Georges Bidault
Légende :
Georges Bidault, représentant du Parti démocrate populaire (PDP) au Conseil National de la Résistance et successeur de Jean Moulin à la présidence du CNR, dont il démissionne le 9 septembre 1944
Georges Bidault represented the Parti démocrate populaire (Popular Democratic Party, PDP) at the National Council for the Resistance, and he succeeded Jean Moulin as president of the CNR, resigning September 9th 1944
Genre : Image
Type : Photographie
Source : © Musée de l’Ordre de la Libération Droits réservés
Détails techniques :
Photographie analogique en noir et blanc.
Lieu : France
Contexte historique
Georges Bidault est né le 5 octobre 1899 à Moulins (Allier). Professeur agrégé d'histoire et de géographie affecté au lycée Louis-le-Grand à Paris en 1931, il s'est surtout fait connaître avant la guerre par ses éditoriaux publiés dans L'Aube, journal d'inspiration démocrate-chrétienne. Ancien élève des Jésuites, il avait été vice-président de l'Association catholique de la jeunesse française, avant d'adhérer en 1931 au Parti démocrate populaire (PDP). Bien que fidèle à "l'esprit de Genève", il passait pour belliciste aux yeux des pacifistes car il dénonçait avec virulence la malfaisance des dictatures, et particulièrement celle du régime nazi.
Mobilisé à sa demande en 1940, il est fait prisonnier. Libéré comme ancien combattant de la guerre précédente, il regagne Paris en juillet 1941. Menacé en tant qu'éditorialiste antinazi d'avant-guerre et ne parvenant pas à contacter des résistants, il s'installe en zone Sud comme professeur intérimaire au lycée du Parc à Lyon. C'est au début de l'année 1942 qu'il rencontre Jean Moulin chez François de Menthon. Celui-ci le nomme en avril chef du BIP, le Bureau d'information et de presse de la Délégation générale de la France libre. Chargé de recueillir l'information auprès des mouvements, Bidault en tire un Bulletin de la France combattante clandestin, qui alimente également le BCRA à Londres. En retour, celui-ci transmet des informations à Bidault, dit "Bip". Par cette fonction, Bidault est donc un élément de la Délégation. Mais il est aussi membre de la direction de Combat, et, en accord avec Jean Moulin, du comité directeur du Front national de zone Sud. En 1942, il est l'un des principaux dirigeants de la Résistance de zone Sud.
C'est tout naturellement que Jean Moulin lui demande de faire partie du Conseil National de la Résistance (CNR). Il lui propose d'abord de siéger comme représentant des Mouvements Unis de Résistance (MUR), mais le comité directeur des MUR choisit Claude Bourdet pour Combat. Bidault sera donc délégué du PDP, le chef de ce Parti étant alors emprisonné. Avec la suppression de la ligne de démarcation en mars 1943, la direction de la Résistance se transporte à Paris. Le 27 mai 1943, Bidault participe à la première réunion du CNR. Il a rédigé, en accord avec Jean Moulin, la motion fondatrice adoptée ce jour-là par le Conseil. Le CNR y marque solennellement son soutien au général de Gaulle, souhaitant que lui soit confiée la direction du gouvernement provisoire tandis que le général Giraud serait réduit aux fonctions de commandant de l'armée française. La motion préparée par les communistes, qui ménageait Giraud, est écartée. Compte tenu de la représentativité du CNR, et notamment de la présence en son sein des délégués des partis politiques, la motion adoptée le 27 mai 1943 a eu un effet déterminant sur les Alliés : De Gaulle a pu quitter Londres pour Alger. Il s'y est imposé en créant le Comité français de la libération nationale (CFLN) le 3 juin suivant.
Le 21 juin 1943, l'arrestation de Jean Moulin a rendu vacante la présidence du CNR. En l'absence d'instruction de Londres, le Conseil élit finalement Bidault comme remplaçant, à la quasi unanimité, dans la première semaine de septembre. Travaillant à la fois dans les mouvements et dans la Délégation, connu pour son esprit consensuel et sa bonne entente avec Jean Moulin, il est l'homme de la continuité. Peu après, le CFLN nomme un successeur à Jean Moulin à la tête de la Délégation : le préfet Bollaert. Désormais, les deux fonctions se trouvent dissociées.
