Jacques Bingen
Légende :
Jacques Bingen, délégué du Comité français de Libération nationale (CFLN), assura l'intérim de Jean Moulin à la tête de la Délégation générale avec Claude Bouchinet-Serreulles
Jacques Bingen, delegate of the Comité français de Libération national (French Committee of National Liberation, CFLN), ensured the replacement for Jean Moulin at the head of the Délégation générale (General Delegation) along with Claude Bouchinet-Serreulles.
Genre : Image
Type : Photographie
Source : © Musée de l’Ordre de la Libération Droits réservés
Détails techniques :
Photographie analogique en noir et blanc.
Lieu : France
Contexte historique
Né le 16 mars 1908 à Paris dans une famille juive d'origine italienne, diplômé de l'École des Mines (Paris) et de l'École libre des Sciences politiques, Jacques Bingen fut l'un des plus proches collaborateurs de son beau-frère, André Citroën (d'où ses pseudonymes "Cadillac" et "Talbot"). Après la mort de ce dernier, en 1935, il prit la direction de la Société anonyme de gérance et d'armement (SAGA), tout en assumant la responsabilité du secrétariat général du Comité central des armateurs.
Lieutenant de réserve, Bingen fut mobilisé à la fin du mois d'août 1939 et servit en qualité d'officier de liaison auprès de la 51e division écossaise. Blessé au feu le 12 juin 1940, il parvint à gagner Cherbourg avant d'être évacué sur La Rochelle. Le 20 juin, il quitta l'hôpital et gagna Casablanca. Déguisé en pilote polonais, il rejoignit Gilbraltar le 2 juillet en se cachant sur un navire-école polonais. Parvenu à Liverpool le 18 juillet 1940, il se présenta au général de Gaulle le 23 juillet suivant, et s'engagea dans la France libre.
En raison de ses compétences en matière d'affaires maritimes, Bingen fut désigné pour diriger les services de la Marine marchande de la France libre à Londres, après la création de ceux-ci au mois d'août 1940. Pendant deux années, cet homme qui croyait en Charles de Gaulle sans aveuglement (voir notamment les extraits de ses dernières lettres – Espoir n° 48, octobre 1984) s'employa à développer la petite flottille de navires de commerce français, dans le cadre défini par les accords Churchill-de Gaulle du 7 août 1940 relatifs à l'organisation et au financement de la France libre.
Au mois d'août 1942, Jacques Bingen obtint d'être versé au Bureau central de renseignement et d'action (BCRA). Il y fut nommé adjoint de Louis Vallon à la tête de la section Non Militaire (NM) tout récemment créée, et, à ce titre, se trouva en contact régulier avec la Délégation générale de la France combattante sur le sol métropolitain ainsi qu'avec les responsables des mouvements et des réseaux de la Résistance intérieure. Il en conçut, entre autres, le projet de faire naître à la Libération un grand parti travailliste à partir du Comité d'action socialiste (CAS) clandestin de Daniel Mayer et Léon Blum et des forces nouvelles nées de la Résistance.
Au début du mois de février 1943, avec le commissaire à l'Intérieur André Philip, Jacques Bingen élabora un projet d'instructions pour Jean Moulin. Selon ce projet, et conformément à l'ordre de mission "Brumaire" reçu par Pierre Brossolette, un comité de coordination des mouvements de Résistance de la zone Nord devrait être créé sur le modèle de celui institué en zone Sud (CCZS) par Moulin le 27 novembre précédent, et coordonné avec ledit CCZS. À l'instigation de Jean Moulin, parvenu à Londres le 15 février, et pour tenir compte de l'évolution de la situation en Afrique du Nord, ces instructions furent remplacées le 21 février par de "Nouvelles Instructions" aux termes desquelles un "Conseil de la Résistance unique pour l'ensemble du territoire métropolitain" devait être créé, qui assurerait la représentation non seulement des mouvements de Résistance, mais également des partis politiques et des syndicats résistants, et qui serait présidé par Moulin nommé "seul représentant du général de Gaulle et du Comité national pour l'ensemble du territoire métropolitain".
