Les réseaux

Lors du voyage à Londres de février 1942, le colonel Passy explique à Christian Pineau qu’il est nécessaire de développer les réseaux de renseignement de la France libre, pour éviter que le BCRA ne soit tributaire des Anglais, qui ne transmettent pas toutes les informations. Le réseau Cohors se spécialise en priorité dans la collecte de renseignements militaires, éventuellement des informations politiques et économiques. Le réseau Phalanx est spécialisé dans les renseignements d’ordre politique et économique… Les réseaux sont mis en place rapidement et adressent à Londres des courriers très importants.

Plan de l'expo

Crédits

Biographie(s)

Cohors haut ▲

À la suite de son premier voyage à Londres en février 1942, Christian Pineau, à la tête du mouvement Libération-Nord, se voit confier par le Bureau central de renseignements et d’action de la France libre, la création du réseau de renseignements Phalanx avec une antenne dans chaque zone. Pour la zone Nord, la direction est confiée à Jean Cavaillès, éminent philosophe et mathématicien, avec comme adjoint son ancien élève, Jean Gosset. Si les services de transmission sont à l’origine communs, la nécessité se fait bientôt sentir, par souci de sécurité, de devenir autonome. Cavaillès s’émancipe de la tutelle de Phalanx, aux orientations trop politiques. C’est lors de sa mission à Londres de février à avril 1943 que se concrétise le détachement de Cohors qui fait de la collecte de renseignements économiques et militaires sa spécialité. Est créée au même moment une section « action » confiée à Jean Gosset. Cavaillès recrute son beau-frère, Marcel Ferrières, et groupe autour de lui des hommes et des femmes de milieux divers (polytechniciens comme lui, industriels, scientifiques, tels le physicien Yves Rocard). Le réseau s’implante en région parisienne, puis dans le Nord, en Belgique, en Normandie et en Bretagne. Deux missions spéciales sont confiées à Cavaillès : le sabotage dans les magasins de la Kriegsmarine en Bretagne et, menée par Yves Rocard, l’inspection des radiophares allemands sur les côtes. Après de multiples arrestations en Normandie et à Paris, dont celle de Cavaillès fin août 1943, Jean Gosset remonte le réseau durement touché qui, sur ordre de Londres, se régionalise ; les branches « renseignement » et « action » du réseau se séparent puis ce dernier prend le nom d’Asturies. La direction devient collégiale.

Eleuthère haut ▲

L’écrivain Hubert de Lagarde, qui a eu pour professeur d’histoire à Saint-Cyr le commandant Charles de Gaulle, fonde en 1942 le réseau Eleuthère. Ce patriote, ancien militant d’Action française, installe un magasin d’antiquités « Chez Swan », rue Cambon à Paris pour mieux couvrir ses activités. Ce réseau, travaillant pour Libération-Nord en zone occupée, se spécialise dans le renseignement. Comme ses homologues Cohors et Phalanx, il y ajoute l’espionnage et le sabotage.
Sous son impulsion, son activité s’étend en zone occupée par la création de 12 sous-réseaux allant jusqu’à employer 419 agents en 1943. Aidé de son adjoint, le commandant André Brouillard, dit "Pierre Nord", il transmet des informations à Londres pour les Alliés. Ainsi, dans la nuit du 4 au 5 mai 1944, grâce aux précisions transmises, le raid aérien détruisant la division blindée Hohenstauffen regroupée dans la région de Mailly (Marne) est une réussite (10 000 tués, 400 chars détruits). Au demeurant, Lagarde s’insurge contre les bombardements aveugles des Alliés, dont celui de Rouen. En 1944, il prend la tête du service de renseignement de Libération-Nord puis de l’état-major mais est arrêté le 16 juin. Le 17 juin, il est remplacé par le lieutenant Roger Hillard, officier d'active de l'Air, désigné d'avance par Hubert de Lagarde pour lui succéder en cas d'arrestation. Déporté, Lagarde meurt à Dora le 25 janvier 1945.
Pour le réseau Eleuthère, l'étau se resserre à partir du 11 juillet 1944, date de l'arrestation du lieutenant Hillard. Celui ci sera remplacé par un autre officier d'active de l'armée de l'Air, le lieutenant Gourmez, également désigné par Hubert de Lagarde, dans la même éventualité. Gourmez assurera le commandement du réseau jusqu'à la Libération et son rappel dans son arme d'origine, où il mourra en service quelque temps plus tard.
Pour la réussite de ces missions, le prix à payer est élevé : 8 fusillés, 86 déportés.

