Roger Faraud
Légende :
Roger Faraud, membre de l'Organisation Civile et Militaire (OCM), de Libération-Nord et président du Comité Départemental de Libération de Charente-Maritime
Genre : Image
Type : Photographie
Source : © Collection privée Camille Renault Droits réservés
Détails techniques :
Photographie analogique en noir et blanc extraite du CD-ROM La Résistance en Charente-Maritime AERI, 2010.
Lieu : France - Hauts-de-France (Picardie) - Charente-Maritime
Contexte historique
Roger Faraud, alias "Pierre Bertin", "Lucien", "Dubois", "Julien", "Marchand", est né le 7 mai 1903 au Pin dans le canton de Montlieu en Charente-Maritime, d'un père sabotier et d'une mère cultivatrice.
Il fait ses études à l'Ecole normale d'instituteurs de La Rochelle et son service militaire à l'Armée d'Afrique dans un corps d'élite, le 4e Zouave.
Au moment de la déclaration de guerre, il est instituteur à Clérac dans le sud du département. Militant socialiste, conseiller général du canton de Mirambeau, candidat du Front populaire en 1936, il jouit de l'estime générale.
En septembre, il est mobilisé et sert dans une section d'infirmiers militaires où, bien que simple soldat, il assume les fonctions d'officier gestionnaire adjoint.
Démobilisé en juillet 1940, il rejoint son poste à Clérac et entre immédiatement en conflit avec les troupes d'Occupation qu'il veut obliger à évacuer les locaux scolaires et à payer pour les dégradations commises.
Ne cachant pas son hostilité au régime de Vichy, il refuse de faire chanter à ses élèves "Maréchal nous voilà". Le 1er janvier 1941, il est déplacé d'office à Saint-Mandé dans le canton d'Aulnay. A la rentrée de septembre, il est nommé directeur de l'école de Condéon dans le département de la Charente. Vichy lui a fait savoir qu'en raison de son passé politique et de son hostilité déclarée à la collaboration, il lui est interdit d'enseigner dans l'arrondissement de Jonzac et d'y séjourner. De son côté, l'inspecteur d'académie d'Angoulême l'avertit que la préfecture le tient pour suspect et lui conseille la prudence.
Avertissement et interdiction ne l'arrêtent pas et, les jours de congé, il ne se prive pas de parcourir à vélo le sud du département de la Charente-Maritime. Il cherche à regrouper amis et relations qui, comme lui, n'acceptent pas la nouvelle situation de la France.
Il commence véritablement son action résistante au printemps 1943. En effet, au mois de mars, il est recruté par Raymond Bouchet au titre du mouvement OCM dont il ignore d'ailleurs le nom et noue ses premiers contacts avec le mouvement rochelais Honneur et Patrie.
Au cours de différents rendez-vous à La Rochelle, il rencontre Léopold Robinet, Raymond Bouchet, Jean Garnier. A Saintes, chez Jean Micheau, il participe à une réunion avec le général Bruncher, le colonel Vignault adjoint au chef de l'OCM de la région B et son agent de liaison Yves Toussaint. Tous lui demandent d'utiliser sa bonne connaissance de l'arrondissement de Jonzac pour contacter des amis sûrs capables de recruter. Il répond à la demande et calque l'organisation de ses groupes sur la structure cantonale.
Fin juin-début juillet, Yves Toussaint l'informe que, compte-tenu du travail réalisé, le général Bruncher, l'a nommé chef de l'AS pour l'arrondissement de Jonzac. A la suite d'une conversation avec le général Bruncher et sur ses instructions, il demande à son ami Raymond Roux de constituer un groupe-franc armé, prêt pour l'action immédiate. Outre ce groupe, il met en place des équipes de réception des parachutages. Ses hommes recueillent des renseignements sur les troupes d'Occupation qui sont transmis par Yves Toussaint à l'état-major OCM de Bordeaux puis par l'intermédiaire du réseau Navarre à Jacques Rebeyrolle, chef OCM à Paris.
