De juin 1940 à juin 1944

Cette période, riche en événements, peut s’intituler « De la défaite à la montée en puissance de la Résistance et à la préparation de la revanche libératrice ».

Dès la signature de l’Armistice et la construction d’une petite armée, dite « armée d’armistice » (d’environ 100 000 hommes), des militaires de cette armée s’activent pour camoufler du matériel au nez et à la barbe des commissions d’armistice italienne et allemande.

Dans le même temps, à Grenoble et à Villard-de-Lans, des équipes civiles autonomes dans un premier temps, du fait de l’exigence de la clandestinité, s’interrogent sur les moyens à mettre en œuvre pour réveiller l’esprit d’une Résistance à Vichy puis à l’Allemagne.

Début 1943, Pierre Dalloz imagine une utilisation stratégique de la situation géographique du Vercors menaçant les voies de communications des Allemands et en corrélation avec un débarquement allié en Provence, il s’agit du Projet Montagnards.

À la même période, la milice est créée et les Allemands décrètent, avec la complicité de Vichy, le Service du Travail Obligatoire (STO) qui va projeter dans les zones-refuges du Vercors des réfractaires à un départ forcé en Allemagne. Ils constituent une des filières de recrutement des effectifs des camps qui essaiment sur l’ensemble du massif ; Ambel en est le premier exemple. Les comités de combat successifs du Plateau doivent alors transformer ces maquisards en combattants nourris, équipés, armés et instruits dans le domaine militaire élémentaire. Les parachutages des alliés en armes légères, et jamais en armes lourdes, les coups de main sur les magasins des Chantiers de la Jeunesse ne rapportent qu'un minimum d’équipement aux maquisards.

Les Italiens puis les Allemands, conscients du progrès de la Résistance, effectuent des coups de boutoir sur les villages ou zones suspectes. La milice en fait de même dans le Vercors-sud. Si les premiers effectuent seulement des arrestations, les Allemands et la milice sont les auteurs d’exactions et de massacres.

Auteur(s): Guy Giraud et Julien Guillon

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Les premiers résistants haut ▲

Dès 1941 se forme le premier groupe de Résistance de Villard-de-Lans, autour d'Eugène et Simone Ravalec, de Théo Racouchot, d'Edouard Masson, de Victor Huillier, de Jean Glaudas, de Marcel Dumas, de Marius Charlier et de Clément Baudoingt.

En 1942, ces personnalités sont rejointes par d’autres, résidant à Lans, Autrans, Méaudre, Saint-Martin-en-Vercors et Pont-en-Royans. Parmi elles, trois femmes joueront un rôle déterminant : Yvonne Ravalec, Denise Glaudas et Thérèse Huillier.

Ce noyau originel ratifie son adhésion au mouvement Franc-Tireur.

Le 6 avril 1942, Eugène Samuel prend contact avec Léon Martin de Grenoble, établissant ainsi le premier lien entre le groupe de Grenoble (Eugène Chavant, Aimé Pupin notamment) et celui du Vercors. L'entreprise de cars Huillier facilite les liaisons.

Le 6 janvier 1943, Victor Huillier organise le camp d’Ambel dans la Drôme, camp 1 du massif, pour accueillir les réfractaires au Service du travail obligatoire (STO).

En 1943, la source primordiale de la Résistance s’associe à l’équipe de Pierre Dalloz, promoteur du Projet Montagnards. Ainsi naît le premier comité de combat du Vercors.

Auteur(s) : Guy Giraud
Source(s) :

Bulletin Le Pionnier du Vercors, n° 129, novembre 2014.

Le projet militaire haut ▲

Le projet militaire, connu sous le nom de Projet Montagnards, a pris forme sur l’ensemble du Vercors à l’issue d’une lente évolution de la Résistance, de 1941 à 1944. Il convient de distinguer plusieurs temps.

La phase d'initiatives de résistance isolées et parallèles :

Les premiers groupes se réunissent spontanément sur le massif, notamment à Villard-de-Lans, à l'initiative des frères Huillier, d'Eugène Samuel et de Théodore Racouchot. À Méaudre, Georges Buisson « sait qu'il se trame quelque chose à Villard » et souhaite ainsi prendre contact. Dans le Royans, Benjamin Malossane, Jean et Louis Ferroul réunissent leurs proches pour évoquer les « événements » fustigeant le régime de Vichy et l'armistice. À la même période (mars 1941), Pierre Dalloz imagine en présence de Jean Prévost les possibilités d'utilisation du massif en ce temps de guerre.

