Le « Cavalier blanc » dans l'église des Balmes à Romans
Légende :
Cavalier blanc sur le pont de l'Isère.
Genre : Image
Type : Peinture murale
Producteur : cliché Alain Coustaury
Source : © Archives Alain Coustaury Droits réservés
Détails techniques :
Photo argentique couleur de la peinture murale.
Date document : décembre 2007 (cliché)
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Romans-sur-Isère
Analyse média
La peinture se situe à l’intérieur, à droite de l’entrée de l’église des Balmes, hameau sis à l’ouest de Romans-sur-Isère. Derrière le Christ, on distingue la collégiale Saint-Barnard de Romans, le Pont Vieux sur lequel caracole le « Cavalier blanc ». Ce dernier est parfois appelé « Chevalier blanc », « Prince blanc », « Roi blanc ». La peinture a été réalisée, pendant la guerre de 1939-1945, par le père Lods et des jeunes d’un centre de formation professionnelle.
D'autres parties de l’église comportent des peintures. L'église de Grange-lès-Beaumont, distante de 2 km, en possédait de semblables. Elles ont été détruites lors d'une réfection de l'église.
Auteurs : Alain Coustaury
Contexte historique
Dans une France déboussolée par la défaite de 1940, se développe, comme dans toute période troublée, une religiosité aux origines et aux buts incertains. L’affaire du « Cavalier blanc » en est un excellent exemple. Un mysticisme lié aux apparitions mariales se développe particulièrement en 1942. Une apparition de ce type est décrite par Marthe Robin la « stigmatisée » de Châteauneuf-de-Galaure.
En février 1942, un prêtre lorrain, le père Michel Collin, né en 1905 à Vaux-en-Moselle, se disant « Prêtre de l’Amour infini » se réfugie à Romans-sur-Isère, au presbytère de l’église des Récollets, où il retrouve un prêtre hollandais, le père Lods et le frère Marie-Bernard (de son vrai nom Léon Millet). Le père Collin avait été ordonne prêtre en 1933 par le cardinal Liénart.
Le comportement du père Collin entraîne une certaine suspicion, et même une hostilité, de la part du clergé romanais. Bientôt, il règne une atmosphère mystique à l’église des Récollets : il y a des prédications, et selon la rumeur, des visites de « certains personnages officiels ».
Dans un article du journal Le Monde du 7 décembre 1955, un témoin raconte :
« Très vite, avec le père Collin, régna dans cette petite communauté, une sorte de fièvre mystique et visionnaire. Tous les soirs, il y avait des prières publiques dans l'église ; quand on chantait le Miserere, à certains jours, la statue de la Vierge pleurait. Il y eut rapidement un noyau de fidèles, persuadés qu'allaient se produire là, des phénomènes miraculeux extraordinaires, dont dépendrait le salut de la France. (…) Dans le courant de l’hiver 1942-1943, il [Léon Millet] est présenté à Romans comme un religieux se faisant appeler « Frère Marie Bernard ». De sang royal et appelé à être le Grand Roy, il aurait été reconnu, disait-on par le Vatican, comme prétendant au titre de lieutenant du Sacré Coeur au royaume de France. Le groupe de fidèles et quelques ecclésiastiques, qui étaient avec le père Collin, devinrent ses partisans. Le père Collin, comme aumônier, allait de village en village, le chapelet à la main, entrant dans les églises, et suivi par les populations enthousiastes. Avec le « Prince Blanc », il prenait la parole, même en présence des hautes autorités ecclésiastiques, sans que personne n’intervienne pour les contredire. De bouche à oreille, les fidèles vous glissaient des nouvelles surprenantes. Il s'agissait d'un prince d'Anjou, pour d'autres, c'était un Valois, et pour la plupart, c'était un jeune homme de sang royal, un descendant de Louis XVII. Les révélations allaient se multipliant, l'ensemble allait dans le sens d'une libération prochaine de la France, en dehors de la Résistance, et par une monarchie très chrétienne [souligné par l’auteur]. Ses prophéties se répandaient sur toute la vallée du Rhône. »
Le « Cavalier blanc » se révéla officiellement en 1943 dans la région de Montmeyran. En juin 1943, lors de la fête du Sacré-Cœur, il y eut une grande procession au cours de laquelle le « Cavalier blanc » fit embrasser à toute l'assemblée le drapeau de la France : blanc orné du Sacré-Cœur. Il était vêtu de blanc. Tout était blanc : un pantalon de cheval, des chaussettes montant jusqu'aux genoux, une tunique avec l’effigie du Sacré-Cœur sur la poitrine. Le « Cavalier blanc » réunit autour de lui de nombreux jeunes gens qui jurèrent de ne pas retourner dans leurs familles avant de l'avoir rétabli sur le trône de France. Ils se connaissaient entre eux, sous le nom « d'Apôtres des Derniers Temps » On peut remarquer que ce moment-là correspond à l’entrée en vigueur du STO auquel de nombreux jeunes essayèrent d’échapper.