A partir du 13 septembre 1943, une série d'arrestations anéantit le mouvement Honneur et Patrie et les premières structures de la Résistance départementale. L'arrondissement de Jonzac n'est touché qu'à la mi-octobre. Grâce à la complicité de Henri Guindet facteur-receveur des postes à Réaux, Roger Faraud échappe de justesse au coup de filet, le 16 octobre. La Gestapo, qui ignore son adresse en Charente, fouille en vain la ferme de ses parents. Activement recherché par les polices allemande et française, il devient clandestin, vivant dans les bois, hébergé dans des fermes isolées des deux Charentes.
Malgré le danger, il se déplace sans cesse, pour rétablir ses contacts mais il reste coupé de la hiérarchie. C'est grâce au docteur Michel Boucher de Pisany, qu'il retrouve Yves Toussaint à Bordeaux et reprend contact avec le colonel Vignault, alias "Camplan", le nouveau chef régional de l'OCM.
Préférant continuer la lutte en France, il refuse l'offre qui lui est faite de passer en Espagne pour rejoindre Londres. Grillé en Charente-Maritime, il reste sur Bordeaux où, en décembre, "Camplan" le nomme adjoint de Souques, le chef du 4e bureau de l'AS de la région B2, fonction qu'il assure de novembre 1943 à janvier 1944. Il est également agent P2 du réseau Navarre du 15 octobre 1943 au 30 septembre 1944.
A Bordeaux, il est témoin du violent affrontement qui oppose le DMR Bonnier, récemment parachuté, au colonel Vignault qui lui dénie toute autorité sur lui et n'accepte pas sa conception de l'action à mener.
Du 9 au 15 février 1944, deux rafles anéantissent l'état-major de la région B. Tombé dans les griffes de la Gestapo, Claude Bonnier se suicide. Le colonel Grenier, Yves Toussaint, Grolleau, Souques sont arrêtés. Quant à "Camplan", il a disparu depuis le 18 janvier.
Dernier rescapé de l'état-major bordelais, Roger Faraud, grâce à ses multiples identités, réussit à passer à travers les mailles du filet. Isolé, coupé du responsable départemental de Charente-Maritime, il se maintient le plus longtemps possible à Bordeaux. Finalement, il se rend à Paris où il réussit à renouer avec l'OCM. Jacques Rebeyrolle, le chef national de Navarre, lui propose de changer de région, mais il est arrêté peu après. Roger Faraud rentre à Bordeaux pour y retrouver une situation totalement dégradée. Il est toujours recherché, aussi doit-il se faire oublier et changer d'activité. Il organise alors un service de solidarité et d'entraide pour des familles de déportés ou de fusillés.
Il reprend rapidement l'activité résistante mais les nombreuses arrestations l'amène à changer de direction nationale. Edmond Grasset, qui a été nommé délégué de Libération-Nord pour la région de Bordeaux au cours d'une réunion avec Daniel Mayer à laquelle Roger Faraud a assisté, s'est réfugié à Paris. Le 29 janvier, le général Faucher, chef régional de l'AS, est arrêté puis le 9 février c'est au tour de Michel Boucher, responsable départemental du mouvement.
Roger Faraud accepte de prendre sa relève en Charente-Maritime et se rend alors à Paris où il est présenté à Henri Ribière, le délégué général du mouvement. A la suite d'un accord entre Ribière et Bloch-Masquart, le responsable national OCM, qui considère la région de Bordeaux momentanément grillée, il devient agent de Libération-Nord. Henri Ribière le nomme chef de la région Poitou-Charentes lui confiant la responsabilité du mouvement dans cinq départements : Vendée, Deux-Sèvres, Vienne, Charente et Charente-Maritime, fonction qu'il assume jusqu'à la Libération.
En mars 1944, il devient également chargé de mission pour le CNR qui veut contrer les projets de l'AMGOT (Gouvernement militaire allié des Territoires occupés) projet américain prévoyant que la France libérée sera gérée par une administration américaine. Il s'agit de mettre en place avant la Libération des pouvoirs nouveaux chargés d'incarner la légitimité du général de Gaulle. Il doit veiller à la création des Comités de Libération dans les cinq départements dont il a été chargé et trouver des hommes sûrs à qui déléguer ses pouvoirs.