La phase de la résistance organisée aux projets parallèles :

Dès le printemps 1942, à partir de Grenoble notamment grâce à Léon Martin et Aimé Pupin, le Mouvement Franc-Tireur va tisser sa toile en s'appuyant sur les groupes existants sur le massif. En décembre 1942, une « Note sur les possibilités militaires du Vercors » est rédigée par Pierre Dalloz. Elle comporte un « Programme d'action immédiate » et un « Programme d'action ultérieure ». Cette note, transmise fin janvier 1943, par l'intermédiaire d'Yves Farge, à Jean Moulin, qui donne son accord, devient le « Projet Montagnards ». Charles Delestraint, Vidal, chef de l'Armée Secrète (AS) à l'échelle nationale, valide ce projet et le porte à la connaissance de Londres. Le 25 février 1943, le message « Les Montagnards doivent continuer à gravir les cimes » indique qu'il est validé par la France libre.

La phase de fusion des projets :

À partir du mois de février 1943, en raison de l’afflux de réfractaires au STO, les fermes et les foyers accueillent ces derniers qui, trop nombreux, doivent être orientés vers d'autres lieux, donnant ainsi naissance aux premiers camps organisés par les civils du mouvement Franc-Tireur. Par ailleurs, au début de 1943 émerge l’idée stratégique de Pierre Dalloz consistant à faire du Vercors un espace d’accueil organisé de quelque 7 500 parachutistes alliés qui, guidés par les 400 à 450 combattants des camps, agiraient sur les communications allemandes en appui d’un débarquement en Provence. Alain Le Ray conçoit le plan militaire correspondant au projet. En mars 1943, une prospection du massif est menée par une première équipe constituée de Pierre Dalloz, Yves Farge, Remi Bayle de Jessé, Marcel Pourchier et Alain Le Ray, afin d'affiner le projet. Après des contacts étroits avec Aimé Pupin (Mathieu) du mouvement Franc-Tireur, d'abord pour des questions de ravitaillement des camps, les deux équipes fusionnent. Les camps de montagne isolés contribuent à apporter densité et concrétisation au projet de Pierre Dalloz.

Les premières épreuves :

Cette première équipe est rapidement démantelée par les arrestations effectuées par la police politique italienne, l’OVRA : Léon Martin le 24 avril 1943, Aimé Pupin le 27 mai 1943. Les liens avec la France Libre se brisent également car en juin 1943, Charles Delestraint et Jean Moulin sont arrêtés. De son côté, Pierre Dalloz gagne Paris, puis Alger en novembre 1943, où il rédige une nouvelle note, plus complète sur le projet d'utilisation du Vercors, se nourrissant de l'apport des camps créés par le mouvement Franc-Tireur.

Du refuge aux combats :

Un second comité de combat, animé par le capitaine Alain Le Ray (Rouvier), chef militaire, et Eugène Chavant (Clément), chef civil, avait pour objectif de transformer les réfractaires en combattants. En août 1943, lors de la réunion d'Arbounouze, la logique de dualité de commandement entre civils et militaires est actée. Alain Le Ray, suite à des reproches de Marcel Descour (Bayard) relatifs au manque d’organisation du parachutage de novembre 1943 à d'Arbounouze, démissionne et devient le chef des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) de l’Isère. Un autre personnage important quitte le Vercors : Pierre Dalloz, parti pour Londres et Alger pour défendre son plan, sans succès apparent, ne reviendra pas dans le Vercors. Eugène Chavant, excédé, part pour Alger pour obtenir confirmation de la prise en considération du Projet Montagnards. Le Bureau Central de Renseignement et d’Action (BCRA) lui promet oralement l’envoi de parachutistes français. Jacques Soustelle l’encourage par un texte écrit et par la remise d’une importante somme d’argent.

Au printemps 1944, le Vercors reçoit de nombreux parachutages d’armes et des équipes d’agents des services interalliés pour instruire les combattants dans le maniement de ces armes. L’une d’elles, arrivée début juillet, reçoit la mission d’aménager un terrain d’atterrissage à Vassieux-en-Vercors. Tout concourt donc pour que Marcel Descour décide de mobiliser les forces du Vercors après avoir reçu le message de la BBC, le 5 juin 1944, « Le chamois des Alpes bondit », malgré quelques réticences de François Huet, partisan d’attendre le déclenchement du débarquement en Provence, dont personne ne connaissait la date. Conformément aux dispositions du plan d'Alain Le Ray, le Vercors est verrouillé avec près de 3 500 à 4 000 combattants au lieu des 450 prévus initialement.

