Mise en place des Groupes Francs (juin 1943 à avril 1944)



Les deux mois passés en prison sont aussi la période d’aboutissement du processus d’unification des mouvements de la zone Sud désormais regroupés sous le nom de MUR (Mouvements unis de Résistance) et contrôlés par le CNR (Conseil national de la Résistance). Cette nouvelle organisation donne lieu à la mise en place d’un nouvel organigramme mêlant des résistants originaires des trois mouvements : Combat, Franc-tireur et Libération. Il doit, en outre, faire preuve d’une adaptation permanente compte tenu des répressions et des arrestations de la Gestapo qui ne cessent de s’intensifier.

Dans ce contexte en constante évolution et « rempli de hasards » (1), Serge Ravanel, jusqu’alors « résistant de base » (2), se voit confier, après deux semaines de mise au vert chez M. Bernard, dit « le fromager », une nouvelle fonction à laquelle il n’est aucunement préparé : chef des Groupes Francs (GF). Il intègre ainsi à cette période « le groupe des dirigeants de Libération ».

Les dernières missions qui ont précédé l’arrestation, et l’arrestation elle-même, marquent une période de maturation pour Ravanel. L’enchaînement rapide des événements ne laisse d’autre choix à Ravanel et à ses compagnons que celui de s’adapter continuellement et de changer leurs modes de fonctionnement pour conquérir la liberté de leur pays. Avec ses camarades, il apprend « à défier le pouvoir, à plonger dans la clandestinité, à devenir les membres disciplinés d’un groupe de Résistance » (3).
Il gagne en assurance et en confiance. L’Esprit de Résistance s’empare de lui. A chaque étape décisive et cruciale, il sait faire preuve d’une grande opiniâtreté et possède cette qualité maîtresse qu’est de s’engager dans un chemin, de pouvoir le suivre et contrôler son évolution. Son approche humaine et disciplinée de l’Esprit de Résistance le destine incontestablement à des fonctions de grande envergure. Ses chefs l’on rapidement perçu… En effet, les conditions de sa deuxième arrestation et ses deux mois de détention passés en compagnie de certains responsables de Libération lui ont valu une solide réputation. Le jeune novice a su se montrer à la hauteur des circonstances en faisant preuve d’adaptation, de sang-froid et de détermination.

Sources : (1) Serge Ravanel, interview d’Alain Vincent. (2) Serge Ravanel, émission de Mireille Dumas, Bas les masques, « je veux changer de nom », (31/01/96). (3) Serge Ravanel, L’Esprit de Résistance, Editions du Seuil, 1995.



                          Organizing the Groupes Francs (June 1943 to April 1944)

The two months Ravanel spent in prison were a formative time for the unification of the Resistant groups in the Free Zone. Organized under the name MUR (United Movements of the Resistance) and controlled by the CNR (National Council of the Resistance), the new structure combined the three original Resistance movements: Combat, Franc-Tireur, and Liberation. A stronger, centralized Resistance was necessary in order to combat the growing power and threat of the Gestapo.

In this period of constant change and «with a lot of luck» (1), Serge Ravanel had been until this point «a low-level member»(2), but after two weeks of recovery at M. Berard's house, known as «the fromager», Ravanel was given a new position: head of the Groupes Francs (GF). He was now a part of «the Resistance's top leaders.»

Ravanel had matured in the time between his two arrests, and it was the pace at which his life and the lives of his compatriots moved that forced them to adapt continually. Because of the Resistance, Ravanel and other members learned «to defy the government, go underground, and become a disciplined member of the Resistance» (3). Ravanel became more assured and more confident. The spirit of the Resistance had taken hold of him. He showed great leadership and judgment for every crucial decision, as well as astounding self-awareness. This quality allowed him to approach the Resistance and the war with humanity, and ensured that he would achieve great things. His superiors saw this immediately...the bravery and intelligence he demonstrated in both his second arrest and escape earned him a solid reputation. The amateur knew he had earned his new position because of his ability to adapt, remain calm, and, most importantly, persevere in spite of the circumstances.

