Rapport BRU1 du 8 février 1943

Légende :

Rapport envoyé à Londres par Pierre Brossolette le 8 février 1943 dressant un bilan des dix premiers jours de sa mission en France

Genre : Image

Type : Rapport

Source : © Archives nationales, 3AG2/42 Droits réservés

Détails techniques :

Trois pages recto, 27 x 21 cm

Date document : 8 février 1943

Lieu : France

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Analyse média

Le 8 février 1943, de Lyon, Pierre Brossolette envoya à Londres un bilan des dix premiers jours de sa mission en France. Il y indiquait avoir obtenu de Jean Moulin "toutes les informations et tous les contacts nécessaires". Il disait surtout au BCRA sa "grande préoccupation qui [était] de savoir, où, quand et comment arrivera[it] Arquebuse" (le lieutenant-colonel Pasy). Rex lui ayant en effet annoncé son intention de partir en début de lune pour pouvoir "faire le séjour qu'il souhaitait à Londres" et rencontrer le lieutenant-colonel Passy, Pierre Brossolette soulignait que ce voyage risquait de "faire rater le départ d'Arquebuse, ce qui serait désastreux, car la nécessité de sa venue ici était urgente". 

Brumaire exposait ensuite la situation qu'il avait trouvée. En premier lieu, il rendait compte de l'opinion de Jean Moulin : puisqu'il était impossible d' "ignorer la reconstitution des partis politiques, sous peine de voir se reconstituer une vie politique sans lien organique avec nous", il fallait constituer "un comité politique représentant l'ensemble des tendances politiques et syndicales du pays, en même temps que des groupements de résistance de zone occupée et de zone non occupée". Il fallait par conséquent que Londres envoie "desinstructions assez souples" applicables en France en tenant compte des circonstances. Brumaire en venait ensuite à l'idée de Jean Moulin de créer, "au-dessous de ce comité politique", un comité "représentant les mouvements de résistance plus particulièrement", qui serait 'issu de l'actuel comité de coordination [et] devrait englober et représenter les groupements des deux zones". Ce comité devait représenter "à la fois, les mouvements de résistance ZNO et les groupements suivants de ZO : Voix du Nord, Libération ZO, le Cercle Liberté, Ceux de la Libération [ce dernier se confondant très possiblement avec l'OCM], étant bien entendu que tous ces groupes seraient représentés dans le comité en tant que groupes d'opinion et non au point de vue paramilitaire". Brossolette soulignait en effet que Rex voyait "d'un côté l'armée secrète et l'EMZO qui pourraient ultérieurement fusionner", de l'autre, le comité représentant les mouvements de résistance. Jean Moulin avait ainsi travaillé à "rendre le paramilitaire aussi séparé que possible de la propagande et politique". Il assurait "y avoir réussi en ZNO" et "assur[ait] que c'était également très [avancé] en ZO". Même si la France combattante n'acceptait pas "toutes le suggestions" de Rex", il n'était pas douteux qu'elles offraient "le plus vif intérêt" et qu'elles piuvaient éviter "de graves faux pas" à l'entreprise gaulliste. Brumaire prenait donc les projets de Rex très au sérieux tout en se gardant de les faire intégralement siens. 

Il poursuivait en rapportant l'hostilité de Jean Moulin à Emile Bollaert qui n'était "absolument pas l'homme qu'il fa[allai]t pour le rôle qui lui a[vait] été assigné" car "beaucoup trop mou et trop formaliste pour une action efficace". Devant une opinion aussi "formelle", Pierre Brossolette hésitait à contacter Bollaert ou, "tout au moins, à s'engager trop avant avec lui", et demandait des instructions à Londres, en particulier à André Philip, qui avait semble-t-il, joué un rôle dans le choix de l'ancien préfet. Brumaire concluait en annonçant un prochain rapport sur ses "impressions [...] en ZO" et en soulignant que la "grande préoccupation dans les deux zones sembl[ait] être que, si l'action paramilitaire tard[ait] trop, la relève ne vid[ât] complètement nos organisations des meilleurs éléments suceptibles de combattre". Il s'agissait là, à ses yeux, d'un "gros péril".


Guillaume Piketty, Pierre Brossolette, un héros de la Résistance, Paris, Odile Jacob, 1998.