Au cours du printemps qui suivit, devenu chef de la section NM, Jacques Bingen s'imposa à Londres comme l'un des plus solides soutiens de Jean Moulin dans la crise ouverte par les mouvements de Résistance contre le pouvoir central gaullien. Après l'arrestation de Moulin à Caluire le 21 juin 1943, Bingen ("Baudet", "Cléante", "Coridon", "Necker") fut déposé en France dans la nuit du 15 au 16 août avec un ordre de mission le désignant comme délégué du Comité français de Libération nationale (CFLN) et président du Comité directeur de la Résistance pour la zone Sud. Ce dernier comité ayant quitté Lyon pour Paris, Jacques Bingen s'installa dans la capitale. Pendant les dernières semaines de l'été 1943, de conserve avec son ami Claude Bouchinet-Serreulles nommé délégué du CFLN pour la zone Nord, il assuma de fait l'intérim du Délégué général. Au cours de l'automne 1943, les deux hommes s'efforcèrent tant bien que mal d'accompagner l'installation d'Émile Bollaert dans ses fonctions de délégué général.
Du début du mois de décembre 1943 aux derniers jours de mars 1944, Jacques Bingen assuma seul l'intérim de la Délégation générale. Assistant à chacune des réunions du bureau du Conseil national de la Résistance (CNR), et en concertation étroite avec Georges Bidault, il apporta sa pierre à l'adoption du programme du CNR, le 15 mars 1944. Il participa à la création des Comités départementaux de libération (CDL). Il contribua à l'adoption des nouvelles modalités de financement de la Résistance. Il oeuvra au service de l'unification militaire, via notamment la création puis la mise sur pied, entre la fin décembre 1943 et la fin février 1944, des Forces françaises de l'intérieur (produit de la fusion de l'Armée Secrète (AS), de l'Organisation de Résistance de l'Armée (ORA), des Francs-tireurs et partisans (FTP) ainsi que d'un certain nombre de plus petits groupes isolés. Acquis depuis novembre 1943 aux arguments des partisans de l'action armée immédiate, il organisa les prodromes de ladite action à la Libération, tout en faisant face de son mieux aux revendications communistes. Il fit de la délégation clandestine une véritable agence d'informations au service du Comité d'Alger. Enfin, il constitua ou réorganisa des organismes tels que le comité d'action contre la Déportation, le comité des œuvres sociales de la Résistance, la commission du Ravitaillement, etc.
Après avoir remis les clefs de la Délégation générale à Alexandre Parodi à la fin du mois de mars 1944 (Parodi prit officiellement ses fonctions le 4 avril), Jacques Bingen retourna à son action de délégué pour la zone Sud.
Victime de la trahison d'un agent double, il fut arrêté le 12 mai 1944 à la gare de Clermont-Ferrand. Sur le point d'être repris alors qu'il était parvenu à fausser compagnie à ses gardiens, il choisit de se donner la mort en avalant sa capsule de cyanure pour ne pas prendre le risque de parler sous la torture. Il venait d'être fait Compagnon de la Libération par le général de Gaulle.
Décorations :
Chevalier de la Légion d'honneur, Compagnon de la Libération, Croix de guerre 1939-1945 (2 citations).
Born March 16th 1908 in Paris to an Italian-Jewish family, with a diploma from l’École des Mines (Paris) and from l’École libre des Sciences politiques, Jacques Bingen was the first of many close collaborators with his brother-in-law, André Citröen (alias ‘Cadillac’ and ‘Talbot’). After the death of the last leader in 1935, he took management of the Société anonyme de gérance et d’armement (Management and Armament Incorporated Company) in order to assume the responsibilities of Secretary General for the Comité central des armateurs (Central Committee of Ship-owners).
Lieutenant of the Reserves, Bingen was mobilized at the end of August 1939 and served as a talented liaisons officer with the 51st Scottish Division. Injured under fire on June 12th 1940, he managed to win Cherbourg before being evacuated on La Rochelle. June 20th, he left the hospital and went to Casablanca. Disguised as a Polish pilot, he went to Gibraltar June 2nd hidden on a Polish training vessel. Reaching Liverpool on July 18 1940, he presented himself to General de Gaulle on the 23rd and began his involvement in France Libre (the Free France movement).
Due to his knowledge and experience with maritime matters, Bingen was appointed director of the France libre Merchant Marines in London, after its creation in August 1940. For two years, this man who believed infallibly in Charles de Gaulle (note the extracts from their last correspondences – Espoir n° 48, October 1984) was employed to develop a small flotilla of French commerce vessels, within the framework set by the Churchill-de Gaulle Accords of August 7th 1940 on the organization and financing of France libre.