Traduction : Catherine Lazernitz

Auteur(s): Emmanuelle Benassi

Plan de l'expo

Crédits

Bibliographie

Création d’un service national des Groupes Francs (GF) haut ▲



Nés en zone Nord dès 1942 sur le modèle des corps francs, les groupes spécialisés dans l’« action immédiate » prennent de l’ampleur et se généralisent avec l’occupation de la zone Sud et la formation des MUR (Mouvements unis de Résistance) qui créent et organisent la création d’un « Service national des Groupes Francs » que dirige un dénommé « Pierre », originaire du mouvement Combat dont l’assurance, l’expérience et l’allure militaire rassurent Ravanel. Début juin 1943, Pascal Copeau, représentant de Libération depuis le départ le 12 avril de d’Astier de la Vigerie à Londres, demande à Ravanel d’intégrer la nouvelle équipe nationale de direction et de prendre le poste d’adjoint. Avec son nouveau patron, ils décident de changer leurs pseudonymes. Leur passion commune pour l’alpinisme les amène à emprunter les noms de deux aiguilles rocheuses jumelles situées près de Chamonix : « Mummery et Ravanel, du nom des alpinistes qui les premiers, les escaladèrent au début du siècle. » (1) Le premier était un guide anglais, le second était de Chamonix.
Cette nouvelle fonction est de courte durée : le 12 juin, il est « bombardé » chef national des GF et remplace ainsi « Pierre » qui a renoncé à ce poste. Cette promotion inattendue n’est pas sans paniquer Ravanel qui ne s’estime nullement préparé à une telle mission et a aussitôt « engagé une espèce de protestation » (2). Mais il est « discipliné » et accepte, « uniquement par devoir » (3) avec humilité et détermination cette nouvelle fonction.

Sources : (1) Serge Ravanel, L’Esprit de Résistance. (2) Serge Ravanel, interview de Christine Lévisse Touzé, le 7 novembre 1998. (3) Op cit.



                 The Creation of a National Groupes Francs (GF)

Started in the North Zone in 1942 based on the French Corps, these groups specialized in «immediate action.» As the war progressed, more and more of these groups were created, especially with the occupation of the South Zone as well as the creation of the MUR (United Movements of the Resistance). Subsequently, these specialized groups became part of the «National Service of Groupes Francs, » which was led by a man known as «Pierre, » an original member of Combat. The promise of Pierre's military expertise and experience all reassured Ravanel as he prepared for his new role. At the beginning of June 1943, Pascal Copeau, a representative for Liberation ever since April 12th when Astier de la Vigerie left for London, asked Ravanel to integrate the new National GF and to be his second in command. Together, the two decided to change their pseudonyms and because they both loved mountain climbing and the Alps, they decided to choose the names of two famous mountain climbers who climbed Chamonix: «Mummery and Ravanel, the first climbers to summit Chamonix at the beginning of the century» (1). The first was an English guide, the other was from Chamonix.

Ravanel's new post was short lived when on June 12th, he was «catapulted» to national head of the GF when he replaced «Pierre» who had given up his position. Ravanel at first panicked, believing he was totally unprepared for the job and «protested immediately. » But he was «disciplined» and accepted «the job because it was his duty» (3) and he did so with humility and determination.


Traduction : Catherine Lazernitz

Auteur(s) : Emmanuelle Benassi

Ravanel prend ses fonctions haut ▲



« J’étais un as à l’époque, ça je savais faire »

Le 12 juin 1943, Ravanel s’engage donc dans « un nouveau chemin sans être certain de pouvoir en suivre et contrôler l’évolution ». Il considère que son « manque d’expérience » ne lui permet pas d’être « à la hauteur ». Le désistement de « Pierre » est pour Ravanel un second choc, mais « c’est une époque remplie de hasards »... Une fois de plus, il faut s’adapter « au besoin et se mettre au boulot » (1). « J’étais un as à l’époque, ça je savais faire », confiera-t-il plus tard. La prise de cette nouvelle fonction qu’il réprouve du fait de son inexpérience d’une part et de ces réticences, d’autre part, l’incite à « introduire une espèce de déontologie » (2) afin d’éviter, dans ce travail, toute forme d’arbitraire pouvant conduire à « des conséquences graves. » (3)

Organisation directement issue des MUR (Mouvements unis de Résistance), l’équipe dirigeante doit impérativement être constituée de résistants originaires des trois mouvements (Combat, Libération, Franc-tireur). Marcel Degliame, responsable du secteur Action des MUR, l’assiste dans cette première démarche. Il le met en contact avec ses deux nouveaux adjoints : Raymond Deleule, originaire de Franc-tireur et Marcel Joyeux, (alias « Joly »), originaire de Combat (introduit grâce à Jean-Guy Bernard). Chacun des trois nouveaux dirigeants prend à sa charge deux des six régions qui composent la zone. Deleule se charge des régions de Marseille et Montpellier ; Joyeux celle de Toulouse et Limoges ; Ravanel, quant à lui, s’occupe des régions de Lyon et Clermont-Ferrand « tout en assurant la direction nationale ».

Sources : (1) Serge Ravanel, interview de Blondeau. (2) Serge Ravanel, interview de Christine Lévisse Touzé, le 07/11/98. (3) Op cit.

 


                       Ravanel takes his Position:

«I was a quick-learner back then, that I knew how to do.» 

June 12th 1943, Ravanel was «on a new path without knowing if he had the strength to follow it, or even the ability to control what would happen to him.» He thought his «lack of experience» would keep him from realizing «his full potential». «Pierre's» sudden departure was another shock, but «everything was sheer luck in those days. »...Yet again, Ravanel had to find a way to adapt «in order to do what his job required» (1). «I was a quick-learner back then, that I knew how to do», he admitted years later. While his inexperience made him reluctant to start his new job, it also helped him to «maintain my sense of self and ethics» (2) which, in his line of work, was important because any kind of mistake could lead to «serious consequences» (3).

