Un résistant à « temps plein »
A aucun moment Ravanel ne cache son ignorance sur le monde naissant de la Résistance. C’est avec une grande humilité et une profonde conviction qu’il l’intègrera et s’y donnera corps et âme tout au long de ces années de guerre. Son parcours de résistant est celui d’un homme profondément patriote qui saura saisir avec intelligence, prudence et subtilité les occasions qui se sont présentées à lui pour intégrer un groupe de résistants, lui permettant d’agir afin d’atteindre son unique objectif : la liberté de son pays et le retour à la paix dans le monde.
L’année 1942 est pour Serge Ravanel une année durant laquelle les rencontres et les opportunités se multiplient.
Les premiers pas de Serge Ravanel vers le mouvement Libération sont le fruit d’une de ses connaissances personnelles, son ami André Helbronner, ingénieur-conseil qui avait fondé avec deux de ses amis, Jacques Bergier et Alfred Eskenazi, un bureau d’études. Il associe Ravanel à l’un de ses rendez-vous avec un dénommé M. Jacques soi-disant envoyé du général de Gaulle…
A "full-time" Resistant
Ravanel could never hide: He gave everything he could offer to the Resistance effort with great humility and conviction for the entire war. His dedication and work for the Resistance was that of a man who dearly loved his country and who would do anything to protect it. Because of his intelligence, prudence, and subtly, he excelled in helping the Resistance to achieve his and their ultimate goal: liberating France and bringing peace to the world.
1942 was a year of opportunities for Ravanel and the Resistance.
Serge Ravanel was brought into the Resistance movement Libération because of his close friend: André Helbronner, an engineer, who had founded a research office with his two friends, Jacques Bergier and Alfred Eskenazi. It was he who introduced Ravanel to a man known as M. Jacques, the connection between France and General de Gaulle.
Traduction : Catherine Lazernitz
Serge Ravanel, L'esprit de Résistance, éditions Seuil, 1995.
"Je serai employé à temps plein" haut ▲
Dans un café, situé non loin de la gare des Brotteaux (Lyon), Serge Ravanel assiste à une rencontre au cours de laquelle ses trois amis de Libération (André Helbronner, Jacques Bergier et Alfred Eskenazi) tentent d’obtenir, d'un certain M. Jacques, un moyen de gagner Londres. Il se souvient : « Tout négligemment, ce dernier s’est tourné vers moi me demandant si je voulais moi aussi gagner l’Angleterre. Je lui répondis : Oh non, il y tant de choses à faire ici » (1).
Après avoir interrogé Ravanel sur ses activités et ses intentions, il lui propose « d’abandonner ses projets et de venir travailler avec lui ». Considérant que cette offre suppose « une prise de position complète dans sa vie, il lui demande une semaine de réflexion » (2). Ravanel finit par accepter : « Je serai employé à temps plein » (3) à compter du mois de septembre.
Alors que sa scolarité à Polytechnique s’achève, Ravanel consacre l’été 1942 à des activités intellectuelles et sportives. Très préoccupé par « les problèmes sociologiques » et le fonctionnement d’un État, il participe à un stage à l’école des cadres d’Uriage où il espère approfondir, à partir des grands débats, ses réflexions et trouver des réponses à ses questions. Il y fait la connaissance de Dunoyer de Segonzac qu’il retrouvera au cours de l’été 1944. Ses vacances s’achèvent dans le Briançonnais où il retrouve son groupe de haute montagne et s’adonne avec discipline et ténacité à l’alpinisme.
Sources : (1) Interview de Ravanel par Christine Lévisse-Touzé (07/11/98). (2) Op cit. (3) Serge Ravanel, L’Esprit de Résistance, Editions du Seuil, 1995.
«I was fully committed»
In a cafe not far from the Gare des Brotteaux in Lyon, Serge Ravanel met with three friends from the Libération movement (André Helbronner, Jacques Bergier et Alfred Eskenazi) and M. Jacques who was offering them a way to join de Gaulle in England. Ravanel remembers: «Totally casually, M. Jacques turned to me and asked if I wanted to go to England too. I replied: Oh no, there is too much to do here » (1).
After interrogating Ravanel about his activities and his reasons, M. Jacques proposed that Ravanel «drop everything, come and work for him. » Needing time to consider such an offer, «Ravanel asked for a week to think about such an important position» (2). He decided to accept: «I was fully committed » (3) starting in September.
Having graduated from Polytechnique, Ravanel dedicated the summer of 1942 to studying and sports. Troubled by «sociology questions» and how the government was being run, he took courses at the Executive School of Uriage, hoping to learn more and to find answers. There he met Dunoyer de Segonzac who he would meet again in the summer of 1944. He ended his vacation in Briançonnais where he devoted himself to mountain climbing and hiking with his characteristic discipline and tenacity.
Traduction : Catherine Lazernitz
Mise en place des Groupes Francs (juin 1943 à avril 1944) haut ▲
Les deux mois passés en prison sont aussi la période d’aboutissement du processus d’unification des mouvements de la zone Sud désormais regroupés sous le nom de MUR (Mouvements unis de Résistance) et contrôlés par le CNR (Conseil national de la Résistance). Cette nouvelle organisation donne lieu à la mise en place d’un nouvel organigramme mêlant des résistants originaires des trois mouvements : Combat, Franc-tireur et Libération. Il doit, en outre, faire preuve d’une adaptation permanente compte tenu des répressions et des arrestations de la Gestapo qui ne cessent de s’intensifier.
Dans ce contexte en constante évolution et « rempli de hasards » (1), Serge Ravanel, jusqu’alors « résistant de base » (2), se voit confier, après deux semaines de mise au vert chez M. Bernard, dit « le fromager », une nouvelle fonction à laquelle il n’est aucunement préparé : chef des Groupes Francs (GF). Il intègre ainsi à cette période « le groupe des dirigeants de Libération ».
