> Le refus (été 1940) - Naissance de Libé-Nord (automne 1940)
Le refus (été 1940) - Naissance de Libé-Nord (automne 1940)
S’opposer aux consignes données ne va pas de soi en zone occupée car cela suppose de courir de gros risques face aux nazis qui ont entre les mains tous les leviers de commande et les moyens de répression. Cela exige de passer outre à la loi de Vichy, au gouvernement du Maréchal et de rompre avec la culture d’obéissance envers l’État. Ce qui permet à quelques-uns, dont Christian Pineau, de réagir plus vite ce sont les affinités politiques, professionnelles… Lui-même se sert de son appartenance syndicale pour tenter de “faire quelque chose”. Après la rédaction du Manifeste des Douze diffusé dans les deux zones, Pineau veut aller plus loin et se servir d’une couverture quasi légale pour rédiger un journal clandestin.
Pour lui, il faut exploiter les nombreux sujets de mécontentement dont il est témoin : démontrer que le potentiel industriel de la France est tombé aux mains de l’occupant qui ne se gêne pas pour effectuer de lourdes ponctions de matières premières chères (cuir, laine, charbon…), insister sur le million et demi d’hommes prisonniers en Allemagne. Il faut aussi ouvrir les yeux sur les premières mesures discriminatoires envers les Juifs, sur la manière dont tous les habitants doivent se plier au bon vouloir des Allemands, en un mot, réanimer le souffle patriotique en veilleuse. Enfin le nazisme, la façon dont le maréchal Pétain s’est rangé du côté des vainqueurs et la collaboration doivent être dénoncés sans équivoque. Sur une petite machine portative cachée dans sa cave, Christian Pineau tape un certain nombre d’articles sur des sujets d’actualité, se sert de renseignements fournis par la radio anglaise, y ajoutant des commentaires personnels ainsi qu’un éditorial.
La feuille clandestine sort le 1er décembre 1940 tapée recto-verso, tirée en 7 exemplaires. Yvonne Tillaut-Houben, employée à la Caisse d’Assurances Sociales de la CGT, se montre une collaboratrice précieuse car elle utilise la ronéo de son lieu de travail. Cela permet d’augmenter assez vite le tirage. Les 61 premiers numéros de Libération-Nord sont entièrement rédigés par Christian Pineau qui signe François Berteval ou Capitaine Brécourt. Tout en étant l’œuvre d’un seul homme, le journal Libération-Nord permet de nouer des contacts autour desquels se crée un mouvement qui prend son nom. Outre les “Douze”, les premiers diffuseurs et militants se recrutent parmi les syndicalistes de province puis auprès de personnalités qui jouent un rôle important par la suite, René Parodi ou le philosophe Jean Cavaillès.
Le refus haut ▲
Traumatisés par la défaite et l’occupation du pays, les Français sont longs à émerger du chaos. Face au pays démantelé ils semblent hébétés. À Paris, le poids de l’Occupation se fait lourdement sentir par la vision des oriflammes nazis sur les édifices publics et des panneaux de signalisation allemands. Tout cela semble insupportable à quelques-uns. L’un des premiers à refuser cette situation est Christian Pineau, militant syndicaliste, fonctionnaire à la Caisse des Dépôts et Consignations, qui compare l’occupant “à un corps étranger que l’organisme doit éliminer s’il veut survivre”. Pour lui comme pour d’autres, l’espoir est symbolisé par la radio anglaise. Sur place, il faut convaincre proches et amis sûrs dans une sorte de porte à porte patriotique. Christian Pineau tente de regrouper autour de lui les syndicalistes dont son collègue Robert Lacoste, l’un des premiers à le rejoindre. Avec son aide, il s’engage sur la voie de la rébellion en rédigeant avec une douzaine de camarades du Comité d’études économiques et syndicales réunis dans son appartement, 52 rue de Verneuil, un Manifeste du Syndicalisme. Celui-ci tiré à la ronéo dans les locaux de la Caisse d’Assurances sociales “Le travail” paraît le 15 novembre 1940 revêtu de la signature de neuf confédérés et trois syndicalistes chrétiens. Plusieurs points sont déclinés dont l’anticapitalisme, le respect de la démocratie et de la personne humaine. L’antisémitisme y est dénoncé tout comme les persécutions religieuses.
