Contexte historique

Jean Zay fut l’un des architectes de notre politique nationale de la recherche. Dans ce domaine, son action est liée à celle de Jean Perrin, son sous-secrétaire d’État à partir de septembre 1936, après l’éphémère passage d’Irène Joliot-Curie au gouvernement. Leur histoire commune est celle d’une rencontre d’exception entre une puissante volonté politique et une grande ambition scientifique. Certes, les initiatives dans ce domaine s’étaient multipliées depuis le début du XXe siècle. Mais l’année 1936 marque une accélération : à la création du sous-secrétariat et d’un service ministériel ad hoc s’ajoute une hausse remarquable des crédits des laboratoires. Ce n’est pas tout : pour permettre à la science de conserver la place qui est en train de lui être aménagée, il ne faut pas qu’elle reste l’affaire de quelques savants retranchés dans leur tour d’ivoire – un cliché que Jean Zay, fidèle à son souci de démocratiser l’enseignement et la culture, souhaite dissiper. L’une des solutions réside dans la création d’un lieu qui lui soit dédié, le « Palais de la Découverte ».

Le projet vient tout juste d’aboutir lorsque, le 21 juin 1937, Léon Blum remet la démission de son gouvernement. Dans le nouveau cabinet qui se forme alors, Jean Zay conserve son portefeuille, mais le sous-secrétariat d’État de Jean Perrin disparaît. Afin de poursuivre l’œuvre qu’ils ont entreprise, Jean Zay le nomme à la présidence du Conseil supérieur de la recherche. Le projet d’un organisme national commence à être évoqué. Il mène le 19 octobre 1939 à la création du CNRS. Mais son décret fondateur ne porte pas la signature de Jean Zay : le ministre a démissionné le mois précédent, dès le lendemain de l’invasion de la Pologne par l’Allemagne nazie, pour s’engager dans l’armée française.

Le 29 avril 1942, apprenant le décès de Jean Perrin dans son exil américain, Jean Zay note du fond de sa prison au sujet du CNRS : « L’institution est fondée ; on s’étonnera plus tard qu’il ait fallu l’attendre si longtemps. Avant de mourir, tragiquement isolé, éloigné de ses amis, privé de la ferveur nationale qui se fût penchée à son chevet, Jean Perrin aura eu du moins cette certitude […] Dans les laboratoires de France, c’est vers une chambre d’hôpital de New York que toutes les pensées ont dû se tourner le 18 avril, une chambre anonyme où venait de s’éteindre une grande pensée, de cesser de battre un grand cœur »