En revanche, en Charente-Maritime, il assume lui-même la créations des CCL et du CDL dont il est le président clandestin. Il a reçu l'ordre impératif de mettre en place tous les organismes civils pour le 15 mai 1944.
C'est une lourde tâche qu'il mène avec l'assistance de "Camille" Renault, son agent de liaison et secrétaire. Parcourant, comme lui, tout le département à bicyclette, elle contacte les amis qu'il lui indique afin qu'ils recrutent eux-mêmes les personnes aptes à remplir cette mission. C'est un travail particulièrement dangereux puisqu'elle rapporte des listes en clair cachées dans le cadre ou sous la selle de son vélo.
Roger Faraud installe son bureau à Pons chez Germaine Martin-Combes où les listes sont dépouillées et mises à jour au fur et à mesure des arrestations.
Tout en s'acquittant de ces tâches, il maintient le contact avec les organisations de l'AS dans les cinq départements.
En avril, Rebeyrolle lui présente Jean Schuhler, commissaire de la République de la Libération avec qui il collabore lors de la mise en place des préfets du Poitou-Charentes.
Début mai, il est présenté à Vincent, ancien chef de cabinet d'André Philippe récemment arrivé de Londres et à Xavier Vallat qui confirment sa mission comme délégué régional du CNR.
En mai 1944, à la demande du colonel Zarapoff, alias "Arnaud", chef de l'AS, de Libération-Nord et membre de l'état-major national FFI à Paris, il est présenté au général Moraglia, alias "Lemaire", le nouveau chef de la région B. Il l'accompagne à Bordeaux et lui facilite de nombreux contacts.
Malgré les difficultés rencontrées, Roger Faraud, secondé par son infatigable secrétaire "Camille", réussit à mener à bien toutes ses missions. En effet, le 10 mai, tous les CDL et organismes préfectoraux et municipaux sont en place dans les départements des Deux-Sèvres, de la Vendée, de la Charente et de la Vienne.
En revanche, la désorganisation de l'état-major bordelais et l'assassinat d'Edmond Grasset le 8 mai 1944, préfet désigné de la Libération en Charente-Maritime, retardent l'organisation administrative de ce département à la forte densité d'Occupation où d'ailleurs, il est toujours recherché.
Après le débarquement, Roger Faraud poursuit son oeuvre, veillant à la formation des nouveaux conseils généraux, remettant à jour la liste des préfets et sous-préfets modifiée par les arrestations successives. Il organise l'unification des groupes de Résistance du camp retranché de La Rochelle et leur fournit les premières armes parachutées.
Enfin, le CDL de Charente-Maritime tient sa première réunion le 12 septembre 1944 à Saintes, chef lieu provisoire du département en attendant la libération de La Rochelle le 8 mai 1945. Le CDL est chargé de l'organisation civile du département et, fonctionnant comme une assemblée consultative auprès du préfet, elle lui propose les mesures d'assainissement général à prendre rapidement.
Après le 8 mai 1945, le CDL regagne La Rochelle où il siège jusqu'à sa dissolution à la fin de la même année.
Après la guerre, Roger Faraud poursuit une carrière politique. Il est élu député et siège à l'Assemblée nationale pendant trois législatures. Fidèle à ses idéaux, il oeuvre pour la conservation de la mémoire de la Résistance. Il est le fondateur de l'Union départementale des CVR dont il reste président jusqu'en 1984 et il crée en Charente-Maritime, le Concours de la Résistance, avant même qu'il ne devienne national.
Le 6 mai 1946, le maréchal Montgomery lui décerne la citation suivante :
"Par ce certificat, je témoigne mon appréciation des services rendus par Roger Faraud, comme volontaire au service des Nations Unies pour la grande cause de la Liberté".
Le 27 mai 1946, lui est décernée la Médaille de la Résistance.
Le 29 décembre 1948, il est nommé Chevalier de la Légion d'honneur, nomination comportant la Croix de guerre avec palme.
Le 5 mars 1984, il est promu officier.
Il décède à Saintes le 9 avril 1987.
Nicole Proux, " Roger Faraud" in CD-ROM La Résistance en Charente-Maritime, AERI, 2010.