La Résistance
Les premiers refus de la défaite et de l'occupation sont rapides bien qu'isolés et se manifestent dès l'été 1940. A ces réactions des premiers mois succèdent très vite la formation de groupes locaux dont les activités sont déterminées par les nécessités du moment. Ils apparaissent sous deux formes :
- Les mouvements sont des regroupements d'individus qui refusent l'occupation. Ils naissent en général de l'émergence localement de besoins générés par la situation (faux papiers, filières de passage de la ligne de démarcation, caches, …) mais à partir du moment où ils font du renseignement, ils doivent trouver un moyen de faire passer à Londres ce qu'ils ont collecté et ils cherchent à entrer en contact avec un mouvement national. En France occupée, de très nombreux mouvements se sont constitués spontanément, certains couvrant le territoire national tels Libération-Nord de sensibilité socialiste, l'OCM plutôt politiquement à droite mais les mouvements ne sont pas l'expression d'une seule tendance. Il en est de même pour les organisations communistes, Front National et FTPF. Si les communistes sont le plus souvent orientés vers l'action (sabotages, attentats), les autres mouvement outre leurs premières missions, se consacrent de préférence au renseignement.
- En général un réseau est l'émanation d'un service national de renseignements replié en Angleterre, tels les services français, polonais, belges ou néerlandais qui fonctionnent à côté du service anglais, l'Intelligence Service (IS) auquel l'un des principaux réseaux français, le réseau Alliance, était rattaché tandis que le deuxième grand réseau français, l'un des premiers, créés par le colonel Rémy, la Confrérie Notre Dame (CND) dépend des services de renseignement français, le futur BCRA organisé par le colonel Passy. A côté de ces organisations, de nombreux réseaux ont été créés par des agents formés à la clandestinité à Londres et parachutés dans les régions occupées soit pour créer un groupe, soit pour le seconder, soit pour mener une action précise. Leurs agents comme de nombreux responsables de mouvements sont immatriculés à Londres dans les organismes dont ils dépendent.
Jusqu'à la rupture du pacte germano-soviétique et l’invasion de l’URSS par les troupes hitlériennes, le 22 juin 1941, l'engagement des communistes dans la Résistance est en général individuel. L'événement libère les militants d’une relative réserve et ils s'engagent massivement. A partir de 1942, Hitler considère les communistes comme l'ennemi intérieur à abattre et la répression est brutale.
Les premiers mois de résistance haut ▲
Les premières manifestations de refus de l'Occupation sont spontanées et souvent individuelles. Malgré l’interdiction, Radio Londres est écoutée dans de nombreux foyers. Tracts, croix de Lorraine se répandent tandis que les affiches pro-allemandes sont régulièrement lacérées. Les premiers sabotages, gênant la circulation des trains, la transmission des informations, sont l'action de petits groupes. Des manifestations témoignent aussi d'une opposition à l'occupation allemande, parfois orchestrées par Radio Londres en application de consignes qu'elle a lancées, comme le conseil donné pour le 1er janvier 1941 de déserter les rues des villes, de 15h à 16h ou d'accompagner, avec des gerbes tricolores, l’inhumation d’aviateurs anglais.
La Résistance s’organise haut ▲
A ces actions isolées succèdent très vite la formation de petits groupes locaux dont les activités sont déterminées par les besoins du moment : faux papiers, tracts anti-collaboration, filières d'évacuation de personnes recherchées vers la zone sud ou l'Espagne et surtout collecte de renseignements militaires tels le groupe du commandant Fillol, spécialisé dans l’évasion des prisonniers de guerre qui n’excède pas une dizaine de membres, le groupe Tatave de Rochefort guère plus important, Art et Bois de Châtelaillon constitué de six membres, tous fusillés à Angers en avril 1943.
Le renseignement haut ▲
La base de sous-marins de La Pallice et les bunkers du mur de l’Atlantique mobilisent dans le département aussi bien les réseaux de renseignement que les mouvements. Les Alliés doivent être rapidement informés sur les forces de l’ennemi, le trafic des navires de guerre et des sous marins afin d'organiser des opérations aériennes de destruction. Huit réseaux de renseignement ont eu une action particulièrement importante.
Le réseau Alliance haut ▲
Rattaché à l’IS puis au BCRA, à partir d’avril 1944 et couvrant tout le territoire national, ce réseau de renseignement militaire a combattu l'occupant en France sans interruption de 1940 à 1945. Fondé en octobre 1940 par le commandant Georges Loustanau-Lacau,, il est relevé en juillet 1941 par son adjointe Marie-Madeleine Méric-Fourcade. Il est créé à La Rochelle en novembre 1942 par Philippe Koenigswerther, agent du BCRA récupéré par Alliance. Sa mission sur les côtes atlantiques : collecter des renseignements militaires maritimes. A partir de Bordeaux, il met en place la pièce manquante du sous-réseau Sea Star dont c'est la spécialité.
Le responsable rochelais à l'automne 1942, est Jean Godet, secondé par son beau-frère, le capitaine Christian de La Motte-Rouge. Le groupe comprend deux employés travaillant au port de La Pallice, Frank Gardes dit «Homard» et Louis Gravot alias « Cabillaud » des établissements Delmas Vieljeux et agent du sous réseau Sea Star. Démissionnant de son emploi, Franck Garde est engagé à la base comme conducteur de pont roulant dans une des alvéoles qui abritent les sous marins. Après chargement de l'équipement nécessaire pour une mission, il peut à 24 heures près, faire connaître à Londres le départ du sous marin, renseignements communiqués à Bordeaux par agent de liaison, par courrier ou par radio, retransmis dans la nuit par radio.
