Courrier de Brossolette à Passy, septembre 1943
Légende :
Par ce courrier, Brossolette ("Pedro") annonce au colonel Passy qu'il est "hors de question" qu'il rejoigne Londres par l'opération prévue du fait qu'il considère que sa mission "n'est pas achevée".
Genre : Image
Type : Lettre
Source : © Archives nationales, 72AJ231 Droits réservés
Détails techniques :
Lettre dactylographiée
Date document : Septembre 1943
Lieu : France - Ile-de-France - Paris - Paris
Contexte historique
A l'automne 1943, le danger se fit plus pressant, les arrestations se succédant les unes aux autres. Le 25 octobre, Yeo-Thomas envoya un câble au BCRA précisant que les arrestations se multipliaient et demandant à Passy d'investir Brossolette de l'autorité et des moyens nécessaires pour prendre les choses en main et éviter le désastre. Dix jours plus tard, Brossolette signala au chef du BCRA qu'il était depuis huit jours "en état de grande alerte". C'est dans ce contexte de vive tension que des différends d'une extrême violence opposèrent Jacques Bingen et Claude Serreules d'un côté, Pierre Brossolette et Forest Yeo-Thomas de l'autre. Dès leur arrivée, Brossolette et Yeo-Thomas avaient nettement mis au cause ce qu'ils considéraient comme le manque de prudence du délégué zone nord. Ils poursuivirent sur ce monde durant tout le mois de novembre. S'ils critiquaient Bingen et Serreules qui ne "se quaittaient pas d'une semalle", ils mettaient surtout durement en cause leur trop grande confiance et leur ignorance de la "situation réelle" (rapport de Yeo-Thomas à Passy arrivé à Londres le 22 octobre 1943). Ces critiques débouchèrent le 2 novembre sur un télégramme dans lequel Yeo-Thomas recommandait le rappel immédiat de Serreules et de son secrétariat qui faisaient obstruction aux mesures qui auraient permis d'améliorer la situation, et portaient une forte responsabilité dans les récentes arrestations. Dans sa lettre personnelle au colonel Passy du 5 novembre, Brossolette aborda de façon particulièrement mordante le problème de Serreules et de son secrétariat.
Le "camp adverse" ne fut évidemment pas en reste. Dans une lettre datée du 1er novembre, Jacques Bingen indiqua à André Philip que Pierre Brossolette ne faisait pas "grand-chose". Il persistait "à croire son action sinon néfaste, du moins malsaine". Au début décembre, Bingen étendit ses critiques à Bollaert dont il affirma douter de la capacité à exercer efficacement ses fonctions de délégué.
Le 31 octobre, le BCRA câbla à Brossolette que des instructions avaient été données pour la mise au vert de Jacques Bingen et de Claude Serreules. Le lendemain, ceux-ci reçurent effectivement un télégramme leur donnant l'ordre, pour des "raisons impérieuses de sécurité", de "suspendre toute activité et de ne garder aucun contact avec les délégués militaires et les officiers SAP et BOA". Le 7 novembre, le BRAL confirma à Claude Serreules, Pierre Brossolette et Jacques Bingen que les deux premiers et Bollaert devaient partir à Londres par la lune de novembre. Brossolette, Yeo-Thomas, Bollaert et Joseph avaient une "priorité absolue" pour cette opération. Serreules pouvait disposer des deux dernières places. Bingen protesta contre le rappel de Serreules.
Cette décision ne convint pas à Brossolette, qui, dans une lettre écrite entre le 10 et le 16 novembre [lettre présentée dans cette notice], indiqua à Passy que son retour en Angleterre par l'unique opération de zone nord de la lune de novembre était "contraire à toutes les indications reçues de [Passy] depuis [son] départ". Il estimait au reste que sa mission n'était pas achevée. Puisque Bollaert ne souhaitait pas être séparé de lui, le délégué général resterait lui aussi en France.
Guillaume Piketty, Pierre Brossolette, un héros de la Résistance, Paris, Odile Jacob, 1998