> Développement du mouvement 1941-printemps 1942
Développement du mouvement 1941-printemps 1942
Grâce à Christian Pineau et à Yvonne Tillaut-Houben, le journal paraît régulièrement tous les dimanches ce qui permet d’établir des contacts en zone occupée. Le recopiage fonctionne à plein. Charles Laurent, secrétaire général de la Fédération des fonctionnaires, réussit à trouver une nouvelle ronéo au sein de la Fédération qui permet de tirer le journal à une centaine d’exemplaires en 1941. Par l’intermédiaire d’un ami, Pineau a trouvé une situation au ministère du Ravitaillement où il est chargé de créer un bureau des Statistiques. En tant que chef de bureau, il obtient un ausweiss (laissez-passer) pour son travail ce qui facilite ses voyages quasi hebdomadaires en zone non-occupée. Pour Libération-Nord, cela autorise l’établissement de liens avec les mouvements de zone Sud. Sont approchés tour à tour Emmanuel d’Astier, chef de Libération-Sud et Jean Cavaillès, co-fondateur du mouvement, qui rejoint Paris où il est nommé professeur à la Sorbonne et devient une recrue de choix. Quant à Henry Frenay, chef de Combat, lui aussi contacté, il ne condamne la politique du Maréchal que début 1942. L’attitude de Libération-Nord se situe à l’opposé. Dans le journal, il est très vite question “d’opérette vichyssoise” (n°17, 23 mars 1941) ; on n’hésite pas à critiquer la politique intérieure du gouvernement de Vichy que Pineau condamne en des termes sévères écrivant “Vichy, c’est l’Allemagne” (n°24, 18 mai 1941, n °33, 20 juillet 1941). La parution régulière du journal clandestin structure le mouvement et en favorise le développement par le recrutement de militants.
Les agents de liaison haut ▲
Les jeunes gens âgés de dix-huit à vingt-cinq ans ont été nombreux à s’enrôler dans un mouvement de Résistance où leur engagement les a conduits à remplir les tâches d’agents de liaison. En effet, les résistants se méfient de la poste sous contrôle allemand comme le télégraphe et le téléphone. Pour remplacer la poste, ils doivent créer une véritable organisation parallèle. Ils assument eux-mêmes la remise des plis aux agents de liaison qui les déposent dans les boîtes aux lettres. Les amis sûrs ou les membres du mouvement se voient dépositaires des courriers qui ne peuvent être envoyés aux responsables-clandestins sans domicile fixe. Aux agents de liaison est dévolu un rôle de « facteur ». Ils utilisent la bicyclette qui n’attire pas l’attention de l’ennemi. La discrétion, le courage, la disponibilité, la rapidité, sont autant de qualités requises. C’est pourquoi ce sont presque toujours de jeunes garçons et filles capables de passer leurs journées en courses harassantes ou de faire des voyages longs et pénibles dans les trains où ils doivent se méfier de leurs voisins. Agnès de la Barre de Nanteuil, 20 ans, sort avec l’accord de sa mère de son cadre social et familial, pour rejoindre, à la fin de l’année 1943, le mouvement Libé-Nord, important en Bretagne. Elle devient alors l’agent de liaison Claude et son rôle consiste à transmettre les instructions des chefs de réseau aux différents agents. Elle circule sur un vieux vélo et ses missives sont cachées dans le guidon de sa bicyclette et la doublure de ses vêtements. De même, Pierre Fortassier, jeune normalien de la rue d’Ulm, sert d’agent de liaison à Marthe Norgeu, à la tête de l’imprimerie familiale de Belleville. Des jeunes enfants comme Gilbert Pineau ont fait office d’agents de liaison sans connaître la teneur des messages qui leur étaient confiés, d’autres, comme Marcjanna Marcinkowski, ont guidé des aviateurs alliés dans leur retraite par les toits de Paris. Tous mesuraient le danger encouru.
Les femmes et les enfants dans la Résistance haut ▲
S’il est difficile d’évaluer avec précision leur nombre, les femmes ont été des résistantes à part entière. Politiquement parlant, les femmes n’ont aucun droit civique et sont considérées comme de perpétuelles mineures ce qui ne les empêche pas de prendre leurs responsabilités dès que la Résistance se met en place.
Souvent constituées de gestes banals et répétitifs, la résistance féminine a du mal à émerger. Elles se sont adaptées aux modalités de l’action clandestine alors que leur héritage politique et culturel ne les y préparait pas et c’est « par » et « autour » d’elles que s’articule la quotidienneté de la Résistance comme l’écrit l’historien Laurent Douzou. Les activités que la plupart mènent en font des « intendantes » selon la formule de l’historienne Claire Andrieu. Elles hébergent, nourrissent, recousent les vêtements des aviateurs alliés ou des résistants, comme Madame Goyet chez qui Christian Pineau se réfugie et qui s’épuisant à la tâche lui dit « c’est pour la France ». Cependant, courant les mêmes risques que leurs camarades masculins, elles sont aussi agents de liaison, chargé(e)s de convoyer le courrier, de diffuser les messages. Ainsi Agnès de la Barre de Nanteuil qui à l’exemple de sa mère Sabine seconde efficacement le général Audibert à la tête de Libération-Nord en Bretagne jusqu’à son arrestation à l’été 1944. Affreusement torturée la jeune fille meurt dans le train qui la conduit en déportation. Odette Pilpoul, secrétaire-générale adjointe de la Mairie du 3e, plus tard honorée du titre de Juste parmi les Nations, établit des faux papiers pour les rebelles, les Juifs qu’elle cache au péril de sa vie. Le secrétariat est presque entièrement entre leurs mains tout comme la confection du journal Libération-Nord. Ce sont elles qui tapent les articles, confectionnent les tracts, tirent le journal. Yvonne Tillaut-Houben assume ce rôle durant un long moment. Marie-Louise "Mimi" Gazier, épouse d’un des douze signataires, est à la fois dactylo, agent de liaison et mère de remplacement pour Gilbert Pineau.
Chevilles ouvrières de la Résistance, elles ont repris le cours de leurs activités après-guerre sans attendre aucune récompense. L’assemblée consultative provisoire d’Alger, reconnaissant le rôle des femmes pendant la Seconde Guerre mondiale, leur octroie le droit de vote le 24 mars 1944.
Quant aux enfants, ils sont nombreux à avoir gardé des souvenirs très précis de la vie quotidienne et de l'engagement de leurs parents dans la Résitance.
Propagande contre propagande haut ▲
Tandis que le régime de Vichy mène une guerre de l'information sans merci, au service de sa cause et de son allié allemand, déversant son lot de tracts et d'affiches dans les villes françaises, la riposte ne se fait pas attendre. Croix de Lorraine, tracts engagés, patriotiques et résistants, sortent des presses clandestines et s'affichent en dépit des risques conséquents auxquels s'exposent ceux qui les produisent. La bataille de la propagande bat son plein dans une France divisée.