistes. De nombreuses personnes suspectées de Collaboration sont arrêtées ou en fuite. Les partis politiques et les syndicats, interdits sous Vichy, se reconstituent légalement, aux côtés des grands mouvements de Résistance qui se maintiennent et se développent. De nouvelles autorités, arrivées avec les troupes de Libération ou issues de la Résistance intérieure, remplacent celles de l’État français.
Le commissaire de la République Raymond Aubrac, représentant, dans la région, du gouvernement provisoire de la République française (GPRF) présidé par le général de Gaulle, installe ses services à la préfecture de Marseille. En lien avec les organisations de Résistance et les comités départementaux de Libération (CDL) des six départements, il doit veiller à la mise en place des nouveaux pouvoirs, au châtiment des responsables compromis dans la Collaboration et à la relance économique d’une région très affectée par les pénuries et les destructions. Il faut, à la fois, satisfaire les besoins élémentaires de la population et participer à l’effort d’une guerre qui est loin d’être terminée.
La capitulation allemande du 8 mai 1945 constitue un nouveau tournant. Elle s’accompagne du retour massif des « absents », dont beaucoup arrivent à Marseille par voie maritime et coïncide en avril-mai 1945, avec les élections municipales, premières consultations électorales depuis l’avant-guerre. Les quais de Marseille, progressivement rendus au trafic civil, voient les GI s’embarquer vers le front asiatique (jusqu’à la capitulation du Japon à la fin de l’été 1945) ou vers les États-Unis. Mais la fin de la Seconde Guerre mondiale est loin de mettre fin, en Provence, aux pénuries qui subsistent pendant de longs mois et la reconstruction est à peine amorcée. À l’automne 1945, les élections cantonales, puis à l’assemblée constituante marquent une nouvelle étape dans la normalisation politique du pays.
Raymond Aubrac, Où la mémoire s’attarde, Paris, Odile Jacob, 1993 ;
Philippe Buton, Jean-Marie Guillon, Les pouvoirs en France à la Libération, Paris, Belin, 1994 ;
Charles-Louis Foulon, Le pouvoir en province à la Libération, Paris, FNSP/A. Colin, 1976 ;
Jean-Marie Guillon, « La libération du Var : résistance et nouveaux pouvoirs », Cahiers de l’IHTP, n° 15, juin 1990 ;
Mencherini Robert, La Libération et les années tricolores (1944-1947). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 4, Paris, Syllepse, 2014 ;
Jean-Louis Panicacci, Les Alpes-Maritimes dans la guerre, 1939-1945, Sayat, De Borée, 2013.
De la libération de la Provence à la fin de la guerre haut ▲
À la fin août 1944, la plus grande partie de la Provence est libérée. Pourtant, la région n’est pas, jusqu’en mai 1945, entièrement sortie de la guerre.
D’abord, parce que, jusqu’en avril 1945, une frange frontalière avec l’Italie reste sous contrôle allemand.
Ensuite, parce que la Provence devient une base arrière très importante pour l’offensive française et alliée vers l’Allemagne. Les troupes et le matériel américains débarqués à Marseille sont gérés par la Delta Base Section qui englobe la région et la vallée du Rhône. Et les Provençaux participent à l’effort de guerre en rejoignant l’armée de Libération ou en reprenant très rapidement le travail.
Enfin, parce que l’on attend toujours le retour des « absents », déportés, prisonniers de guerre, requis du STO, toujours retenus par les Allemands et que la capitulation du Reich, le 8 mai 1945, permet de libérer. La joie de la victoire sur le nazisme est d’ailleurs ternie par les informations sur le destin terrible des déportés.
Raymond Aubrac, Où la mémoire s’attarde, Paris, Odile Jacob, 1993 ;
Philippe Buton, Jean-Marie Guillon, Les pouvoirs en France à la Libération, Paris, Belin, 1994 ;
Charles-Louis Foulon, Le pouvoir en province à la Libération, Paris, FNSP/A. Colin, 1976 ;
Jean-Marie Guillon, « La libération du Var : résistance et nouveaux pouvoirs », Cahiers de l’IHTP, n° 15, juin 1990 ;
Robert Mencherini, La Libération et les années tricolores (1944-1947). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 4, Paris, Syllepse, 2014 ;
Jean-Louis Panicacci, Les Alpes-Maritimes dans la guerre, 1939-1945, Sayat, De Borée, 2013.