Auteur(s) : Julien Guillon et Guy Giraud
Source(s) :

D'après "La Résistance en Vercors", article du général Le Ray in Bulletin Le Pionnier du Vercors n° 71, Grenoble, ANPCVV, juin 1990.

Le projet civil et politique haut ▲

Pierre Flaureau (Pel) du mouvement Franc-Tireur et Partisans Français (FTPF), d’obédience communiste, désigné aussi sous l’appellation FTP, à l’instigation du Gouvernement provisoire de la République française d’Alger, décide de réunir à Méaudre, le 19 janvier 1944, des personnalités de la Résistance en Isère, appartenant tant aux différents grands mouvements qu’aux organisations armées : FTP, Armée Secrète (AS), maquis du Vercors.

Il s’agit, d’une part, de définir une stratégie d’action contre l’occupant. Les divergences de vue entre FTP et l'AS, théoriquement regroupés sous l'appellation de Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) ont conduit à des débats houleux. Les FTP, partisans de l’insurrection immédiate quel qu’en soit le prix en pertes civiles, s’opposent aux idées des FFI prônant au contraire un scénario d’attente visant, en temps utile, à appuyer les débarquements alliés en France ; il s'agit, d’autre part, de désigner le futur président du Comité départemental de libération de l’Isère et le futur Commissaire de la République à Grenoble.

Au cours de cette réunion, Eugène Chavant défend l’originalité du Vercors dans le département au regard de la mission nationale reçue de la France combattante (le Projet Montagnards).

Auteur(s) : Guy Giraud et Julien Guillon

Les chantiers de la Jeunesse haut ▲

Les Chantiers de la jeunesse ont été créés le 4 juillet 1940. Le général Paul Marie Joseph de la Porte du Theil en devient le Commissaire général. Les lois et décrets du 18 janvier 1941 en fixent l’organisation ainsi que le statut des cadres. Ils sont dissous le 4 janvier 1944 pour devenir une formation de travailleurs encadrés, destinée à exécuter des travaux au profit des Allemands. De la Porte du Theil est arrêté. Ils passent sous le contrôle du ministre du Travail et de la Production Industrielle, le technocrate Jean Bichelonne, un ultra collaborationniste, responsable de la mise en œuvre du Service du Travail Obligatoire.

L’armistice du 22 juin supprime le service militaire. Il s’agit de le remplacer pour encadrer et occuper sainement une jeunesse en désarroi. Les jeunes hommes, nés entre 1920 et 1924, y sont incorporés dans des groupements organisés dès 1941 en zone libre, puis en 1942 en zone occupée tout comme en Afrique du Nord.  Les stages durent huit mois. Les stagiaires ne sont pas armés. Le but est de remplacer le service militaire interdit par une expérience associant formation politique et éducation morale et physique par un travail en équipe dans des camps en pleine nature. La discipline est du type paramilitaire. L’encadrement est composé d’officiers d’active ou de réserve démobilisés. Pour ne pas apparaître aux yeux de l’occupant comme une organisation militaire déguisée, les Chantiers sont placés sous la tutelle du Secrétariat d’État à l’Éducation nationale et à la Jeunesse.

Autour du massif du Vercors se trouvent les groupements suivants : n° 9 Monestier-de-Clermont, n° 10 Saint-Laurent-du-Pont, n° 11 Villard-de-Lans, n° 14 Le Diois, n° 15 Saint-Jean-en-Royans. Leurs magasins sont riches en approvisionnement et équipements divers. La Résistance, par ruse ou avec certaines complicités internes aux groupements, en feront une source d’approvisionnement (vêtements, ravitaillement, tentes, skis, etc.).
À la dissolution des Chantiers, des cadres et des jeunes passeront à la résistance armée dans les maquis.

Auteur(s) : Julien Guillon et Guy Giraud

Le phénomène maquis haut ▲

« Le maquis ! Ce mot, on l’entendit d’abord chuchoté, répété à voix basse dans des villes comme Lyon, où les montagnes sont proches. Un mot clandestin comme la lutte elle-même du peuple français (…). Le maquis, ce fut le phénomène le plus neuf de la vitalité et de la volonté du peuple français. Loin au-dessus du village, le maquis veille, guette, se disperse, se reforme, disparaît, revient, attaque, (…) on parle d’eux avec fierté et tendresse. La vaste complicité de tout un peuple les entoure et les soutient. D’où viennent-ils, les gars du maquis ? L’Allemand et les immondes valets de Vichy les nomment brigands et terroristes. Je me souviens d’eux dans le Vercors, dans la Savoie.