Les dernières missions qui ont précédé l’arrestation, et l’arrestation elle-même, marquent une période de maturation pour Ravanel. L’enchaînement rapide des événements ne laisse d’autre choix à Ravanel et à ses compagnons que celui de s’adapter continuellement et de changer leurs modes de fonctionnement pour conquérir la liberté de leur pays. Avec ses camarades, il apprend « à défier le pouvoir, à plonger dans la clandestinité, à devenir les membres disciplinés d’un groupe de Résistance » (3).
Il gagne en assurance et en confiance. L’Esprit de Résistance s’empare de lui. A chaque étape décisive et cruciale, il sait faire preuve d’une grande opiniâtreté et possède cette qualité maîtresse qu’est de s’engager dans un chemin, de pouvoir le suivre et contrôler son évolution. Son approche humaine et disciplinée de l’Esprit de Résistance le destine incontestablement à des fonctions de grande envergure. Ses chefs l’on rapidement perçu… En effet, les conditions de sa deuxième arrestation et ses deux mois de détention passés en compagnie de certains responsables de Libération lui ont valu une solide réputation. Le jeune novice a su se montrer à la hauteur des circonstances en faisant preuve d’adaptation, de sang-froid et de détermination.
Sources : (1) Serge Ravanel, interview d’Alain Vincent. (2) Serge Ravanel, émission de Mireille Dumas, Bas les masques, « je veux changer de nom », (31/01/96). (3) Serge Ravanel, L’Esprit de Résistance, Editions du Seuil, 1995.
Organizing the Groupes Francs (June 1943 to April 1944)
The two months Ravanel spent in prison were a formative time for the unification of the Resistant groups in the Free Zone. Organized under the name MUR (United Movements of the Resistance) and controlled by the CNR (National Council of the Resistance), the new structure combined the three original Resistance movements: Combat, Franc-Tireur, and Liberation. A stronger, centralized Resistance was necessary in order to combat the growing power and threat of the Gestapo.
In this period of constant change and «with a lot of luck» (1), Serge Ravanel had been until this point «a low-level member»(2), but after two weeks of recovery at M. Berard's house, known as «the fromager», Ravanel was given a new position: head of the Groupes Francs (GF). He was now a part of «the Resistance's top leaders.»
Ravanel had matured in the time between his two arrests, and it was the pace at which his life and the lives of his compatriots moved that forced them to adapt continually. Because of the Resistance, Ravanel and other members learned «to defy the government, go underground, and become a disciplined member of the Resistance» (3). Ravanel became more assured and more confident. The spirit of the Resistance had taken hold of him. He showed great leadership and judgment for every crucial decision, as well as astounding self-awareness. This quality allowed him to approach the Resistance and the war with humanity, and ensured that he would achieve great things. His superiors saw this immediately...the bravery and intelligence he demonstrated in both his second arrest and escape earned him a solid reputation. The amateur knew he had earned his new position because of his ability to adapt, remain calm, and, most importantly, persevere in spite of the circumstances.
Traduction : Catherine Lazernitz
Serge Ravanel, un chef national dans l’action immédiate haut ▲
L’action des Groupes Francs (GF) n’a pas toujours fait l’unanimité. Certains doutent de leur réelle capacité d’intervention militaire tandis que d’autres craignent des représailles contre la population. Leur essor, lié à la personnalité et la conviction de chaque responsable régional, demeure inégal. Toutefois, au fil des mois, leur développement s’intensifie et les résultats obtenus convainquent les populations et les Alliés de leur utilité et de leur réelle efficacité. Chef national des GF, Ravanel est un homme d’action et, avec ses équipes, sa préoccupation est de toujours accroître l’intensité de l’action militaire de la Résistance. Désireux de « comprendre comment les choses se passaient », il prend « l’habitude de participer à des coups de main organisés par des GF locaux […] pour apprendre le métier ».
Serge Ravanel, National Head of the Groupes Francs
The Groupes Francs (GF) had not always been unanimously backed. There were many who doubted their military abilities, while others feared they would turn against the civilian population. Their development and success depended on the leader in each region, and not all were equal. But, after several months, the GF grew stronger and convinced both the French and the Allies of their merit. Ravanel, as head of the GF, wanted to continue to increase the GF's strength, making them more and more able to fight. Wanting to «understand how their missions were going», he would «participate in the operations with the local GF...to understand their work.»
Traduction : Catherine Lazernitz
Serge Ravanel œuvre pour une action immédiate unifiée haut ▲
En cette fin d’année 1943, le ralliement de la population à la Résistance est bien réel. Le développement de son organisation et de ses actions donnent confiance aux Français qui considèrent comme inéluctable la défaite des Allemands. Toutefois, « la partie est loin d’être gagnée ». Les résistants agissent dans un milieu de plus en plus hostile et dangereux. L’armée allemande comme la Gestapo et la milice, qui la soutiennent, se battent et persécutent sans relâche ces combattants de l’ombre quel que soit leur niveau d’implication (1). A partir du mois de novembre, la direction centrale des Groupes Francs (GF) est transférée à Paris ce qui lui donne une réelle identité nationale. Serge Ravanel et ses collaborateurs doivent poursuivre leur action et développer plusieurs équipes de GF. « Dans les derniers jours d’octobre, je partis donc à Paris » (2). « Nous avions comme préoccupation de toujours accroître l’intensité et l’unification de l’action de la Résistance, l’action militaire » (3).
Sources : (1) Copie d’une circulaire de Vichy datée du 22/11/1943. (2) Serge Ravanel, L’Esprit de Résistance, Editions du Seuil, 1995. (3) Serge Ravanel, interview d’Alain Vincent le 18/11/2003.