La reconstruction politique et la refondation républicaine haut ▲
La libération de la plus grande partie de la région marque, pour les Provençaux, à la fin août 1944, le point de départ d’une ère nouvelle. La presse de la Résistance, apparue au grand jour au sein même des combats, se vend à la criée dans les rues. Les organisations, hier encore clandestines, s’emparent des locaux occupés par les Allemands et les officines collaborationnistes. De nombreuses personnes suspectées de Collaboration sont arrêtées ou en fuite. Les partis politiques et les syndicats, interdits sous Vichy, se reconstituent légalement, aux côtés des grands mouvements de Résistance qui se maintiennent et se développent. De nouvelles autorités, arrivées avec les troupes de Libération ou issues de la Résistance intérieure, remplacent celles de l’État français.
Le commissaire de la République Raymond Aubrac, représentant, dans la région, du gouvernement provisoire de la République française (GPRF) présidé par le général de Gaulle, installe ses services à la préfecture de Marseille. En lien avec les organisations de Résistance et les comités départementaux de Libération (CDL) des six départements, il doit veiller à la mise en place des nouveaux pouvoirs, au châtiment des responsables compromis dans la Collaboration et à la relance économique d’une région très affectée par les pénuries et les destructions. Il faut, à la fois, satisfaire les besoins élémentaires de la population et participer à l’effort d’une guerre qui est loin d’être terminée.
La capitulation allemande du 8 mai 1945 constitue un nouveau tournant. Elle s’accompagne du retour massif des « absents », dont beaucoup arrivent à Marseille par voie maritime et coïncide en avril-mai 1945, avec les élections municipales, premières consultations électorales depuis l’avant-guerre. Les quais de Marseille, progressivement rendus au trafic civil, voient les GI’s s’embarquer vers le front asiatique (jusqu’à la capitulation du Japon à la fin de l’été 1945) ou vers les États-Unis. Mais la fin de la Seconde Guerre mondiale est loin de mettre fin, en Provence, aux pénuries qui subsistent pendant de longs mois et la reconstruction est à peine amorcée. À l’automne 1945, les élections cantonales, puis à l’assemblée constituante, marquent une nouvelle étape dans la normalisation politique du pays.
Raymond Aubrac, Où la mémoire s’attarde, Paris, Odile Jacob, 1993.
Philippe Buton, Jean-Marie Guillon, Les pouvoirs en France à la Libération, Paris, Belin, 1994.
Charles-Louis Foulon, Le pouvoir en province à la Libération, Paris, FNSP/A.Colin, 1976.
Jean-Marie Guillon, « La libération du Var : résistance et nouveaux pouvoirs », Cahiers de l’IHTP, n° 15, juin 1990.
Robert Mencherini, La Libération et les années tricolores (1944-1947). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 4, Paris, Syllepse, 2014.
Jean-Louis Panicacci, Les Alpes-Maritimes dans la guerre, 1939-1945, Sayat, De Borée, 2013.
L'épuration haut ▲
La Résistance a toujours proclamé qu'à la Libération, elle entendait épurer le pays des traîtres. C'était pour elle faire œuvre de justice, mais aussi garantir un avenir démocratique à une société nouvelle et régénérée. Dès 1942, les journaux clandestins publient des listes noires de traîtres. Des collaborateurs, miliciens, délateurs, tortionnaires sont exécutés. Les autorités d'Alger et les organisations de résistance étaient conscientes que cette justice expéditive était incompatible avec un État de droit et ouvrait la porte à tous les excès. C'est pourquoi l'Assemblée consultative provisoire d'Alger consacre de nombreux débats à l'élaboration du cadre juridique de l'épuration. Les faits de collaboration avec l'occupant ne nécessitent pas de nouvelles dispositions juridiques, car ils tombent sous le coup du code pénal en vigueur. L'ordonnance du 26 juin 1944 crée les cours de justice, qui sanctionnent la collaboration avec l'occupant, et en définit le fonctionnement.
