Commémoration du 12 juin 1944 à Taulignan
Légende :
Le 12 juin 2011, devant le monument aux morts de la Première Guerre mondiale, à Taulignan, Jean-Louis Martin, adjoint au maire, s’adresse à l’assistance lors de la commémoration des combats meurtriers du 12 juin 1944 et du lourd tribut concédé par la commune pour la libération de la France.
Genre : Image
Type : Photo
Producteur : cliché Alain Coustaury
Source : © Archives Alain Coustaury Droits réservés
Détails techniques :
Photographie numérique en couleur.
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Taulignan
Analyse média
Après le défilé qui s’est rendu sur les principaux lieux de mémoire du bourg, Jean-Louis Martin, adjoint au maire de Taulignan, s’adresse à l’importante assistance (voir l’album) qui a participé aux étapes de la commémoration.
De la droite vers la gauche, on remarque, entre autres, parmi les neuf porte-drapeaux, celui de l’Amicale Maquis et Bataillon Morvan Drôme, Philippe Biolley (voir en album), puis le représentant de la gendarmerie, Mme le sous-préfet, parmi les participants, assis, Marius Audibert (ancien président de l’Amicale du bataillon Morvan), Mme l’adjointe au maire, ainsi que les enfants qui ont participé au dépôt de gerbe.
Jean-Louis Martin, clôturant la cérémonie, en situe le sens :
« 12 juin 1944 – 12 juin 2011
67 ans après nous sommes réunis, toujours aussi nombreux, pour commémorer ce terrible lundi qui a endeuillé notre commune et qui restera à jamais gravé dans nos mémoires.
Il est vrai que Taulignan a payé un lourd tribut lors de la Seconde Guerre mondiale : 35 morts dont 20 pour la seule journée du 12 juin 1944.
Le 6 juin 1944 les troupes alliées débarquent en Normandie.
Afin de prêter main-forte à leurs troupes, les Allemands remontaient du sud en balayant tout sur leur passage.
Le lundi 12 juin 1944 vers 8 heures, les premiers accrochages ont lieu à la tranchée de la route de Salles [-sous-] Bois. Les maquisards avaient tendu une embuscade à l’ennemi.
Parmi eux André Fraysse et Georges Martin ainsi que Pierre Guion aujourd’hui décédé.
Déployant leurs énormes machines de guerre, les troupes hitlériennes encerclent le village et massacrent tous ceux qui se trouvent sur leur passage.
Après avoir tué René Ribière, puis Aglaé Chaix âgé de 70 ans, qui gardait ses chèvres, Jean Fritz âgé de 14 ans réfugié de Toulon et accueilli par la famille Tardieu à l’Hermitage ne sera pas épargné par la barbarie nazie.
Jules Vache sera tué à Matinié alors qu’il s’apprêtait à rentrer son troupeau.
Le gendarme Kléber Boudin tombera sous les balles allemandes devant l’hôtel Roustan devenu aujourd’hui la Malle Poste.
Devant cet acharnement sans pitié, cette folie meurtrière de l’ennemi, Pierre Darlix part en traction [voiture Citroën] à Valréas chercher du renfort.
Il revient avec 5 résistants : Martial Deyre, Aimé Jacques, Henri Paschke, François Rein et René Joubeyrand ; mais, à leur arrivée à Taulignan, ils sont pris sous le feu d’une mitrailleuse postée ici même, près du monument aux morts.
Ils essaient alors d’emprunter la route de Grillon et sont achevés à coup de grenades.
Taulignan est encerclée, Fernand Théolas est fusillé place Nord.
Sont également tués Célestin Reynier, Marcel Pellegrin et Émile Feriay ce même jour à Valréas.
Sont emmenés et fusillés, quelques jours après, Carmèle Garcia, les frères Gélly à Saint-Laurent-de-Mure (Rhône), Albert Guitton à Roche (Isère) et Félix Veyrier à Saint-Didier-de-Formans [Ain].
Le souffle meurtrier touche également la commune voisine. Les habitants de Valréas assistent impuissants à la fusillade de 53 otages. Un hommage leur sera rendu ce soir, à 17 h 40, à Valréas [Vaucluse].
Après tous ces meurtres, les Allemands prirent la route de Nyons. Au Pont-au-Jar, ils bifurquèrent sur Montbrison et La Roche [-Saint-Secret], des résistants ayant été signalés vers Vesc, Gumiane et dans le Nyonsais.
Pendant ce temps, Taulignan plongé dans la désolation, pleure ses morts.
