Joseph Camaret
Genre : Image
Type : Portrait
Source : © Collection particulière Droits réservés
Détails techniques :
Photographie noir et blanc
Date document : sans date
Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Poitou-Charentes) - Charente-Maritime - La Rochelle
Contexte historique
JOSEPH CAMARET 14 mai 1889, Nantes – 1er septembre 1944, camp du Struthof
Réseau « Alliance », agent Z-751
Polytechnicien, diplômé de l’école du Génie Maritime en 1910, il intègre l’école d’application du Génie maritime.
Affecté à la Manufacture de Châtellerault en octobre 1914, puis au service de surveillance à Nantes, à Marseille ensuite. Il doit transformer des navires de commerce en transports de troupes pour l’Armée d’Orient.
Retour à la vie civile
En 1919, redevenu civil, il intègre le groupe Delmas-Vieljeux. Il progresse dans la société et en 1930, il est nommé ingénieur en chef puis directeur général des Chantiers dont il entreprend la modernisation et l’extension, travaux interrompus par la guerre.
De la déclaration de guerre jusqu’à l’armistice il est totalement mobilisé par les réparations des ateliers touchés par les bombardements, tout en ayant le souci constant du maintien de l’activité pour les ouvriers, ce qu’il continua de faire sous le contrôle des Allemands à partir de juin 1940.
L'occupation allemande des chantiers
Après l’armistice de juin 1940, il se fait le défenseur des chantiers contre l’emprise allemande. Face à leurs besoins de main d'œuvre en Allemagne, il négocie âprement pour réduire les "quotas" exigés et réussit à éviter le STO à plusieurs jeunes ouvriers, convainquant les Allemands que cette main d'œuvre est indispensable aux chantiers de La Pallice pour assurer les réparations de navires endommagés. Jusqu’à son arrestation, il partage son temps entre le maintien d’une activité aux chantiers et sa participation à Paris au Comité d’organisation de la construction navale où il assume la présidence du groupe « auxiliaires de bord ». Il s’occupe entre autres de définir les principaux prototypes nécessaires pour reconstruire la flotte marchande qui est pratiquement anéantie. Il se rend à Paris une à deux fois par semaine pour communiquer l’état de ses travaux .
L'engagement
Observateur précieux et acteur de l’activité du port de La Pallice qu’il connaît bien, il s’engage dans la Résistance. Comment ? A-t-il été contacté dans le cadre du Comité parisien ? A-t-il de lui-même cherché un contact ? Ce qui est sûr, c'est qu'il devient l'agent Z-751 du réseau Alliance, immatriculation particulière des membres du sous réseau "Sea Star" développé dans les ports atlantiques dotés d'une base de sous marins tel La Rochelle et où existent deux autres agents missionnés "Sea Star" (Z-753 et Z-752) mais apparemment sans contact avec lui. Bien placé pour collecter les renseignements sur les mouvements des navires de guerre allemands et plus particulièrement ceux des sous marins, il fait des relevés de plans de la base, des installations spécifiques, des défenses, du mur de l'Atlantique, des bateaux de pêche que les chantier ont transformés en dragueurs de mines ou en navires auxiliaires. Ses voyages hebdomadaires à Paris justifiés par ses travaux au Comité, lui ont sans doute permis de transmettre directement ses renseignements. Sur ses activités, ses contacts à La Rochelle et à Paris, nous ne savons rien de plus et il semble avoir été un élément indépendant du réseau Alliance créé à La Rochelle par Jean Godet.
Homme discret, silencieux, Joseph Camaret a gardé ses secrets ne laissant semble-t-il, pas de traces écrites ou orales. Son action au sein du réseau Alliance est restée méconnue de sa famille et de ses proches.
Arrestation et déportation
Monsieur Camaret est arrêté à son domicile, en présence de son épouse et de sa famille, le 14 mars 1944 à 5h00 du matin par des agents des services de sécurité de Poitiers (SAP) et remis à la Gestapo, au même moment que le maire de La Rochelle, Léonce Vieljeux et trois membres de la famille Delmas-Vieljeux. Il est déporté comme NN en wagon scellé au camp de sûreté de Schirmeck en Alsace où dans un premier temps, il est mis en cellule isolée. Il est ensuite interné dans la baraque 10 où il retrouve d’autres membres de l'Alliance, dont des Rochelais.
Les prisonniers ne sont pas astreints à des travaux pénibles, aussi pour maintenir le moral et occuper le temps un programme culturel auquel il participe, est mis en place. Le docteur Lacapère, un moment son compagnon de cellule et seul survivant du massacre, en a témoigné : "Camaret était silencieux. Jamais inoccupé, il prenait des notes, rédigeait la résumé de ses cours sur de minuscules bouts de papier sulfurés qui avaient servi à emballer la margarine et qu'il avait soigneusement gardés et lavés. Il accueillait ceux qui l'approchaient avec un visage calme et souriant … En cas de besoin, on était sûr de trouver auprès de lui un renseignement exact qui tranchait toute difficulté."
Pour les détenus, c'est l'attente tandis que la Gestapo de Strasbourg poursuit l'instruction d’un éventuel procès qui aurait concerné une bonne partie du réseau. Les conclusions des enquêtes envoyées au Grand Tribunal militaire du IIIe Reich à Thorgau, restent très évasives sur sa culpabilité qu'elles ne cernent pas vraiment et envisagent pour lui un camp de première catégorie c'est-à-dire sans équipement d'extermination. Que lui reproche-t-on ? Officiellement le motif de l'arrestation tel qui figure dans les archives du BAVCC de Caen, précise qu’il « n’a pas dévoilé les agissements clandestins d’un ouvrier », et a eu des « gestes humanitaires vis-à-vis d’ouvriers (F. Gardes et L. Gravot) travaillant dans une entreprise dont il était le directeur ».
Le débarquement du 6 juin et l’avance des Alliés brusquent les évènements. Selon Marie Madeleine Fourcade, chef du réseau, Hitler a ordonné la liquidation de tous les membres de l'Alliance détenus dans les geôles nazies. Joseph Camaret est exécuté au camp du Struthof dans la nuit du 1er au 2 septembre 1944 ainsi qu'une bonne centaine de membres du réseau également détenus à Schirmeck dont les agents rochelais.
Nicole Proux, Yves Tricaud