Vitrail de l’église Notre-Dame de Lourdes à Romans-sur-Isère
Légende :
Vitrail dédiée à la Vierge et comportant une francisque en partie occultée.
Genre : Image
Type : Vitrail
Producteur : cliché Alain Coustaury
Source : © Archives Alain Coustaury Droits réservés
Détails techniques :
Photographie numérique en couleur.
Date document : novembre 2011
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Romans-sur-Isère
Analyse média
Le vitrail consacré à Marie, Reine de France, fait partie d’un ensemble de vitraux ornant 64 baies de l’église Notre-Dame de Lourdes. Tous les vitraux représentent des figures de saints ou de la vierge. Ils ont été financés par de grandes familles romanaises et réalisés par la maison Balmet de Grenoble et par les ateliers Thomas de Valence. La croix noire détone parmi les couleurs rouge et bleu de l'ensemble de la verrière. De ce fait le regard est attiré par l'essai d'une occultation postérieure à la guerre. Il est facile d'imaginer la francisque dont il reste, visible, le dessin des plombs et des taches rouges des deux lames. L'adoption d'une couleur rouge ou bleu aurait évité cette maladresse.
Un autre vitrail attire la curiosité. Sur le flanc ouest de la nef, à l'entrée, il est consacré à Saint-Henri Empereur. Il s'agit d'Henri II empereur d'Allemagne (972-1024), héritier du royaume de Bavière. L'annotation sur le vitrail « Après Six » rappelle qu'Henri II a été le sixième et dernier empereur romain germanique de la dynastie saxonne et ottonienne. Mais ce qui est remarquable, sur le vitrail, c'est la présence de cinq aigles rappelant l'aigle allemand. Cela est surprenant dans la mesure où les armoiries du royaume de Bavière ne comportent pas d'aigle. Quelle est la signification du choix de Saint-Henri de Bavière alors qu'il existe d'autres Saint-Henri, britanniques notamment ? A-t-on choisi Henri II le Pieux, connu pour sa chasteté, qualité (? ndlr !) très en vogue dans l'ambiance de 1940 où l'on fustigeait « l'esprit de jouissance » ? Quelle est la raison du dessin d'aigles alors que les armoiries de Bavière ne présentent que des lions ?
Auteur : Alain Coustaury
Sources : Descombes Michel, Jacquot Laurent, L’église Notre-Dame de Lourdes, notice de la Sauvegarde du patrimoine romanais.
Contexte historique
L’achèvement de l’église Notre-Dame de Lourdes est concomitant de l’installation du régime de Vichy. Tous les vitraux ont été réalisés pendant l’occupation. Les visages des saints peuvent représenter ceux de membres des familles donatrices. Cette pratique est traditionnelle.
Bien représentatifs du culte marial, en vogue à cette époque, les saints, prophètes et apôtres, se groupent autour de la figure de la Vierge Marie. Ses vertus sont sans cesse rappelées sur les verrières : reine des prophètes, reine des apôtres, reine des saints, reine des vierges, reine de France, reine de la Paix, etc. Le thème de l’ensemble de la verrière est clair : traditionaliste et nationaliste. Il correspond bien à la pratique du moment dans une France déboussolée et qui s’en remet à ses saints tutélaires et à Philippe Pétain.
La première pierre de l'église est posée et bénite par Mgr Pic, évêque de Valence, le 15 août 1937. Pendant toute l'année qui suit, le chanoine Prudhomme continue à collecter de l'argent auprès des familles romanaises pour en terminer la construction, sans oublier le financement des cloches et des vitraux.
Le dimanche 10 juillet 1938, l'évêque baptise les dix cloches.
Le 15 août 1938, jour de clôture du jubilé marial ; une année après la pose de la première pierre, l'église reçoit la bénédiction épiscopale et s'ouvre aux croyants.
Le 10 mai 1940, l'armée allemande lance l'offensive qui perce le front français et déferle sur la France. Le 19 mai, la nouvelle église est consacrée. Le 31 mai, des Romanais choisissent de confier la garde de leur ville à Marie pour la protéger des troupes allemandes. Comme gage anticipé de reconnaissance, la paroisse de Notre-Dame de Lourdes et la ville promettent l'acquisition d'une nouvelle cloche pour l'église, « Marie Victoire », d'un poids de 850 kg, qui donnera le Fa.
Traduisant l’effondrement militaire français, l’Armistice est signé le 22 juin 1940, jour de l’entrée des troupes allemandes à Romans-sur-Isère.
La souscription paroissiale pour la réalisation de la cloche est achevée le 16 juillet. Dans les premiers jours du régime de Vichy, la cloche change de nom pour s'appeler Marie France. Sur sa dédicace, on peut lire « je chante la pérennité de cette France, royaume de la Vierge Marie ».
Le 2 février 1941, « Fête mariale », Mgr Pic bénit la nouvelle cloche. À 14 h 30, l'évêque fait son entrée dans une église comble. La cloche est « habillée de blanc ». Elle est timbrée aux armes du maréchal Pétain : le bâton, constellé, de commandement portant une francisque et dressé entre 7 étoiles. Pour l'accueillir, ses 10 sœurs aînées n'ont pu donner leurs voix car le clavier qui les actionne a été détérioré par la tempête de neige de janvier. Mgr Pic utilise l'incident pour rappeler sa pensée : « Les cloches se réservent pour le jour certain (où) elles chanteront la victoire de la France. Victoire du redressement moral de la patrie, en voie de s'effectuer, en ces jours où selon le mot du Maréchal « l'esprit de jouissance a détruit ce que l'esprit de sacrifice avait édifié ». C'est par l'esprit de sacrifice, et non par ces faciles plaisirs, doublement déplacés, alors que tant de Français souffrent, nos prisonniers, plus que tous, c'est par l'esprit de sacrifice que se redressera la France ».
En parallèle se poursuit le financement des vitraux. Les saintes et saints retenus soulignent les choix spirituels de l'époque vichyssoise, se trouvent aussi représentés les visages de certains membres des familles romanaises donatrices. La francisque ornera un des vitraux. Même dissimulée, elle est encore visible.
L’exemple de l’édification et de la consécration de Notre-Dame de Lourdes de Romans-sur-Isère met bien en évidence d’une part une forme de religiosité exacerbée par l’effondrement militaire de 1940 et d’autre part des liens entre la religion catholique et le régime de Vichy à ses débuts. Postérieurement, avec l’évolution du conflit, les relations se détériorèrent.
Auteur : Alain Coustaury
Sources : Descombes Michel, Jacquot Laurent, L’église Notre-Dame de Lourdes, notice de la Sauvegarde du patrimoine romanais.
© Cliché Alain Coustaury – droits réservés.
Vitrail à la croixOn devine la courbure des lames de la francisque.
© Cliché Alain Coustaury – droits réservés.
Vitrail restituéReconstitution de la francisque dessinée en utilisant le rouge entre le plomb et la croix.
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Seconde verrière© Cliché Alain Coustaury – droits réservés.
Troisième verrière© Cliché Alain Coustaury – droits réservés.
Quatrième verrière© Cliché Alain Coustaury – droits réservés.
Vitrail de la vierge, Reine de la paix© Cliché Alain Coustaury – droits réservés.
Vitraux : Saint-Joël et Saint-Henri© Cliché Alain Coustaury – droits réservés.