Depuis son arrivée à Paris au printemps 1943, révoqué de l'enseignement, Bidault est devenu un clandestin total. Il mène une vie de nomadisme, de rencontres aux aguets et de marches à pied interminables - le métro est trop surveillé - de ses pairs. La réunion des seize membres du CNR s'avérant trop dangereuse, il est décidé de créer un Bureau formé de cinq membres. Une à deux fois par semaine, Bidault préside à la réunion des cinq : lui-même, Maxime Blocq-Mascart (OCM), Pascal Copeau (MUR), Louis Saillant (CGT) et Pierre Villon (FN). Contrairement à ce qu'a laissé entendre le général de Gaulle dans ses Mémoires de guerre, le bureau n'est pas noyauté par le PCF : jusqu'à la Libération incluse, Villon est le seul porte-parole de ce parti, les autres membres étant alors clairement anticommunistes. La fonction essentielle du président du CNR a été de maintenir et de renforcer l'unité de la Résistance. Comme il est naturel dans une assemblée représentative, le processus de décision repose sur des discussions longues et parfois vives. Cependant, alors même que les communications entre les membres sont particulièrement difficiles en raison de la clandestinité, la collégialité et même l'unanimité des décisions ont été constamment sauvegardées. Par exemple, les négociations pour l'adoption du programme du CNR ont duré neuf mois, de juillet 1943 à mars 1944, et les pourparlers relatifs au statut du COMAC ont pris trois mois, de mai à août 1944.
La trêve elle-même, si brève et si conflictuelle, a suscité trois réunions du CNR entre le dimanche matin du 20 août et le lendemain soir. En un an et quatre mois de vie clandestine, le CNR n'a connu qu'un seul accroc à l'unanimité des décisions : le 20 au matin, la trêve fut décidée à la majorité. En tant que président du CNR, Georges Bidault a joué un rôle décisif en faisant le choix de la discussion et du compromis démocratique. A lui revient une part de la réussite de l'union et de la démocratie résistante. Dès le 9 septembre 1944, il quitte le CNR pour entrer comme ministre des Affaires étrangères dans le nouveau Gouvernement Provisoire de la République Française constitué par le général de Gaulle. En novembre, il fait partie des fondateurs du Mouvement républicain populaire (MRP). Elu sous cette étiquette député de la Loire sans interruption depuis 1945, il est relevé de son immunité parlementaire en 1962 alors qu'il vient de fonder à l'étranger un "nouveau CNR", entreprise désespérée destinée à défendre "l'Algérie française" alors que l'indépendance de l'Algérie vient d'être proclamée. Ecrits en exil, ses Mémoires, intitulés D'une résistance à l'autre souvent erronés, sont imprégnés de l'amertume de cet échec.
Georges Bidault est décédé le 27 janvier 1983.
Georges Bidault was born the 5th of October 1899 in Moulins (Allier). A history and geography teacher at the Louis-le-Grand secondary school in Paris in 1931, he was best known before the war for his public editorials in L’Aube, a Christian Democratic leaning newspaper. Former pupil of the Jesuits, he was vice-president of the Catholic Association of French Youth, before joining the Parti démocrate populaire (Popular Democratic Party) in 1931. While he was faithful to the “Spirit of Geneva,” he also appeared to be a warmonger in the eyes of pacifists because he fervently denounced the maleficence of dictators, particularly that of the Nazi regime.
Mobilized as a soldier in 1940, he was taken prisoner. Released due his status as a war veteran of the preceding war, he returned to Paris in July of 1941. Accused of being a pre-war anti-Nazi editorial writer and unable to make contact with the Resistance, he settled in the South Zone as a temporary high school teacher at lycée du Parc in Lyon. It is at the beginning of 1942 that he meets Jean Moulin at the home of François de Menthon. He appoints him chef of the BIP, Bureau d’information et de presse (the Office of Information and the Press) for the General Delegation of Free France. Charged with acquiring information about the movements, Bidault launched a Bulletin of Clandestine Fighting in France, which also supplied information to the BCRA in London. In return, they transmitted information to Bidault, known as ‘Bip’. Through this office, Bidault is also a part of the Delegation. But he is also a member of the direction of Combat, and, in conjunction with Jean Moulin, a member of the executive committee of the Front national (National Front) of the South Zone. By 1942, he is one of the principle members of the Resistance in the South Zone.