Malgré toutes ces années passées, nous n’oublions pas ces femmes et ces hommes qui, pendant cette drôle de guerre, ont tout donné jusqu’au sacrifice de leur vie pour qu’aujourd’hui nous vivions en paix et en liberté. À nous les aînés de perpétuer cette mémoire auprès des jeunes générations et, tous ensemble, nous devons plus que jamais être à l’écoute, avoir le respect de l’autre, dialoguer, être tolérant pour garantir une paix durable. Nous le devons bien à toutes les victimes du fascisme et du nazisme.
Je vous remercie. »
L’intervention de l’élu a ainsi le mérite d’informer de l’enjeu des combats engagés dans le secteur de Taulignan (Drôme) – Valréas (Vaucluse) pour les deux forces en présence, FFI et éléments de la 19ème Armée allemande. Elle permet de percevoir la puissance des troupes occupantes et de mesurer la profondeur du bouleversement causé par les pertes des FFI et de la population locale – hier et aujourd’hui –. L’importance de la participation à la manifestation, la durée et la longueur de la marche exigée, le fait également que l’assistance reprenne Le Chant des partisans et La Marseillaise lors des divers hommages, sont là pour confirmer que l’orateur a su exprimer l’émotion commune.
Bien sûr, son évocation des événements, forcément succincte au cours d’une manifestation comme celle-ci, renvoie à la question d’une intelligence plus complète des faits relatés.
Auteurs : Claude Seyve, Michel Seyve
Sources : Discours de Jean-Louis Martin, adjoint au maire de Taulignan, le 12 juin 2011 (tapuscrit).
Contexte historique
M. Martin évoque à juste titre l’importance du débarquement du 6 juin en Normandie : il a eu des conséquences sur le cours de la guerre, mais aussi localement.
Dès l'annonce du débarquement, les formations FFI occupent les points stratégiques, et même des cités comme Séderon, Buis-les-Baronnies, Nyons, Taulignan, dans la Drôme ; Valréas, Vaison-la-Romaine, dans le Vaucluse (Haut-Comtat). Elles maintiennent une forte pression.
Le général Pierre Rigaud, chef AS à l’époque, décrit, pour Valréas, les étapes de cette prise en main rapide, évoquant l'enthousiasme dans lequel se déroule l'opération. Fernand Tressos, adjudant "Meyraud", arrêté par la Justice du gouvernement de Vichy, interné à Sisteron et qui vient d’intégrer le maquis à la suite d’une libération collective, découvre même, à son arrivée dans la Drôme, dans son unité FTP, du délire, puis des négligences à Buis-les-Baronnies, auxquelles il s’efforce de remédier.
La ligne stratégique allemande se tient pourtant à une occupation stricte du sud de la France, d'autant qu'un débarquement des Alliés en Méditerranée est prévisible. Quelques ripostes meurtrières et impressionnantes des Allemands visent les maquis et les populations solidaires, et attestent le durcissement de la guerre.
Dans la région de Taulignan-Nyons-Valréas, marche de la basse vallée du Rhône, l'occupant déclenche, peu après la décision de la Résistance d'administrer les communes, le 12 juin 1944, une opération de reconquête appuyée par des forces blindées.
Ce raid meurtrier (vingt morts à Taulignan, cinquante-trois fusillés à Valréas), bouleverse les mémoires encore aujourd'hui, avons-nous constaté. Les compagnies FFI, installées à Nyons, se replient provisoirement sur Bouvières, Saint-Nazaire-le-Désert, tandis que la compagnie AS se réinstalle quelque temps après le départ des Allemands. (Une attaque sur Vaison-la-Romaine occupée par les FFI, peu avant, le 10 juin, relève de la même stratégie allemande ; dix-sept morts après le départ du détachement ; les résistants se replient dans la Drôme à Propiac et Buis-les-Baronnies).
Ce n’est que le 17 août, immédiatement après le débarquement en Méditerranée, qu’Hitler décidera d’abandonner le Sud de la France et le repli de la 19 ème Armée allemande au nord de Lyon.
Par ailleurs, en ce qui concerne la compréhension de la construction de la mémoire jusqu’à ce 12 juin 2011, il est intéressant de noter la présence de trois plaques posées sur le monument aux morts, en 1940, en 1945, puis plus récemment, dont le contenu est probablement contradictoire (Voir le cliché et les commentaires dans l’album).
Auteurs : Claude Seyve, Michel Seyve
Sources : Discours de Jean-Louis Martin, adjoint au maire de Taulignan, le 12 juin 2011 (tapuscrit).
Philippe Biolley, porte drapeau de l’Amicale Maquis et Bataillon Morvan Drôme, et, à droite, Marius Audibert (« Raymond »), ancien président de l’Amicale (CE au bataillon en 1944), sur la place de la Mairie à Taulignan (place Onze novembre), le 12 juin 2011, peu avant la commémoration.
© Cliché Alain Coustaury – droits réservés.