It was imperative in the reorganizing of the MUR (United Movements of the Resistance) that the leading team have a member from each of the original three groups (Combat, Libération, Franc-Tireur). Marcel Degliame, head of the Action sector of MUR, helped Ravanel in the first steps for gathering this team. He put Ravanel in contact with two new members: Raymond Deleule, from Franc-Tireur, and Marcel Joyeux (alias «Joly»), from Combat (brought in by Jean-Guy Bernard). Each of these three young men was assigned two regions of six, creating a zone. Deleule was in charge of Marseille and Montpellier; Joyeux, Toulouse and Limoges; and lastly, Ravanel with Lyon and Clermont-Ferrand. Each man leading «in the service of their country».


Traduction : Catherine Lazernitz

Auteur(s) : Emmanuelle Benassi

Mission et organisation haut ▲




« Des groupes francs doivent être créés dans toutes les régions, ce sera votre mission
» (1)

« Je n’avais aucune idée précise de ce que pouvaient être des Groupes Francs » confie Serge Ravanel dans sa biographie. Alors, une fois de plus « il fallut apprendre » (2). Marcel Degliame, alias « Fouché », responsable du service action des MUR (Mouvements unis de Résistance), est son contact avec la nouvelle direction du Service national des Groupes Francs (GF). Il « briefe » rapidement Ravanel sur sa mission.
Sans jamais perdre de vue leur dépendance aux MUR, et en évitant toute tentative de développement d’une politique d’action personnelle, Ravanel a pour mission de « prendre en charge les GF déjà existants, passer à l’action le plus rapidement possible et, enfin, procéder à la mise en place de responsables régionaux et départementaux ». L’objectif à atteindre est clair, l’action des Groupes Francs, jusqu’ici « sporadique », doit « changer d’échelle ». Serge Ravanel doit « organiser des petites équipes mobiles, rapides qui sachent faire des coups de main à toute vitesse et décrocher rapidement avant que la police n’intervienne » (3)…
Constitués d’hommes expérimentés, les GF auront à se livrer à des opérations diverses telles que « des coups de main pour libérer des prisonniers, des attaques de dépôts de matériels ou d’armes, la réalisation de sabotages ou de déraillements de train et des opérations contre des agents de l’ennemi » (4).
Chacune des régions dispose de ses propres Groupes Francs. Ils agissent, pour la plupart, sur leur temps libre. L’équipe lyonnaise, quant à elle, est une centrale de qualité, avec un potentiel de travail permettant de réunir quinze à vingt personnes. Parmi ces permanents, entièrement à la disposition de Ravanel, il faut mentionner : Georges Bréchant dit « Jo » et Rolland dit « Daniel », ainsi que leur équipe composée d’une vingtaine d’hommes.
En juin 1943, Serge Ravanel a 23 ans et se retrouve à la tête d’une organisation nationale d’un genre totalement nouveau, constituée de plusieurs centaines d’hommes, novices et dépourvus de moyens... « Tout était à inventer ».

Sources : (1) Serge Ravanel, L’Esprit de Résistance, Editions du Seuil, 1995. (2) Serge Ravanel, interview d’Alain Vincent (11/03). (3) Serge Ravanel, Mémoires de Résistants, Production INA 01/01/02. (4) Serge Ravanel, L’Esprit de Résistance, Editions du Seuil, 1995.



                       Mission and Organization

«Our mission was to create groupes francs in every region» (1)

«I had no idea what the Groupes Francs were or what they were doing», Serge Ravanel confided in his biography. So once again, «I had to learn» (2). Marcel Degliame, alias «Fouché», head of the Action sector of MUR, was his partner in organizing the new direction for the Groupes Francs. He «briefed» Ravanel quickly on his mission.

Without ever forgetting how important the GF were to MUR, and avoiding all personal politics, Ravanel took charge of the GF and «made their missions and actions more efficient, and organized the groups into regions and departments». The objective was clear: until then, the Groupes Francs had only acted «sporadically» and needed to «change direction». Serge Ravanel had to «organize small teams that were easily mobilized, who knew how to strike quickly and leave even faster before the police could intervene» (3)...Composed of volunteers, the GF's missions were varied, such as «freeing prisoners, attacking arms or equipment depots, planning attacks on the railways, or other enemy agents »(4).
Each region had its own Groupe Franc who had volunteered for the cause. The team from Lyon was one of the best and had fifteen to twenty men at any given time. Of these men, all under Ravanel's command, there are two that stand out: Georges Bréchant, alias «Jo» and Rolland, alias «Daniel», along with the rest of their group.

In June of 1943, Serge Ravanel, at the age of 23, found himself heading a revolutionary national organization, filled with all kinds of men, some experienced, and most not...«We made it up as we went along».

Traduction : Catherine Lazernitz

Auteur(s) : Emmanuelle Benassi