Le groupe d'origine s'est renforcé avec le recrutement d'agents bien placés pour surveiller les activités du port de La Pallice. En avril 1943, C. de La Motte-Rouge contacte Robert Fortunet qui, par prudence, n'est pas officiellement enregistré dans le réseau.
Le réseau est décimé dans l’année 1943. La région Atlantique est touchées début décembre. La Gestapo élimine fin décembre1943/début janvier 1944 un premier groupe rochelais dont Franck Gardes, Louis Gravot, Christian de la Motte Rouge puis le 14 mars 1944 un deuxième groupe d'agents et de proches du réseau : Joseph Camaret, le directeur des chantiers navals agent Sea Star, Franck Delmas, Jacques Chapron, le pasteur Yann Roullet, Étienne Girard et Léonce Vieljeux tenu pour être ami du réseau. Ils sont tous déportés au camp de sureté de Schirmeck en Alsace où ils sont exécutés en même temps que 96 membres d'Alliance dans la nuit du 1er au 2 septembre 1944.
Dans des conditions difficiles, Robert Fortunet qui assure la relève, réorganise le PC. Rapidement le secteur La Rochelle-La Pallice fonctionne de façon satisfaisante et se développe, couvrant Rochefort, Royan et Cognac. Très efficace, il fonctionne pendant toute la poche renseignant le SRO service de renseignement du général de Larminat sur l’état des forces militaires allemandes dans la poche.
Honneur et Patrie haut ▲
Quatre hommes violemment hostiles à l'occupation ont participé à la création de ce mouvement. L'initiative en revient à Léopold Robinet, directeur d’un cabinet de contentieux à La Rochelle. Il est vite secondé par Edmond Grasset, déjà agent de liaison du mouvement Libération-Nord, Raymond Bouchet, instituteur et le commandant Lisiack, responsable du réseau Centurie (OCM). En novembre 1942, le groupe encore modeste adopte le nom de l'émission gaulliste de la BBC, Honneur et Patrie. Dans un premier temps, une partie du travail est centrée sur l’aide aux prisonniers de guerre évadés, aux aviateurs alliés abattus puis aux réfractaires au STO. Mais pour l'essentiel, le mouvement se consacre à la collecte de renseignements militaires à faire parvenir à Londres, transmis par chacun des quatre hommes selon divers canaux.
Les communistes dans la Résistance haut ▲
La dénonciation du pacte germano-soviétique par Hitler et l’invasion de l’URSS déclenchée le 22 juin 1941 permet aux communistes, jusque-là plus ou moins bridés par l’accord et la ligne du parti, d’entrer franchement en résistance. Dès janvier 1941, le PC clandestin met sur pied l'OS (Organisation spéciale de Sabotage) qui doit assurer la protection des groupes d'action. Rapidement ses attributions s'élargissent et l'OS assure la récupération d'armes, réalise des sabotages, constitue des maquis. En août 1941, Oscar Martin confie la formation d’un groupe à Albert Morillon alias « le Facteur » qu'il recrute plus particulièrement dans le secteur de Salles, Angoulins, Châtelaillon, Fouras. Très actif, le groupe organise des sabotages, distribue un journal clandestin mensuel France d’abord qui publie des consignes, des communiqués et des rudiments du métier. Le manifeste Pour la formation d'un Front national de l'indépendance de la France, lancé le 27 mai 1941, s'adresse à " tous ceux qui veulent agir en Français ". Officiellement, il se veut pluraliste et interclassiste. En Charente-Maritime, c'est O. Rabaté qui, en novembre 1941, a pour mission de mettre en place cette structure largement ouverte à tous ceux qui veulent résister, communistes ou non communistes. Les directives sont précises. Le FN (Front National) est chargé de constituer des cellules de recrutement, de développer la propagande, de rechercher des liaisons avec les autres formations de résistance et leurs responsables.
La reconstitution des groupes haut ▲
D’une façon générale fin 1943, début 1944, la situation de la Résistance en Charente-Maritime et plus particulièrement à La Rochelle, est catastrophique. Mais dès novembre, les rescapés sont conscients qu’ils doivent se réorganiser. C’est aussi l’heure du rassemblement des forces vives de la Résistance et en janvier 1944, dans une maison abandonnée route de Dompierre, Edmond Grasset, Clément Juchereau et Guy Joiris rencontrent un délégué du PCF et plusieurs membres du Front national. Ce contact se maintient avec la formation des comités de Libération départemental (CDL) et locaux (CLL).
En mars 1944, Robert Fortunet restaure le réseau Alliance. Les fils renoués, le secteur La Rochelle-La Pallice fonctionne de façon satisfaisante et de nouveaux éléments rejoignent le réseau. Les compte-rendus sont acheminés régulièrement à Londres et les renseignements deviennent de plus en plus abondants et précis à partir de juillet-août 1944 alors que l’encerclement de La Rochelle se précise. Au moment du bouclage de la poche, le 12 septembre 1944, R. Fortunet a sous sa responsabilité cent dix-sept agents français immatriculés dans le réseau Alliance dont trois femmes, auxquels s’ajoutent dix-sept agents polonais, allemands, autrichiens de l’armée allemande. L’ensemble constitue une équipe parfaitement disciplinée et entraînée.