Je revois leurs visages : des ouvriers, des étudiants, des paysans, des artisans, des employés, des officiers, de toutes classes et de toute condition, de toute croyance et de toute tendance. Des bandes ? Allons donc ! Une armée de guérilla, certes, mais avec sa discipline, sa fraternité d’armes, son honneur, son drapeau… ».

Cette longue citation1 est de la plume d’Yves Farge (1899-1953). Il fut journaliste au Progrès de Lyon, résistant dès 1941, président en juin 1943 du Comité d’Action contre la Déportation (CAD, chargé entre autres de combattre le STO et de ravitailler les maquis), commissaire de la République de la région Rhône-Alpes en avril 1944, président de la cérémonie de Restauration de la République en Vercors le 3 juillet 1944, libérateur des 800 prisonniers otages de la prison de Montluc, dont des maquisards. Bref, ce Compagnon de la Libération par décret du 17/11/1945 fut un acteur et un témoin averti du « phénomène maquis », dans son plein développement. Le lyrisme de son texte décrit avec force le phénomène du « maquis combattant », des années 1943 et surtout 1944 et pour le Vercors de la « montagne maquis ». Selon la terminologie de François Boulet2, il faut d’abord évoquer la « montagne refuge », à l’origine de nombreux maquis : elle recueille les réfractaires au STO, mais aussi des Français ou étrangers menacés dans leur sécurité. Elle développe – souvent près des villages – une « éthique de responsabilité et de « fraternité » avec ses « valeurs humanitaires ».

Le Vercors s’inscrit pleinement dans cette démarche de la « montagne refuge » - celle des camps – devenu progressivement la « montagne maquis » combattante – in fine celle des unités militaires reconstituées. Cependant, il est clair que ce cheminement ne sera pas « binaire », mais dans cette période chaotique, sera semé de nombreuses péripéties, tour à tour heureuses et dramatiques. Il faut noter par ailleurs qu’à travers le pays, le comportement de certains maquisards ne fut pas toujours exemplaire3.

Auteur(s) : Philippe Huet et Alain Raffin
Source(s) :

1- Jean-François Armorin, Le temps des terroristes, Paris, Editions Franc-Tireur, 1945, préface d'Yves Farge ;

2- François Boulet, Les Alpes Françaises, des Montagnes refuges aux Montagnes maquis, Paris, Editions les Presses Franciliennes, décembre 2008 (p. 356 et suivantes) ;

3- Jacques Canaud, Le temps des maquis, Sayat, éditions de Borée, octobre 2011, p. 185.

L'attente, les coups de boutoir italiens, allemands et miliciens haut ▲

L’Isère et la Drôme, situés dans la zone libre de juin 1940 à novembre 1942, connurent deux périodes d’occupation. La première, de novembre 1942 à septembre 1943, fut celle des troupes italiennes. En effet, après le débarquement allié au Maroc et en Algérie, l’Italie occupa les régions alpines et la Corse.

L’armistice du 3 septembre 1943 signé par le maréchal Badoglio renversa la situation, provoquant l’arrivée en force des troupes allemandes sur l’ensemble du territoire et notamment à Grenoble ; il s’agit de la deuxième période d’occupation allant jusqu’en août 1944.

L’occupant, italien ou allemand, n’a pas déployé de troupes permanentes sur le massif avant l’attaque du 21 juillet 1944.

Il est évident qu’il surveillait la montée en puissance de la Résistance en infiltrant des espions, en engageant ses avions d’observation et en procédant à des sondes ponctuelles souvent à partir de renseignements.

Les forces italiennes, du fait de l’activité de l’Organizzazione per la Vigilanza e la Repressione dell'Antifascismo (OVRA), la police politique italienne, portèrent quelques coups à la Résistance.

La 157e division de réserve du général Karl Pflaum, appuyée par tout le dispositif de répression des Allemands, s’avéra plus dangereuse que la répression italienne quant aux exactions pratiquées à l’encontre des habitants du massif.

La milice lyonnaise fit une incursion ravageuse à Vassieux-en-Vercors et à la Chapelle-en-Vercors du 16 au 23 avril 1944.

Auteur(s) : Julien Guillon et Guy Giraud