"Les préparatifs du défilé"

Dans le but d'anticiper la pénurie en vivres et en équipement des maquisards à l'automne, le chef des maquis de l'Ain, Henri Romans-Petit, avait décidé dès août 1943 de monter, dans la nuit du 9 au 10 septembre 1943, un coup de main sur le chantier de jeunesse d'Artemare, l'un des mieux dôtés de la région, au sud-est de l'Ain. L'opération avait été confiée à Henri Girousse, dit "Chabot", qui reçoit la nouvelle mission de choisir et de préparer avec Pierre Marcault, chef du camp de Morez, les hommes qui participeront au défilé : remise des uniformes et des bérets de chantiers de jeunesse pris lors de l'attaque d'Artemare, armement, apprentissage de la marche au pas... 

Afin de ne pas être reconnus et d'éviter des représailles contre les familles, les participants au défilé doivent être étrangers à la ville d'Oyonnax et ne rien savoir de leur destination. Les itinéraires d'aller et de retour depuis les camps de maquis sont minutieusement prévus ; les camions pour le transport des maquisards et l'approvisionnement en essence doivent être assurés sans failles possibles. Il a préalablement fallu trouver assez de véhicules pour transporter quelque 120 hommes, les quelques véhicules en possession des maquisards servant au ravitaillement des camps étant en bien trop petit nombre. Ce fut fait dans la nuit du 6 au 7 novembre précédente, par un coup de main réalisé dans un dépôt de la Régie des transports de l'Ain situé à Tenay, où sont entreposées sur cales des camionnettes U23 provenant de l'Armée de l'armistice et camouflées par le réseau Camouflage de Matériel (CDM). La nuit suivante, ce sont 130 litres d'essence qui sont subtilisés dans une station service avec la complicité de son propriétaire, alors que la pompe est tombée en panne.

Dans la nuit du 6 au 7 novembre, une avant-dernière réunion a lieu au domicile de Gabriel Jeanjacquot, 10 rue de la Paix à Oyonnax, pour une mise au point quasi-définitive. Sont présents autour de "Romans", les chefs de groupement, Noël Perrotot et Henri Girousse, mais également Elie Deschamps, Edouard Bourret (instructeur des maquisards au camp de Cize), Raymond Boudet, dit "Curty" (chef civil du secteur de l’AS du secteur d’Oyonnax "Cristal 6"), Jean Ritoux (l'un des responsables de la Résistance dans le secteur de La Cluse), Jean et Jeanne Moirod (agents de liaison), Maurice Thévenon (commissaire de police d'Oyonnax). Enfin, la dernière réunion a lieu dans la nuit du 7 au 8 novembre, toujours chez "Gaby" Jeanjacquot, en présence de "Montréal", "Brun", "Ravignan", "Gaby", "Ritoux", chargé des renseignements, "Curty", Maurice Thévenon, commissaire de police à Oyonnax, Jean et Jeanne Moirod et Louise Jeanjacquot, agents de liaison. Ils passent en revue le déroulement de la manifestation ; points d'arrivée des équipes de protection, installation d'armes automatiques sur les diverses routes d'accès à la ville, points de déarquement des camions transportant les hommes devant défiler, formation du cortège et itinéraire à suivre. Après entente avec "Curty", il est décidé que la résistance locale se charge de la protection invisible. Les 17 hommes qui en sont responsables devront surveiller la foule, empêcher d'éventuelles provocations et surveiller pas à pas les personnes suspectes (collaborateurs).
L’itinéraire mis en place est reconnu une dernière fois le 10 au soir. Marc Jaboulay, fils de "Belleroche", propose de réaliser un film en 8m/m.

Afin d’éviter une éventuelle irruption de renforts de police ou d'Allemands - les plus proches se situant à La Cluse et Nantua, à une douzaine de kilomètres - les chefs du maquis annoncent une manifestation à Nantua, lancent des rumeurs sur d'autres villes : Bourg-en-Bresse, Ambérieu-en-Bugey, Belley... Les militants de l'Armée secrète d'Oyonnax sont chargés de surveiller discrètement les sympathisants avérés de la collaboration. Une équipe est prévue pour isoler le central téléphonique d'Oyonnax avec la complicité de Raymond Boudet et d'Emile Berrod, facteur.

Rendez-vous est pris pour le 11 novembre 1943 à 11 heures du matin approximativement. Une série de tracts sont imprimés clandestinement, qui invitent la population à célébrer cet anniversaire malgré l'interdiction du gouvernement.

L'organisation proprement dite du défilé est confiée à deux anciens élèves de l'école Saint-Cyr, les lieutenants Girousse et de Lassus Saint-Geniès. Il s'agit pour eux de préparer une compagnie d'environ 120 hommes qui doit défiler en trois sections de 40 hommes chacune. C'est le camp de Morez, commandé par Pierre Marcault, alias "Marco", qui fournit les trois quart des effectifs, auxquels s'ajoutent ceux de maquis de Corlier, commandés par Jean Vaudan.

Auteur(s) : Claude Morel
Source(s) :

DVD-ROM La Résistance dans l'Ain et le Haut-Jura, Département AERI de la Fondation de la Résistance, novembre 2013.

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Bibliographie