Auteurs : Christine Levisse-Touzé et Dominique Veillon

Phalanx haut ▲

À partir de 1942, les contacts entre la France libre et le mouvement Libération aboutissent à la création d’un organisme spécifique tel qu’un réseau de renseignements. Phalanx est mis sur pied à la demande du BCRA (Bureau Central de Renseignements et d’Action) et de Passy par Christian Pineau à son retour de Londres, en avril 1942.
Installé en zone Sud, à Clermont-Ferrand puis à Lyon, le réseau se spécialise dans le renseignement politique et économique, ou encore le transport de personnalités comme André Philip vers Londres. Les premiers agents sont recrutés au sein de Libération-Nord. Ils sont chargés de rassembler des informations sur l’activité des communistes, l’opinion publique, avant de se tourner vers des indications concernant les mouvements des troupes ennemies. L’organisation ou Centrale comprend le chef de réseau, un adjoint, un secrétariat et envoie son courrier à Londres par l’intermédiaire de la Confrérie Notre-Dame que dirige le colonel Rémy. L’équipe clandestine qui se forme autour de Christian Pineau englobe son beau-père, Bonamour du Tartre, alias "Barnaud", Francis Fabre, le directeur de La Montagne, des syndicalistes, dont Marius Vivier-Merle, secrétaire de l’Union des syndicats à Lyon, Louis Goyet et d’autres militants. Le réseau joue le rôle de relais entre Londres et le mouvement ; c’est par lui que transite argent, consignes et instructions à donner à Libération-Nord. Au fil des mois, ses transmissions deviennent autonomes. Il comprend alors une centaine de membres. Passy, chef du BCRA, le considère comme l’un des meilleurs réseaux. Après l’arrestation de Christian Pineau le 3 mai 1943, Fernand Gane alias "Icare" en devient le dirigeant et, sur ordre de Londres, s’efforce de cloisonner davantage les structures mises en place dans les régions.
Le réseau a compté jusqu’à 250 membres.

Auteurs : Christine Levisse-Touzé et Dominique Veillon

Brutus haut ▲

Autre forme d’action, le réseau Brutus présente la singularité d’affirmer la résistance des socialistes. Il est né des contacts pris par Pierre Fourcaud avec des militants marseillais, dont Félix Gouin, puis, les avocats André Boyer et Gaston Defferre en juillet 1941. Dès lors, le développement du réseau va de pair avec celui du Comité d’Action Socialiste dans les deux zones. En 1943, sous l’impulsion d’André Boyer Brémond, le réseau Brutus s’étend à tout le territoire à partir de Lyon. Pierre Sudreau devient le responsable de la zone Nord tandis que Jean-Maurice Hermann est celui de la zone Sud. Comme l’écrit l’historien Jean-Marie Guillon, « il fait dès lors partie d’un ensemble d’organisations dont le parti socialiste est le centre… ». Jean Biondi, ancien député-maire socialiste de Creil et l'un des 80 parlementaires ayant refusé de donner les pleins pouvoirs à Pétain, est l’exemple même de la multiplicité des appartenances au mouvement : agent de Libé-Nord, il est du Comité d’Action Socialiste comme du réseau Brutus. Durant l’année 1943, les responsables envoyés à Londres allient les activités politique et militaire. Le réseau Brutus agit en liaison avec Police et Patrie, d’autant plus que ses agents sont parfois les mêmes comme c'est le cas d'André Kleinpeter. Le réseau est décimé fin 1943 par les arrestations puis les déportations de Sudreau, Hermann, puis Boyer. Sont homologués 1 124 agents : 64 sont tués et 101 déportés.

Auteurs : Christine Levisse-Touzé et Dominique Veillon