André Tollet
Légende :
André Tollet, président du Comité parisien de la Libération
Genre : Image
Type : Photographie
Source : © Musée de la Résistance nationale, Champigny-sur-Marne, fonds Tollet, carton 1 Droits réservés
Détails techniques :
Photographie analogique en noir et blanc
Lieu : France - Ile-de-FranceParis
Contexte historique
Né le 1er juillet 1903 au domicile familial, 58 rue Darreau (Paris, XIVe arrondissement), André Tollet est fils de petits commerçants de culture chrétienne mais de convictions radicales. Devenu ouvrier tapissier, il découvre l'anarcho-syndicalisme, adhère en 1928 à la CGTU puis aux Jeunesses communistes. Il prend rapidement des responsabilités régionales dans ces formations et siège dès 1931 à la commission exécutive de la Fédération unitaire de l'Industrie du Bois. Il participe aux contre-manifestations antifascistes organisées par le PCF les 6 et 9 février 1934. Fin 1934, il représente les jeunes de la CGTU à Moscou, assiste au congrès de l'Internationale communiste qui entérine l'orientation du Front populaire puis rentre à Paris fin 1935. Lors des grèves de mai-juin 1936, il siège au secrétariat de l'union régionale CGT dont il devient permanent et qu'il représente au secrétariat du comité de Front populaire de la région parisienne. Pendant l'hiver 1936-1937, il convoie des camions en Espagne auprès de la 14e brigade internationale puis participe à l'organisation du rapatriement des brigadistes à l'automne 1938.
Mobilisé de janvier à août 1940, il rentre à Paris où, sous la responsabilité de Benoît Frachon, il constitue avec Henri Gourdeaux et Eugène Hénaff un premier triangle de direction des comités populaires préconisés par la direction du PCF. Arrêté le 16 octobre 1940, il est interné (La Santé, Fresnes, Rouillé). Le 9 février 1942, il est remis aux Allemands qui l'incarcèrent à la prison de Royallieu (Compiègne) d'où il s'évade avec dix-sept autres détenus, dans la nuit du 21 au 22 juin 1942, grâce au creusement d'un souterrain.
Après un bref passage à Paris, il est envoyé à Rouen où il remplace Marcel Dufriche comme responsable départemental du PCF de la Seine-inférieure. Mais, suite à une vague d'arrestations dans la capitale, il est rappelé, fin décembre 1942, à la direction des comités populaires de la région parisienne. A charge pour lui de reconstituer dans la clandestinité une Union des syndicats de la Seine, tâche pour laquelle il recrute, notamment, Maurice Sentuc et Raymond Barbet. Le responsable "cadres" du PCF, Jean Chaumeil, l'investit, en outre, d'une mission nationale : rétablir les contacts amorcés favorablement à Cahors, le 22 septembre 1942, entre Léon Jouhaux et Raymond Sémat mais interrompus par l'arrestation de ces derniers en novembre-décembre 1942. A cet effet, il renoue avec les ex-confédérés par le canal de la Fédération du Bois dont les locaux abritent depuis décembre 1940 des contacts réguliers entre Maurice Langlois et Louis Saillant. Ces négociations qu'André Tollet mène seul ou en compagnie d'Henri Raynaud, l'ancien secrétaire général de l'Union des syndicats de la Seine, et en lien constant avec Benoît Frachon, aboutissent, le 17 avril 1943, aux accords conclus au Perreux avec Louis Saillant et Robert Bothereau, ouvrant la voie à la reconstitution clandestine de la CGT.
Dans la même période, André Tollet prend langue avec Gaston Tessier, dirigeant national de l'ex-CFTC, au 24 quai de Passy, chez Max André, ancien dirigeant de l'organisation parisienne du Parti démocrate-populaire et membre du comité directeur du FN. Parallèlement, André Tollet représente les comités populaires au triangle directeur de l'organisation interrégionale du PCF - c'est sans doute à cette époque qu'il prend le pseudonyme de "[Jacques] Baudry", en hommage au lycéen de Buffon, fusillé au Mont-Valérien le 8 février 1943. A ce poste, il travaille en liaison avec Charles Streber, responsable du FN et, surtout, avec Joseph Epstein, pour la mise en place des "groupes de sabotage et de destruction" des FTP dans les entreprises. Il semble, en outre, avoir brièvement oeuvré pour la direction nationale des FTP en remplacement d'Eugène Hénaff affecté en mai-juin 1943 au pilotage des "inter-branches" destinées à impulser la reconstitution clandestine des fédérations syndicales – "brûlé" et mis au vert dès juillet 1943, Eugène Hénaff permute à l'automne avec Charles Nédélec son homologue de la zone Sud. C'est sans doute à cette occasion qu'André Tollet entre en relations avec Maurice Kriegel-Valrimont et Marcel Degliame, cadres nationaux de l'AS, et, par eux, avec Jean de Vogüe.
