Manuscrit d’Emile Laffon sur les conditions de la trêve entre Allemands et Français
Légende :
Manuscrit d’Emile Laffon sur les conditions de la trêve entre Allemands et Français
A Manuscript of Emile Laffon on the Conditions of the Truce between Germany and France
Genre : Image
Type : Manuscrit
Source : © Musée de l'Ordre de la Libération Droits réservés
Détails techniques :
Dimensions : 22 x 17 cm.
Matière : papier (un feuillet manuscrit).
Date document : 20 août 1944
Lieu : France - Ile-de-France - Paris - Paris
Analyse média
Le 20 août 1944, Alexandre Parodi, Roland Pré et Emile Laffon (délégué chargé des affaires civiles par Alexandre Parodi), sont arrêtés par les Allemands et ont une entrevue avec von Choltitz avant d’être finalement relâchés. Quelques heures plus tard, Emile Laffon griffonne au crayon les conditions de la trêve édictées par von Choltiz et conclut par un « Inadmissible » rageur.
Transcription du manuscrit :
« 1°) Arrêt des hostilités.
2°) Les Français, même pris les armes à la main ne sont pas fusillés. Idem pour les Allemands.
3°) Les patrouilles allemandes contrôlent les seuls Allemands ; par conséquent pas de fouilles à l’égard des Français, pas de contrôles, etc.
4°) Nous pouvons occuper tous les édifices publics, Mairies, PP [Préfecture de Police], PS [Préfecture de la Seine], Ministères, etc., même ceux qui furent pris par Allemands.
5°) Allemands nous disent d’exercer police nous même : « agents avec brassards FFI ».
6°) Ne sont pas très partisans des drapeaux mais à la rigueur…, idem pour les brassards des civils.
7°) N’acceptent pas d’abandonner des rues ou des quartiers de Paris. En fait il y aura des patrouilles partout.
8°) Cet accord ne vaut que pour Paris. »
Le texte est entouré avec la mention en bas de page : « Inadmissible ».
On August 20th 1944, Alexandre Parodi, Roland Pré and Emile Laffon (a delegate in charge of civil affairs for Alexandre Parodi), were arrested by the Germans and interrogated by von Choltitz before finally being released. Some hours later, Emile Laffon scribbled down in pencil the conditions of the truce as decreed by von Choltitz and concluded in an “inadmissible” rage.
Translation of the manuscript:
1°) Stop the hostilities
2°) The French, even with arms in hand, are not shot. Likewise for the Germans.
3°) The German patrols control only the Germans; as result they are not allowed to shoot the French, nor control them etc.
4°) We can occupier all public buildings, town halls, the PP (Préfecture de Police, Police Headquarters), PS (Préfecture de la Seine), Ministries, etc., even those that were captured by Germans.
5°) Germans tell us to police ourselves as “agents with FFI armbands.”
6°) They are not followers of the flag but of austerity… likewise for the civilian armbands.
7°) They do not accept the abandoned streets and neighborhoods of Paris. In fact, there will be groups of patrols throughout.
8°) The agreement doesn’t apply for Paris.
The text is stamped with a note at the bottom of the page: “Inadmissible.”
Traduction : Gabrielle Ciceri
Contexte historique
La "trêve" autour de la Préfecture de Police (19 août 1944)
Toute la journée du samedi 19 août, l'insurrection lancée, des échanges armés opposent dans Paris et sa banlieue, les troupes allemandes aux FFI et résistants. La Préfecture de Police, située à la caserne de la Cité, est prise et occupée par des fonctionnaires de police insurgés. Les troupes alliées sont encore loin de Paris, les FFI et les insurgés disposent de peu de munitions. Aussi, depuis l'intérieur de la Préfecture un appel téléphonique, dont l'origine reste encore mystérieuse, parvient au consul de Suède Raoul Nordling lui demandant de négocier une trêve auprès de von Choltitz. La crainte et les rumeurs d'une forte attaque allemande auraient suscité cet appel. Les jours précédents, Raoul Nordling avait pris des contacts avec le délégué du CFLN pour la France occupée, Alexandre Parodi, qui cherchait alors à gagner du temps avant l'arrivée des troupes alliées. Un accord oral, et non écrit, non formalisé, est ainsi négocié par le consul de Suède avec les Allemands ; il prend effet, sous la forme d'une "trêve", vers 21 heures, et s'applique à l'ensemble des points d'appui occupés par les résistants.