It was only natural that Jean Moulin asked him to become a member of the National Council of the Resistance (CNR). Moulin first proposes that he attempt to represent the United Movements of the Resistance but the committee director of the MUR chose Claude Bourdet for Combat. Bidault would be delegated head of the PDP, as the leader of the party had been imprisoned. With the suppression of the line of demarcation in May 1943, the direction of the Resistance shifted to Paris. On May 27 1943, Bidault participates in the first meeting of the CNR. He composed, in collaboration with Jean Moulin, the founding motion adopted by the Council that is still in use today. There, the CNR solemnly proclaims its support of General De Gaulle, hoping that the direction of the provisional government could be entrusted to him while General Giraud would be reduced to his role as Commander of the French army. The motion prepared by the Communists, which spared Giraud, is dismissed. Considering the wide variety of CNR representatives, specifically with presence of delegates from political parties, the motion adopted on May 27, 1943 had a decisive effect on the Allies: De Gaulle was able to leave London for Algiers. There, he established the creation of the French Committee for National Liberation (CFLN) the following June 3rd.
On June 21st 1943, the arrest of Jean Moulin left the post of CNR president vacant. Without instructions from London, the Council finally elected Bidault as the replacement, almost unanimously, during the first week of September. Working at the time for the movements and in the Delegation, known for his agreeable personality and his rapport with Jean Moulin, he was the man to preserve a level of continuity. Shortly after, the CFLN named a successor to Jean Moulin at the head of the Delegation: the prefect Bollaert. From this point forward, the two jobs would be separate.
Since his arrival in Paris during the spring of 1943, dismissed from teaching, Bidault went completely underground. He led the life of a nomad, of meeting with agents and of endless walks – the metros were monitored – with his peers. The meeting of sixteen members of the CNR proved to be too dangerous, so he decided to create an Office formed of five members. Twice a week, Bidault presided over the five person meeting comprised of Maxime Blocq-Mascart (OCM), Pascal Copeau (MUR), Louis Saillant (CGT) et Pierre Villon (FN). Contrary to what General de Gaulle suggested in his Memories of War, the Office wasn’t infiltrated by the PCF (French Communist Party): until the inclusive Liberation, Villon was the only spokesperson for the party and the other members were then undoubtedly anti-communist. The most important role of the CNR president was to maintain and reinforce the unity of the Resistance. As is to be expected of a representative assembly, the decision making process is based on long and occasionally intense discussions. However, even though communication between members was particularly difficult due to their underground nature, the cooperativeness and even the unanimity of their decisions were consistently upheld. For example, the negotiations to adopt the CNR program continued for nine months, between July 1943 and March 1944, and discussions concerning the status of the COMAC took three months, from May until August of 1944.
The truce, so brief and fraught, spurred three CNR meetings between Sunday morning, August 20th and the following night. In a year and four months of underground existence, the CNR experienced only one exception to their unanimous decisions: on the morning of the 20th, the truce was decided by the majority. As President of the CNR, Georges Bidault played a decisive role in the discussion and in choosing a democratic compromise. He should be credited with a part of the resulting success of the union and its resilient democracy. In September 9th, he left the CNR to become Minister of Foreign Affairs for the new Gouvernement Provisoire de la République Française (Provisional Government of the French Republic) established by General de Gaulle. In November, he became a founding member of the Mouvement républicain populaire (Popular Republican Movement, MRP). Elected as deputy of the Loire continuously since 1945, he was stripped of his parliamentary immunity in 1962 when he founded a ‘New CNR’ abroad, a desperate attempt to defend “French Algeria” even though Algeria’s independence had already been proclaimed. Written from exile, his memoirs, entitled From One Resistance to Another, were permeated with the bitterness of failure.
He died January 27th 1983.
Claire Andrieu, "Georges Bidault", in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004.
Traduction : Gabrielle Ciceri