Monseigneur Camille Pic, évêque de Valence-sur-Rhône, avait organisé une cérémonie à la cathédrale. Le « Cavalier blanc » y assistait avec ses fidèles, son mouvement ayant été, au début, encouragé par Monseigneur Pic. Il monta en chaire pour y lire une déclaration mais l’évêque, ayant peur d'avoir des ennuis avec les Allemands, demanda que l'on fasse descendre le « Prince Blanc ».
Vers mars ou avril 1944, un disciple du père Collin, curé de Montvendre, près de Valence, eut des apparitions de la Vierge ! On organisa des processions, des prières publiques. Il y eut une grande manifestation avec le « Roi Blanc », escorté d'une dizaine de « Chevaliers du Sacré-Cœur ». Les choses se gâtèrent lorsque le clergé de Montvendre annonça le débarquement prochain. La Milice ayant eu vent de l'affaire, arriva à Montvendre pendant la manifestation, et emmena à la prison de Valence le « Roi Blanc » et ses adeptes. Relâchés quelques semaines après, ils trouvèrent refuge dans une propriété près de Lyon. Dès lors, commença pour eux une vie clandestine.
Ce n’est que dans La Semaine religieuse du 11 septembre 1943 que Monseigneur Pic condamne fermement le mouvement: « De diverses régions, on Nous demande ce qu’il convient de penser d’apparition de la Sainte Vierge à Montmeyran, dans notre diocèse. Une fillette dit avoir vu dans les airs, durant la récitation de son chapelet la Sainte Vierge qui, du propre aveu de l’enfant, ne lui a confié de message, ni même adressé la parole. Une autre fois et dans des circonstances analogues, elle aurait vu écrits dans le ciel les mots "Paix". C’est tout. Nous avons (…) mis en garde nos diocésains contre toute propagande de récits d’apparitions, de prophéties ou de miracles. Malgré ces avertissements, on a brodé sur le simple récit de l’enfant (…) on a fait le point de départ d’une ’’croisade’’ où une piété ostentatoire et d’étranges rêveries politiques sont dangereusement mêlées. Loin d’approuver de tels agissements, comme le donne à entendre des tracts ou des correspondances manuscrites, Nous déclarons qu’ils vont à l’encontre de tous nos ordres dont la transgression Nous a conduit à prendre de graves sanctions et Nous rappelons à tous, spécialement à notre clergé et à nos congrégations religieuses le devoir de la plus stricte réserve sur tous ces points. Le communiqué pourra être lu, mais sans commentaire dans toute les églises et chapelles du diocèse » Les appréciations et recommandations de l’évêque traduisent parfaitement le trouble régnant parmi le clergé catholique et les pratiquants. Dans cette affaire, le parcours louvoyant de Monseigneur Camille Pic apparaît parfaitement. Ce n’est pas un cas isolé.
À la Libération, le service de renseignements de la Résistance a examiné tous les dossiers laissés par la Gestapo. Celui du « Cavalier blanc » était vide. A-t-il vraiment été arrêté ? Ses adeptes l’auraient retrouvé, bien des années plus tard, chauffeur de taxi à Rome ! Quant au père Collin, il est réduit à l’état laïc par l’Église catholique en 1951 en raison de son comportement d’illuminé. En 1963, il se fait proclamer « pape Clément XV » Il défraie la chronique dans les années 1970, devenu chef de l'église Interplanétaire et installé au « petit Vatican » de Clémery. Il prêche une doctrine ultra traditionnelle mitonnée d'une croyance dans les extra-terrestres... A sa mort en 1974, sa mouvance connaît diverses scissions, Grégoire XVII se proclamant son successeur. Ces hommes sont aux origines du mouvement catholique intégriste actuel.
Le père Lods réalisa une fresque dans l’église des Balmes située dans la campagne romanaise. On y voit le « Cavalier blanc » traversant l’Isère sur le Vieux Pont.
Auteurs : Alain Coustaury et Laurent Jacquot
Sources : Delestre Antoine, Clément XV, prêtre lorrain et pape à Clémery (Meurthe-et-Moselle), 1905-1974, Presses universitaires de Nancy, 1985 - Lueger Otto, Naundorff et Naundorffisme, Religion, Mysticisme, Prophéties, Légitimité, Éditions du Naundorffisme (date et localisation inconnues) - Sous la direction de Jean-Pierre Chantin, Les marges du christianisme, dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, Beauchesne, article d’Antoine Delestre.
Église des Balmes à Romans.
© Cliché Alain Coustaury – droits réservés.
Fresque centrale du tympanÉglise des Balmes à Romans.
© Cliché Alain Coustaury – droits réservés.
Fresque du "Cavalier blanc"Église des Balmes à Romans.
© Cliché Alain Coustaury – droits réservés.
Le "cavalier blanc"Procession du "cavalier blanc"
Source : Mémoire de la Drôme 17 MD TALY 465
Lle "cavalier blanc"Procession du "cavalier blanc" dans les rues de Romans
Source : Mémoire de la Drôme : 17 MD TALY 463
Le "cavalier blanc"Cérémonie religieuse conduite par le "cavalier blanc" ; remarquer l'autel avec une reproduction de la France.
Source : Mémoire de la Drôme : 17 MD TALY 474
Le "cavalier blanc"Procession dans les rues romanaises ; le "cavalier" blance porte le drapeau.
Source : Mémoire de la Drôme : 17 MD TALY 463