Forest Frederick Yeo-Thomas
Genre : Image
Type : Photographie
Source : © Collection particulière Droits réservés
Détails techniques :
Photographie analogique en noir et blanc extraite du DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004.
Lieu : Angleterre
Contexte historique
Né le 17 juin 1902 à Londres, francophile, tour à tour apprenti mécanicien chez Rolls Royce, comptable dans une agence de voyage, puis, dans les dernières années de l'avant-guerre, à Paris, directeur de la maison de haute-couture Molyneux, Forest Frederick Edward Yeo-Thomas effectua la Drôle de Guerre comme interprète dans la RAF. Affecté à l'été 1940 comme officier de renseignement au 308e groupe de chasse polonais basé à Badington, il rejoignit la section "RF" du Special operations Executive (SOE) avec le grade de Flight-lieutenant le 3 février 1942.
Dans la nuit du 26 au 27 février 1943, Yeo-Thomas ("Shelley", "Asymptote", "Hippocampe") fut parachuté avec le colonel Passy ("Arquebuse") non loin de Lyons-la-Forêt. Avec Passy, il devait rejoindre à Paris Pierre Brossolette ("Brumaire") qui les avait précédés en France à la fin du mois de janvier précédent. Sa mission était d'enquêter sur la situation de la Résistance intérieure française, ses capacités d'action paramilitaire, ses éventuels projets politiques et sa position vis-à-vis du général de Gaulle. Forest Yeo-Thomas devait également mettre à profit son séjour en France pour se faire une idée de l'état d'esprit des Français vis-à-vis de la Résistance, de l'État français et de la Collaboration. Du début mars à la mi-avril 1943, date de son retour en Angleterre avec Brossolette et Passy, Yeo-Thomas accompagna donc les deux hommes pour ce qu'il est convenu d'appeler la mission "Arquebuse-Brumaire". Il assista à la mise sur pied des Comités de coordination civile et militaire de zone Nord avant de repartir pour l'Angleterre dans la nuit du 15 au 16 avril en compagnie de Brossolette et Passy.
Au cours du printemps 1943, les rapports qu'il fournit au SOE sur l'importance et les capacités paramilitaires de la Résistance intérieure française, ainsi que sur les sentiments gaullistes nourris par une large partie de l'armée des ombres et, plus généralement, par un grand nombre de Français, nourrirent l'argumentaire de ceux qui, tels Clement Attlee et Anthony Eden, s'opposaient à ce que Winston Churchill, cédant aux pressions américaines, lâchât le général de Gaulle au profit du général Giraud.
Dans la nuit du 18 au 19 septembre 1943, Forest Yeo-Thomas fut à nouveau parachuté en France, avec Pierre Brossolette cette fois, et dans la région d'Angoulême. Si l'étendue des compétences attribuées à Brossolette avait été limitée, le champ d'action de Yeo-Thomas était très large. Brossolette allait largement en profiter. L'officier anglais devait en effet s'enquérir des moyens de l'action armée en France et des besoins d'armes des maquis. À son arrivée à Paris, Forest Yeo-Thomas se mit immédiatement à l'œuvre. Le 6 octobre, après avoir rencontré individuellement les responsables civils et militaires des principales organisations résistantes de la zone Nord, Pierre Brossolette et lui réunirent les chefs des mouvements et les responsables du Bureau des opérations aériennes (BOA) en zone Nord afin de rétablir la coopération entre des mouvements et un BOA qui en étaient venus à s'opposer.
Deux semaines de rencontres et de négociations plus tard, ils convoquèrent une réunion des chefs régionaux de zone Sud du service national maquis (26 octobre) puis une autre du Comité militaire de zone Nord sous la présidence du colonel Touny (27 octobre). Par ailleurs, Yeo-Thomas visita seul trois maquis dans le Sud-Ouest de la France. Au final, l'intervention conjointe de Forest Yeo-Thomas et de Pierre Brossolette au cours de l'automne 1943 marqua un jalon dans l'organisation des forces paramilitaires de la Résistance française ainsi qu'en matière de coopération militaire entre la Résistance intérieure et les Alliés. Yeo-Thomas regagna l'Angleterre par Lysander dans la nuit du 15 au 16 novembre 1943.
Au début du mois de janvier 1944, il fit partie de ceux qui convainquirent Winston Churchill du rôle déterminant que les forces paramilitaires de la Résistance intérieure française étaient susceptibles de jouer à l'appui des alliés au moment du Débarquement. Lorsqu'il apprit l'arrestation de Pierre Brossolette, Forest Yeo-Thomas remua ciel et terre pour obtenir l'autorisation de partir en France et tenter de faire évader son ami qui avait été incarcéré à la prison de Rennes. Parachuté dans la nuit du 24 au 25 février, il arriva à Paris le 26 au matin. Après avoir pris une série de contacts les 27, 28 et 29 février, il fit un aller et retour à Rennes afin de repérer les lieux. Trois semaines de rencontres et de plans divers plus tard, le 21 mars, Yeo-Thomas fut arrêté à la station de métro Passy, à la suite de la trahison d'un agent de liaison. Incarcéré à la prison de Fresnes, il vécut un printemps d'isolement entrecoupé de périodes de torture. Le 10 juillet, il fut inscrit au nombre des prisonniers qui allaient être déportés en Allemagne. Après un bref séjour au camp de Compiègne, il partit pour l'Allemagne le 8 août. À Buchenwald, conscient de faire partie d'un petit groupe de trente-sept prisonniers promis à une mort rapide, Forest Yeo-Thomas se débrouilla pour entrer en contact avec la résistance du camp, en la personne d'Eugen Kogon. Avec deux autres détenus, l'Anglais Peulevé et le Français Stéphane Hessel, et alors qu'aucun des trois n'était malade, il parvint à se faire transférer au block des typhiques. Les trois hommes échangèrent alors leur identité avec trois détenus mourant du typhus. Le 8 novembre, Yeo-Thomas fut affecté au Kommando Wille à Gleina. Début 1945, il fut transféré au camp principal de Rehmsdorf. À la mi-avril, il profita de l'évacuation du camp pour s'évader. Finalement repris, il se fit passer pour un sous-officier français évadé de Stalag. Au terme d'une nouvelle évasion, il réussit à traverser les lignes et à rejoindre les troupes américaines.