En aval de ce contact, il est investi par la direction du PCF d'une mission ordinairement confiée au FN : mener, au nom du bureau clandestin de l'Union des syndicats de la région parisienne, les négociations pour la formation d'un Comité de Résistance de la Région parisienne. Amorcé sous l'égide du Comité central des mouvements, ce débat est tôt investi par la Délégation générale, saisie, fin août 1943, des directives des services de Londres du Comité d'Alger sur les CDL. André Tollet n'en contraint pas moins Claude Serreulles à renoncer, le 8 octobre 1943, à imposer les prérogatives de la Délégation, initialement opposée à toute coordination résistante concernant la capitale. C'est finalement avec Jacques Bingen qu'il négocie, les 22/23 octobre 1943, la naissance, sous les auspices du seul CNR, d'un Comité parisien de la Libération (CPL) restreint au département de la Seine mais offrant une synthèse originale des propositions en présence. Dès lors, André Tollet consacre une part essentielle de son activité à l'animation de ce CPL dont il assume la présidence. Irritée par sa pugnacité -en particulier au chapitre des nominations préfectorales-, courant mai 1944, la Délégation générale tentera, en vain, de susciter la candidature de Georges Marrane à la présidence du CPL, mesure présentée au secrétariat du PCF comme le préalable à l'accès, officieusement réservé selon Emile Laffon, au poste hypothétique de Maire de Paris. Parallèlement, André Tollet continue d'exercer toutes ses responsabilités syndicales. A ce titre, avec Raymond Bossus (PCF), André Carrel (FN) et Albert Ouzoulias (FTP), il siège à partir de juin 1944 au "carré" directeur institué en Ile-de-France par le secrétariat du PCF.
Fort de ce triple mandat, André Tollet s'affirme à l'été 1944 comme l'un des principaux artisans de l'insurrection parisienne. Dirigeant syndical, il est l'un des organisateurs des manifestations populaires -en particulier celles du 14 juillet 1944- et du lancement de la grève générale insurrectionnelle. Dirigeant du "carré", il participe à la coordination des efforts civils et militaires visant à encadrer l'entrée progressive de la population civile dans le processus insurrectionnel. Dirigeant du CPL, il n'hésite pas à porter ce dernier à aiguillonner le CNR : en juin 1944 pour accélérer l'adoption par ce dernier de l'appel saluant le débarquement allié -manifeste tardivement adopté le 18 juin 1944-, comme le 20 août 1944 à la réunion commune des bureaux du CNR et du CPL où il soutient Pierre Villon contre la "trêve". Le 25 août 1944, toutefois, il consent à s'effacer devant Georges Marrane -arrivé depuis peu en remplacement d'Albert Rigal, délégué du PCF, et porté à la vice-présidence du CPL-, pour accueillir à l'Hôtel de Ville un général de Gaulle disposé à tolérer l'ancien élu de la Seine mais déterminé à ignorer les mandats décernés par la Résistance parisienne au syndicaliste ouvrier.
Pour autant, président incontesté du CPL, André Tollet assure les fonctions de président du conseil municipal et de président du conseil général de la Seine jusqu'aux nominations d'André Le Troquer et de Georges Marrane. Il participe aussi aux travaux de l'Assemblée consultative provisoire où, le 23 octobre 1944, le comité directeur du FN l'a dépêché comme l'un de ses douze délégués. A l'été 1945, il entre au comité d'initiative du Mouvement uni de la Renaissance française issu de la fusion du FN avec la minorité du MLN. Aux côtés de Benoît Frachon et d'Alain Le Léap, il siège aussi au Comité national élu, le 28 novembre 1948, par les Combattants de la liberté et de la paix, bientôt convertis en Mouvement de la Paix. Dans cette période, toutefois, il consacre l'essentiel de son temps à la CGT où il assume la triple responsabilité de la jeunesse, de la MOI et des questions coloniales. En 1951, sur décision du secrétariat du PCF, il quitte la direction confédérale de la CGT où André Merlot le remplace, mais il continue d'animer le secrétariat de l'Union départementale CGT. En 1966, suite à l'éclatement de cette dernière en unions de Paris et de la banlieue, André Tollet devient responsable de la Fédération syndicale mondiale (FSM) à Prague pour l'Afrique et le Moyen-Orient. A son retour, en 1970, à l'instigation d'Henri Krasucki et dans le prolongement du militantisme qu'il a déployé à l'ANACR depuis sa fondation (1952), il est promu vice-président de l'Association pour la création d'un musée de la Résistance. Dès lors, il consacre l'essentiel de son temps à cette entreprise, aboutie en 1985, à Champigny-sur-Marne.
Successeur de Georges Marrane, décédé en 1976, à la présidence de l'association, André Tollet est mort le 24 décembre 2001.
Daniel Virieux in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004