les Conseils à l'occupé haut ▲
Les Conseils à L’occupé paraissent à Paris dès les premiers jours de l’Occupation. En juillet 1940, Jean Texcier militant socialiste, se dit profondément ulcéré par la présence allemande et par l’attitude des Parisiens à l’égard des Occupants. D’où son idée de rédiger trente-trois « Conseils à l’Occupé » destinés aux Français pour les faire réfléchir sur la conduite à tenir, face à une situation humiliante. Cet écrit paru début août n’est pas le seul, il appartient aux tout premiers tracts clandestins circulant sous le manteau comme des papillons, des prières, des poésies, « le traité des maladies contagieuses », « les Prophéties de Sainte-Odile… » Sous un mode humoristique, Jean Texcier veut faire comprendre à ses lecteurs que tout n’est pas acceptable d’où le ton de connivence qu’il emploie envers eux, en les interpellant et en les tutoyant. Il n’hésite pas à multiplier les mots d’esprit pour réveiller la conscience assoupie de ses compatriotes et les aider à adopter un jugement sain face à la correction des Occupants. Chaque fois qu’il le peut, il colle au plus près de la situation et en tire un conseil. L’une de ses invitations lancées aux Parisiens concerne la diffusion de ses écrits. Il invite ceux qui ont les précieux feuillets entre leurs mains à les recopier le plus discrètement possible pour les distribuer autour d’eux avec ce clin d’œil complice « bonne occupation pour des occupés ». Des extraits ont été lus par Maurice Schumann à la BBC. Agnès Humbert qui appartient au groupe du Réseau du Musée de l’homme explique dans ses Mémoires, avoir eu entre ses mains le 17 août 1940 le document, l’avoir recopié et diffusé. Parmi les commentaires et les conseils que l’auteur relève, outre l’admiration portée aux Anglais, figure un redressement moral, la dignité, essentiels dans les épreuves que les Français vont traverser.
Le ravitaillement haut ▲
Dans cette France où l’Occupant réquisitionne le beurre, le sucre, la viande… tout vient à manquer. Dès l’automne 1940, des cartes d’alimentation apparaissent et deviennent indispensables pour se procurer du pain et les denrées nécessaires attribuées suivant un système de points - fonction de l’âge et du travail. En janvier 1941, la population ne peut obtenir de chaussures sans bons avant la mise en circulation d’une carte, complétée à l’été 1941 par une carte de vêtements. Dès lors, c’est un véritable casse-tête pour les résistants qui utilisent de fausses identités. Par le truchement de mairies acquises à leur cause, ils sont équipés d’un jeu entier de cartes plus ou moins bien imitées. Ainsi, Odette Pilpoul secrétaire générale adjointe à la mairie du 3e arrondissement vient en aide aux résistants et aussi aux Juifs persécutés en fournissant des faux papiers. Marie-Cécile Deleuse, agent de liaison de Jean Gosset en fabrique aussi pour les agents bretons de son entourage. À partir de 1943, lors de la création dans le Morbihan du maquis de Poulmain dirigé par Pierre Ferrand, les hommes sont logés et ravitaillés par une famille de fermiers, les Labourer. Ceux qui les aident courent de gros risques comme ce père de famille arrêté et fusillé sur place après avoir été torturé. Boulangers et épiciers alentour sont mis à contribution. Avec le pain, la nourriture est souvent composée de pâtes et de pommes de terre quand il y en a. Pour se procurer des vivres, des vêtements chauds, des chaussures il arrive que les maquisards comme ceux du groupe d’Hennebont (Morbihan) organisent des coups de main sur des stocks allemands. Ils vont même jusqu’à se procurer des motos et des bicyclettes.