Vue d’ensemble du défilé le 12 juin 2011 à Taulignan© Cliché Alain Coustaury – droits réservés.
Le cortège fait une première halte devant la gendarmerie de TaulignanIl rend hommage au gendarme Kléber Boudin tué le 12 juin 1944.
© Cliché Alain Coustaury – droits réservés.
Deuxième arrêt du défilé du 12 juin 2011 est réservé à la maison GrasL’arrêt se fait devant la plaque portant inscription de la date de leur mort en déportation.
© Cliché Alain Coustaury – droits réservés.
Discours de l'adjointe au maire de Taulignan devant la maison Gras12 juin 2011.
© Cliché Alain Coustaury – droits réservés.
Troisième étape du défilé du 12 juin 2011 à TaulignanLe monument aux morts de la Guerre 1939-1945, portant gravée la longue liste des morts taulignanais.
© Cliché Alain Coustaury – droits réservés.
Quatrième arrêt du défilé le 12 juin 2011 à TaulignanDans une petite rue de Taulignan, assez proche de la place Onze novembre où a été érigé le monument aux morts de la Première Guerre mondiale, se situe le quatrième arrêt du défilé ; précisément, devant la plaque rappelant les noms des six FFI venus apporter leur soutien à Taulignan encerclé et qui sont tombés à cet endroit même.
© Cliché Alain Coustaury – droits réservés.
Gros plan sur la plaqueElle rend hommage aux six maquisards ayant trouvé la mort le 12 juin 1944 : Darlix Pierre, Deyres Martial, Jacquerand Aimé, Paschkre Henri, Rein François, Soubeyran René.
© Cliché Alain Coustaury – droits réservés.
Vue d’ensemble de la cérémonie du 12 juin 2011Devant le monument aux morts de Taulignan.
© Cliché Alain Coustaury – droits réservés.
Les enfants à la cérémonieDes enfants de Taulignan déposent une gerbe, accompagnés de l’adjoint au maire, peu avant son discours devant le monument aux morts de la Première Guerre mondiale.
© Cliché Alain Coustaury – droits réservés.
La cérémonie s’achève devant le monument aux morts de TaulignanL’adjoint au maire y prononce le 12 juin 2011 un discours en l’honneur des nombreuses victimes de Taulignan.
© Cliché Alain Coustaury – droits réservés.
Trois plaques sur le monument aux morts de TaulignanLa plaque la plus basse et la plus importante rend hommage aux résistants et habitants de la commune tombés le 12 juin 1944 et à d’autres moments de la Seconde Guerre mondiale.
Les deux premières, plus hautes sur le monument, semblent de motivations différentes voire opposées. Les dates auxquelles elles ont été apposées sont caractéristiques d’intentions propres au moment. Le 11 novembre 1940 pour la première, à peine cinq mois après l’Armistice signé par A. Hitler et P. Pétain, fixée sur un monument officiel et naturellement avec l’accord des autorités collaboratrices de l’époque – dépendant du gouvernement de Vichy–, est vraisemblablement un acte d’allégeance à l’occupant.
D’ailleurs, la seconde plaque paraît le confirmer. Posée en 1945, précisément le jour du 1er anniversaire du massacre du 12 juin – contre-attaque allemande à la prise de pouvoir par la Résistance de plusieurs villes du secteur, – elle appelle à se souvenir des sacrifices « héroïques » des patriotes des deux guerres. La précision du texte attire l’attention sur les initiateurs de cet hommage aux « frères héroïques » – à savoir les patriotes « non légionnaires » – ce qui indiquerait que les auteurs ou initiateurs de la première plaque seraient peut-être des « légionnaires ». Les Taulignanais membres de la « Légion », en 1940, ne seraient autres que des membres d’une organisation collaboratrice armée portant uniforme, devant entre autres gagner par tous les moyens le peuple français vaincu à l’acceptation de la tutelle allemande et combattre aux côtés des vainqueurs. Les « légionnaires » pourraient être simplement des partisans du Maréchal Pétain, la Légion des volontaires français ayant été créée officiellement bien après la pose de la plaque, le 18 juillet 1941.
Cette inscription serait donc en quelque sorte une réplique à la précédente et peut-être même comme une mise à l’index. Elle révèlerait que deux partis se seraient succédés à la direction de la commune pendant ces cinq années de guerre – comme d’ailleurs dans la plupart des localités, l’un allié de l’Allemagne nazie ou simplement mettant son espoir dans le Maréchal Pétain, l’autre partisan d’une France résistante et finalement libre. Robert Serre remarque que le Site de Taulignan sur Internet ne fait pas référence à ces interrogations – ce que l’on peut très bien comprendre du fait en particulier de la complexité de ces situations notamment.
Auteur : Michel Seyve
© Cliché Alain Coustaury – droits réservés.