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Rapport sur l'état d'esprit et l'opinion en zone occupée, Jean Meunier, octobre 1942

Légende :

Rapport sur l'état d'esprit et l'opinion en zone occupée, rédigé par Jean Meunier en octobre 1942 et envoyé à Félix Gouin avec une lettre d'accompagnement.

Genre : Image

Type : Rapport

Source : © Archives municipales de Tours - Fonds Jean Meunier 5Z5/2N31 Droits réservés

Détails techniques :

Document de sept pages (voir album).  

Date document : Novembre- décembre 1942

Lieu : France - Centre - Val-de-Loire (Centre) - Indre-et-Loire - Tours

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Analyse média

Après un état des lieux très général, Jean Meunier aborde l'état d'esprit par classement corporatiste : 

- les milieux ouvriers, décrits comme majoritairement idéalistes, anti-allemands et anti-vichystes, chez lesquels "la résistance se manifeste de mille façons", avec une légère inflexion pour les ouvriers de formation catholique, un peu plus hésitants ;

- les milieux paysans, décrits comme bien moins idéalistes, ayant pu être, dans un premier temps, flattés par la démagogie de Vichy, mais tellement lésés et brimés par cette même politique, qu'ils ne sont plus dupes ;

- les milieux commerçants, industriels et la petite et moyenne bourgeoisie, plutôt majoritairement gaullistes, mais "de salon", c'est-à-dire plutôt cantonnés au discours et peu enclins à l'action risquée ;

- les milieux aristocratique et de la grande bourgeoisie, plus ambigus, réactionnaires et craignant une victoire anglo-saxonne qui signerait la défaite de leurs idées ; seuls les jeunes pourraient constituer une force résistante, mais non point leurs aînés ;

- le clergé, un milieu partagé entre Jésuites, foncièrement anti-allemands, curés résistants et autres prélats, ambigus, gardant leur confiance dans le maréchal, reconnaissant des mesures cléricales du gouvernement, bien que redoutant que la libération ne se mue en révolution sociale ;

- les administrations, qui, selon Meunier, sont aptes à fournir de hauts fonctionnaires résistants très efficaces le moment venu ainsi qu'une cohorte de petits fonctionnaires unanimement résistants ; bien entendu, la méfiance règne quant aux fonctionnaires nommés par l'Etat français, prêts à retourner leur veste si le vent tournait et c'est parmi eux, selon Meunier, que l'on trouverait le plus grand nombre des "pires bochisants" : avec ceux-là, il faudra, à la libération, se montrer intraitable - ajoute-t-il ;

- les milieux de la gendarmerie et de la police, qui reprend la même dichotomie que les administrations, où s'opposent de nombreux résistants aux derniers nommés, redoublant de zèle.

S'ensuit une description de l'attitude de la population en général, partagée entre un courant de solidarité nationale (avec les prisonniers, les juifs, les familles des otages) et la mention de la détermination et du courage des femmes et jeunes filles acquises à la Résistance, et dont l'influence est décrite comme étant "considérable" et qui s'opposent aux nombreuses femmes fréquentant les occupants, "une des misères de la guerre, phénomène commun aux époques troublées et effet de l'argent sur une population affamée et nécessiteuse".

Jean Meunier décrit ensuite l'attitude des occupants, moins arrogants, mais plus cruels dans la répression, soucieux de l'enlisement conduisant à l'éternisation du conflit, découragés - certains officiers allemands reprochant à Hitler l'attaque de la Russie - et durement marqués par l'entrée en guerre des Etats-Unis. Meunier estime venu le moment de "chercher à dissocier la troupe des chefs".

Est ensuite abordée la notion de Résistance organisée, dense mais imparfaite et qui gagnerait, selon Meunier, à se coordonner à l'action militaire, ce qui n'enlève rien à l'efficace propagande (presse clandestine argumentée, notamment) qu'elle mène et qui devrait être encouragée et développée.

Meunier consacre ensuite un paragraphe à la propagande émanant de Londres qui, selon lui, s'avère efficace et touche tous les milieux professionnels et sociaux. Il s'appuie sur quelques points précis qu'il estimerait judicieux de voir développés (trahison, favoritisme, corporatisme, inquisition du gouvernement de Vichy, etc.).

Enfin, Meunier clôt son rapport en évoquant un certain nombre de critiques (lenteur de la transmission de renseignements et d'informations capitales, confusion dans les mots d'ordre et les nombreux chefs, etc.). Il conclut sur l'existence indubitable d'une base résistante solide en zone occupée, dont la classe ouvrière "sera l'élément principal" et met en garde contre une trop grande précocité de l'insurrection nationale avant que l'action militaire ne soit déclenchée et maîtrisée. En outre, il préconise de soigneusement préparer la relève administrative car c'est en grande partie sur les fonctionnaires que reposera l'"investiture authentique du Gouvernement de la Libération".


Paulina Brault