In August 1942, Jacques Bingen started working for the Bureau central de renseignement et d’action (Central Intelligence and Action Office, BCRA). He was appointed alongside Louis Vallon to the head of the Non Militaire section (NM, or Civilian section), which had only recently been created, and, under that title, he found himself in regular contact with the Délégation générale de la France combattante (General Delegation of Fighting France) for the metropolitan area as well as with leaders of the internal Resistance movements and networks. Among other things, he conceived of the idea for the Libération to give rise to a large labor party from the underground Comité d’action socialiste (Socialist Action Committee, CAS) with Daniel Mayer and Léon Blum and the new forces born of the Resistance.
In the beginning of February 1943, with the Commissioner of the Interior André Philip, Jacques Bingen formed a set of orders for Jean Moulin. Following the project, and conforming to the order of the “Brumaire” mission accepted by Pierre Brossolette, a coordination committee of the Resistance movements in the North Zone was created using the model established by Moulin in the South Zone the preceding November, and connected with the aforementioned CCZS (South Zone Coordinating Committee). At Jean Moulin’s prompting, he went to London on February 15th to consider the evolution of the situation in North Africa. Here, the former directives were replaced on February 21st with the “Nouvelles Instructions” from which the terms of the “Conseil de la Résistance unique pour l’ensemble du territoire metropolitan” would be created. This assured the representation of not only the Resistance movements but also the political parties and the resistant syndicates, all of whom would be presided over by Jean Moulin who had been nominated the “sole representative of General de Gaulle and of the Comité national pour l’ensemble du territoire métropolitain” (National Committee for the whole metropolitan territory).
During the course of the spring that followed, he become head of the NM section and ventured to London as one of many soldiers supporting Jean Moulin in the crisis of tension between the Resistance movements and the center Gaullist authority. After Moulin’s arrest in Caluire on June 21st 1943, Bingen (“Baudet,” “Cléante,” “Coridon,” and “Necker”) was sent back to France the night of the 15th-16th of August with the orders to join the Comité français de Libération nationale (French Committee for National Liberation, CFLN) and take over the presidency of the Comité directeur de la Résistance (Directing Committee of the Resistance) for the South Zone. This last committee relocated to Paris, thus Jacques Bingen moved to the capital. During the last few weeks of the 1943 summer, he was appointed a North Zone delegate of the CFLN, along with his friend Claude Bouchinet-Serreulles, he assumed the temporary role of Delegate General. Over the course of that autumn, the two men endeavored to install Emile Bollaert as Delegate General.
From the start of December 1943 to the last days of March 1944, Jacques Bingen was the sole temporary Delegate General. Assisted at each meeting of the Executive Committee of the Conseil national de la Résistance (National Council of the Resistance, CNR), and in close consultation with Georges Bidault, he made his contribution to the CNR program on March 15th 1944. He participated in the creation of the Comités départementaux de libération (County Committees of the Liberation, CDL). He contributed to the adoption of the new financial model for the Resistance. He worked on the unification of the military service, notably through the creation and then implementation, between the end of December 1943 to the end of February 1944, of the Forces françaises de l’intérieur (French Forces of the Interior), which was a product of the amalgamation of l’Armée Secrète (The Secret Army, AS), of l’Organisation de Résistance de l’Armée (The Army's Resistance Organization, ORA) and the Francs-Tireurs et partisans (FTP) with the addition of some other smaller isolated groups. From the beginning of November 1943, he collected the arguments of people in favor of immediate military action in order to organize the initial plans for the aforestated action for the Liberation. He accomplished these tasks while also facing the greatest of the communist’s demands. He turned the underground delegation into a legitimate information agency at the service of the Comité d’Alger (the Algiers Committee). Finally, he established or reorganized systems such as the comité d’action contre la Déportation (Action Committee against Deportation), the comité des oeuvres sociales de la Résistance (Committee of Social Work for the Resistance), the commission du Ravitaillement (Supplies Commission) etc.
After handing over the key to the Délégation générale to Alexandre Parodi at the end of March, 1944 (Parodi officially took over on April 4th), Jacques Bingen returned to his delegation in the South Zone.
The victim of a betrayal by a double agent, he was stopped on May 12 1944 at the Clermont-Ferrand station. At the point of being taken, he successfully slipped away from his guards in order to ingest a cyanide capsule; a choice he made in order to ensure his silence rather than take the risk of being forced to talk under torture. He came to be recognized as Compagnon de la Libération by General de Gaulle.
Decorations:
Knight of the Legion of Honor, Companion of the Liberation, Cross of War 1939-1945 (two citations).
Guillaume Piketty, "Jacques Bingen", in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004.
Traduction : Gabrielle Ciceri