Le lendemain, dimanche 20 août, le CNR se réunit ; les discussions sur l'opportunité de cette "trêve" sont très vives. Elle est vivement dénoncée par André Tollet, président du CPL, et Rol-Tanguy, commandant des FFI. Léo Hamon, membre du CPL, la défend, de même que Chaban-Delmas et Parodi, la justifiant par la crainte d'un désastre, les forces allemandes étant importantes. Au sein du CNR, Pierre Villon, représentant du FN, partisan de l'action immédiate, rejette l'idée d'une trêve et attaque Parodi.
Cette "trêve" centrée essentiellement sur la Préfecture ne dure que quelques heures, et s'achève le 21 août. Elle a été peu respectée de part et d'autre, des échanges de tirs et des combats se sont poursuivis dans Paris. Au cours de la réunion du CNR du 20 août, un accord est finalement conclu entre les partisans de l'insurrection et de l'action immédiate, communistes, et les "attentistes". Un texte est rédigé puis placardé sur les murs de Paris : "La lutte continue. Elle doit se poursuivre jusqu'à ce que l'ennemi soit chassé de la région parisienne. Plus que jamais tous au combat ! Répondez à l'ordre de mobilisation générale, rejoignez les FFI. Toute la population doit, par tous les moyens, empêcher la circulation de l'ennemi. Abattez les arbres, creusez les fossés antichars, dressez des barricades. C'est un peuple vainqueur qui recevra les Alliés." Les versions sur l'origine de cette "trêve" sont multiples. Si pour Alexandre Parodi il s'agissait de gagner du temps avant l'arrivée des Alliés, pour Raoul Nordling, fidèle à sa neutralité et à sa fonction diplomatique, l'essentiel était de sauver des vies humaines.
For the entirety of Saturday August 19th, the uprising was in motion, the armed exchanges in Paris and its suburbs between the Germans against the FFI and the resistors. The Police Headquarters, situated at the station on the Cité, was taken and occupied by the insurgent police force. The Allied troops still far from Paris, the FFI and the insurgents have few munitions. Also, a phone call was made within the Prefecture, whose origin remains a mystery, to the Swedish Consul Raoul Nordling, requesting that he mediate a truce with von Choltitz. The fear and rumors of a strong German attack had provoked the call to action. In the days preceding it, Raoul Nordling had made contact with the delegate for the CFNL for occupied France, Alexandre Parodi, who then endeavored to halt the insurrection until the arrival of the Allied troops. An oral agreement, not written or formalized, was thus negotiated through the Swedish consul with the Germans; it took effect; under the guise of a ‘truce,” over the course of 24 hours, and it was compiled of interests supported by the resistors.
The following day, Sunday August 20th, the CNR held a meeting; they discussed the opportunity presented by the ‘truce’ and its effect on their lives. It is passionately denounced by André Tollet, president of the CPL, and Rol-Tanguy, Commander of the FFI. Léo Hamon, member of the CPL, the defense, and even Chaban-Delmas and Parodi, believe the Germans are omportant based on their fears of impending disaster. At the heat of the CNR, Pierre Villon, representative of the FN, a devotee of immediate action, rejected the idea of a truce and attacked Parodi.
This ‘truce’, mainly based on the Prefecture, lasted only a few hours and came to an end on August 21st. It garnered little respect from any party; gunfire and fighting soon continued in Paris. Over the course of the CNR meeting on August 2àth, an agreement was finally reached between the followers of the uprising and immediate action, the communists, and the ‘wait-and-see’ partisans. A text was composed and then posted on the walls of Paris: “The fight continues. It must persevere until the enemy is chased out of the Paris region. More than ever, everyone must fight! Respond to the general uprising, join the FFI. The entire population must, by every means possible, halt the enemy’s progress. Cut down trees, dig anti-tank trenches, and erect barricades. It is a victorious people who will greet the Allies.” The original versions of the ‘truce’ are multiple. Alexandre Parodi, who delayed the uprising to give time for the Allies to arrive, and Raoul Nordling, loyal to his neutrality and job as a diplomat, were essentially the saviors of countless lives.
AUTEURS : Christine Levisse-Touzé, Cécile Vast,
SOURCES : dvd-rom La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004
Traduction : Gabrielle Ciceri