Après la guerre, Forest Yeo-Thomas devint délégué pour la France de la Federation of British Industries.
Il est décédé le 26 février 1964.
Décorations :
Chevalier de la Légion d'Honneur, Croix de guerre 1939-1945, George Cross, Military Cross, Croix du Mérite Polonais.
Born June 17 1902 in London, Francophile, mechanic apprentice at Rolls Royce, accountant in a travel agency, and then the final years of the inter-war period Director of the house of haute-couture Molyneux, Forest Frederick Edward Yeo-Thomas first served in the war as an interpreter for the RAF. Affected in the summer of 1940 as an intelligence officer in the 308th group of the Polish hunt based in Badlington, he rejoined the RF section of the Special Operations Executive (SOE) with the military grade of Flight-lieutenant February 3, 1942. On the night of February 26-27, 1943, Yeo-Thomas (“Shelley”, “Asymptote”, “Hippocampe”) parachuted into the surrounding region of Lyons-la-Forêt with Colonel Passy (“Arquebuse”). The two men rejoined at Paris Pierre Brossolette (“Brumaire”) who had preceded them in France the previous January. Their mission had been to inquire about the situation of the interior French Resistance, their capacity of paramilitary action, and also about the different eventual political projects and their position with De Gaulle. Forest Yeo-Thomas became equally better acquainted with his time in France to the state of the French citizens’ spirit vis-à-vis the Resistance and the Collaboration. From the debut of March to mid-April 1943, the date of his return to England with Brossolette and Passy, Yeo-Thomas accompanied the two men on the mission which became known as “Arquebuse-Brumaire”. He attended the establishment of the Committee of Civil and Military Coordination of the Northern Zone before leaving for London on the night of April 15-16.
During the spring of 1943, the reports that he supplied the SOE about the importance of the paramilitary capacities of the Resistance, and also Gaullist sentiment nourished by a large portion of the clandestine army and, even more so, by a large number of the French population, making the argument that those who opposed Winston Churchill, such as Clement Atlee and Anthony Eden, yielding to American pressures, let General de Gaulle profit against General Giraud.
During the night of September 18-19, 1943, Yeo-Thomas was parachuted again into France, this time into the Angoulême region with Pierre Brossolette. With the knowledge allocated to Brossolette having been limited, the scope of Yeo-Thomas’ action was truly wide. Brossolette would greatly profit from this. The English officer had actually enquired to the methods of French army action and of the arms needs of the maquis. At his arrival in Paris, Forest Yeo-Thomas went directly to work. October 6, after having met individually with those responsible for the civil and military resistant organizations of the Northern Zone, Pierre Brossolette and he reunited the movement heads in the Bureau of Aerial Operations (BOA) in the northern zone in order to reestablish cooperation between the movements. Two weeks of meeting and negotiations later, they convoked a reunion of the movement heads in the southern zone of national maquis service (October 27) and then another with the Military Committee of the Northern Zone under the precedence of Colonel Touny (October 27). Moreover, Yeo-Thomas would alone visit three maquis in the south-west of France. Finally, the joint intervention of Yeo-Thomas and Brossolette during the autumn 1943 marked military cooperation between the interior Resistance and the Allies. He returned to England on the Lysander during the night of November 15-16, 1943.
At the beginning of January 1944, he was part of those who convinced Churchill of the determinant role that the paramilitary forces of the interior Resistance had played in support of the Allies on D-Day. When he learned of Pierre Brossolette's arrest, Yeo-Thomas moved earth and sky to gain the authorization for returning to France and help free his friend who had been incarcerated at the prison in Rennes. Parachuting in the night of February 24-25, he arrived in Paris the morning of the 26th. After having taken a series of contacts February 27-29, he left for Rennes in order to repair the places. Three weeks of meetings and of diverse plans later, March 21, Yeo-Thomas was arrested at the metro station with Passy after being betrayed by a liaison officer. Incarcerated at the prison in Fresnes, he lived in isolation for a spring and endured periods of torture as well. After a brief time in a camp in Copenhagen, he was transferred to Germany August 8. At Buchenwald, aware of the escape of a small group of thirty seven prisoners heading towards certain death, he managed to get in touch with the resistance camp in person with Eugen Kogon. With two others detained, the English Peulevé and French Stéphane Hessel, and while all of the men were healthy, they infiltrated the typhus block and switched identities with three men dying of the disease. On November 8, Yeo-Thomas was made Kommando Wille of Galena. In the beginning of 1945 he was transferred to the principal camp at Rehmsdorf. In mid-April, he benefitted from the evacuation of the camp. The final take would see him passing as a low ranking officer in order to evade the Stalag. During the new invasion he succeeded in crossing the lines and rejoining the Americans.
After the war, Forest Yeo-Thomas became a delegate for France in the Federation of British Industries. He died February 26, 1964.
Decorations
Chevalier de la Légion d’Honneur, Croix de guerre 1939-1945, George Cross, Military Cross, Polish Merit Cross.
Traduction : John Vanderkloot
Guillaume Piketty, "Forest Yeo-Thomas", in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004.