En revanche, la collaboration avec le régime de Vichy et - de façon plus générale, l'adhésion manifeste à ses principes - ne relève pas d'une qualification pénale en vigueur. Au cours de débats passionnés émerge une nouvelle notion juridique : l'indignité nationale. Les résistants de l'intérieur - en particulier, François de Menthon, qui dirige le Comité général d'études de la Résistance (CGE) - considèrent que la collaboration avec le régime de Vichy est un crime de lèse-République et de lèse-Nation, puisque le régime de Vichy a porté atteinte à la liberté, à l'égalité entre les Français et à l'unité de la nation, et qu'elle doit être sanctionnée. Les juristes présents à Alger - René Mayer, Henri Queuille, Pierre Tissier, René Pleven - s'opposent à une incrimination rétroactive et forcément politique, qui rappellerait fâcheusement la création des Sections spéciales de Vichy.
Le 10 juillet 1944, l'Assemblée consultative adopte le projet du CGE : l'indignité nationale est un crime réprimé par une juridiction spéciale, la chambre civique, et sanctionné par la dégradation nationale. Il rend possible l'épuration de l'administration, des milieux économiques et intellectuels ; enfin, il permet de sanctionner l'antisémitisme. Dans les Bouches-du-Rhône, l'arrêté n° 46 de Pierre Tissier, commissaire régional de la République par intérim, crée une cour de justice divisée en quatre sections (deux à Marseille, une à Aix, une autre à Arles). Des cours de justice sont également instituées le 8 septembre pour les Alpes-Maritimes, le 17 pour les Basses-Alpes, le 20 pour le Var. Les chambres civiques entrent en fonction en octobre pour la région.
Un appareil juridique est donc prêt à s'appliquer au fur et à mesure de la libération du territoire, et permet une épuration globale afin de reconstruire moralement le pays. Il suscite cependant la méfiance des résistants de l'intérieur, qui se jugent dépossédés du droit de justice au profit de magistrats professionnels, largement discrédités par leur soumission à Vichy.
La réalité du terrain s'oppose à une mise en œuvre sereine du dispositif juridique prévu. La violence de la répression exercée par les occupants et le régime de Vichy, les frustrations liées à la dureté de la vie quotidienne et à l'exacerbation des inégalités, le chaos qui suit les combats de la Libération permettent une violence extra-judiciaire qui éclipse de la mémoire collective l'œuvre juridique de l'Assemblée consultative. Violence instrumentalisée par tous ceux qui voudraient renvoyer dos à dos Vichy et la Résistance. Violence réelle (femmes tondues, exécutions sommaires) qui connaît des rebonds au gré des événements traumatisant la population (attentats contre des FFI, retour des déportés), qui doit être resituée dans le contexte de l'époque.
Les estimations établies par le Comité d'Histoire de la Seconde Guerre Mondiale, puis par l'Institut d'Histoire du Temps Présent, aboutissent à un bilan national inférieur à 10 000 personnes, ce qui est loin des 100 000 parfois alléguées. Dans les Bouches-du-Rhône, le nombre d'exécutions sommaires se situe dans une fourchette de 150 à 310, ce qui place le département au sixième rang des dix-huit départements ayant connu le plus d'exécutions sommaires.
Malgré les précautions prises par le Gouvernement provisoire, l'épuration laisse un sentiment amer. Surtout, elle ne permet pas de solder ce qui était indicible pour le général de Gaulle, le fait que la période 1940-1944 fut aussi une guerre civile entre Français.
Robert Mencherini, La Libération et les années Tricolores (1944-1947). Midi rouge, ombres et lumières, tome 4, Paris, Syllepse, 2014.
Henry Rousso, « L'épuration en France, une histoire inachevée », in Vingtième siècle, PFNSP, n° 33, 1992, pp. 78-105.
Anne Simonin, Le déshonneur dans la République. Une histoire de l'indignité. 1791-1958, Paris, Grasset, 2008.
La reconstruction matérielle et économique haut ▲
Après la Libération, dans toute la région, il est nécessaire de remettre en état de nombreuses infrastructures routières et ferroviaires affectées par les bombardements, sabotages ou destructions effectuées par l’armée allemande. La reprise des activités industrielles nécessite, en préalable, de réparer de nombreuses installations très endommagées et de pallier la pénurie toujours très importante de matières premières et d’énergie. La situation de l’agriculture régionale est également très préoccupante : déjà déficitaire avant-guerre, elle pâtit fortement du manque de semences, de bétail et de matériel.
La reconstruction, dans tous ces secteurs, s’effectue progressivement et avec difficultés. Plusieurs années sont nécessaires pour que les infrastructures soient, de nouveau, en état de fonctionner et que les circuits commerciaux, dont certains ont été profondément modifiés par la rupture des années de guerre, soient rétablis.