De la libération de la Provence à la fin de la guerre

À la fin août 1944, la plus grande partie de la Provence est libérée. Pourtant, la région n’est pas, jusqu’en mai 1945, entièrement sortie de la guerre. 

D’abord, parce que, jusqu’en avril 1945, une frange frontalière avec l’Italie reste sous contrôle allemand. 

Ensuite, parce que la Provence devient une base arrière très importante pour l’offensive française et alliée vers l’Allemagne. Les troupes et le matériel américains débarqués à Marseille sont gérés par la Delta Base Section qui englobe la région et la vallée du Rhône. Et les Provençaux participent à l’effort de guerre en rejoignant l’armée de Libération ou en reprenant très rapidement le travail. 

Enfin, parce que l’on attend toujours le retour des « absents », déportés, prisonniers de guerre, requis du STO, toujours retenus par les Allemands et que la capitulation du Reich, le 8 mai 1945, permet de libérer. La joie de la victoire sur le nazisme est d’ailleurs ternie par les informations sur le destin terrible des déportés.

Auteur(s): Robert Mencherini
Source(s):

Raymond Aubrac, Où la mémoire s’attarde, Paris, Odile Jacob, 1993 ;

Philippe Buton, Jean-Marie Guillon, Les pouvoirs en France à la Libération, Paris, Belin, 1994 ;

Charles-Louis Foulon, Le pouvoir en province à la Libération, Paris, FNSP/A. Colin, 1976 ;

Jean-Marie Guillon, « La libération du Var : résistance et nouveaux pouvoirs », Cahiers de l’IHTP, n° 15, juin 1990 ;

Robert Mencherini, La Libération et les années tricolores (1944-1947). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 4, Paris, Syllepse, 2014 ;

Jean-Louis Panicacci, Les Alpes-Maritimes dans la guerre, 1939-1945, Sayat, De Borée, 2013.

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Bibliographie

Actualités

La participation des Provençaux à l'armée de Libération (l'amalgame) haut ▲

Suite à la libération des villes et villages de Provence à laquelle ils ont participé, de nombreux membres des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) souhaitent continuer la lutte contre l’Allemagne nazie et sont encouragés à rejoindre les forces françaises de Libération. Des groupes de volontaires sont alors constitués, souvent hérités d’unités FFI préexistantes, et destinés à intégrer les rangs de l’armée française « régulière » afin de poursuivre le combat aux côtés des troupes alliées.

Plusieurs formations, alimentées de volontaires, sont ainsi créées dans la région, comme « La Marseillaise » à Marseille, la formation « Provence » à Aix-en-Provence, le régiment « Rhône et Durance » à Arles et Tarascon, ou encore le bataillon « Riviera » dans les Alpes-Maritimes.

Ces formations sont ensuite intégrées dans les rangs et unités de l’armée B du maréchal de Lattre de Tassigny, renommée 1re armée en septembre 1944, qui poursuit le combat contre l’armée allemande. 

C’est ainsi qu’est réalisé « l’amalgame », principe cher au maréchal de Lattre de Tassigny, qui permet l’incorporation des FFI à l’armée de Libération. Les unités FFI ainsi intégrées aux effectifs de la 1re Armée suivent sa progression vers le Nord et l’Allemagne, et servent également sur le secteur français du front des Alpes.

Auteur(s) : Laetitia Vion

La présence américaine et le départ des troupes US haut ▲

La prise de Marseille est capitale dans le plan allié. Il s’agit en effet de bénéficier d’un port en eau profonde pour pouvoir alimenter le front en hommes et matériel afin de poursuivre l’effort de guerre. Cette place stratégique de la cité phocéenne et de son port explique la présence massive des Américains dans la région.

Dès les lendemains de la libération de Marseille, la région devient une base arrière d’importance pour l’avancée alliée vers le Nord et l’Allemagne. Le port est rapidement remis en état par l’armée américaine, afin que puissent être déchargés les hommes, engins, armes et munitions nécessaires à la poursuite des combats. À une vingtaine de kilomètres de Marseille, un immense camp – le camp de Calas -, d’une capacité de 100 000 hommes, est installé sur le plateau de l’Arbois pour accueillir les soldats américains en transit.

La Delta Base Section (équivalent méridional de la Normandy Base Section), dont le QG est installé à Marseille mais dont les compétences s’étendent à toute la Provence (de Nice aux Basses-Alpes) et à la vallée du Rhône (jusqu’au département de l’Ain), est chargée d’assurer cette « mission logistique » pour approvisionner les unités combattantes.

La présence américaine est sensiblement visible à Marseille et dans sa proche région, de nombreux sites, immeubles, et établissements étant occupés par les services de la Delta Base Section.
À partir du mois de mai 1945 et la signature de l’Armistice avec l’Allemagne, le Vieux-Port de Marseille commence à voir les GI’s rembarquer, soit pour un retour aux Etats-Unis, soit pour un nouvel engagement sur le théâtre d’opération asiatique. Le 30 janvier 1946, le dernier groupe de soldats américains embarque depuis le Cap Janet en direction des Etats-Unis.

Dans les Alpes-Maritimes, le départ des troupes américaines s'effectua en trois phases. Dans un premier temps, les parachutistes de la First Air Borne Task Force, installés dans la Haute-Tinée (551e régiment), la Haute-Vésubie (509e bataillon) et la vallée de la Bévéra  (517e bataillon) quittèrent leurs bases entre la fin octobre et la mi-novembre 1944 afin de se déployer entre les Ardennes et la Lorraine.
Ensuite, la 44th Anti Aircraft Artillery brigade, qui était stationnée à Menton (100e bataillon d’infanterie et 937th Field Artillery Battalion), Sospel (442nd Regimental Combat Team et 421st Field Artillery Battalion), Roquebillière (602nd Field Artillery Battalion), Clans (68th Field Artillery Battalion), Saint-Etienne-de-Tinée (601st Field Artillery Battalion) et Entraunes (899th Field Artillery Battalion) se retira entre le 26 février et le 21 mars 1945 pour gagner la Rhénanie.
Enfin, l’United States Riviera Recreational Area, qui depuis janvier 1945 accueillait chaque semaine de nombreux permissionnaires dans 154 hôtels réquisitionnés (3 000 officiers à Cannes et à Juan-les-Pins, 10 000 sous-officiers et soldats à Nice), ferma ses portes début janvier 1946, ce qui provoqua une hausse brutale du chômage dans le département maralpin où il employait 6 578 travailleurs en juin 1945 et 9 242 en octobre suivant.

Auteur(s) : Laetitia Vion et Jean-Louis Panicacci
Source(s) :

Jean-Louis Panicacci, Les Alpes-Maritimes 1939-1945, un département dans la tourmente, Nice, Serre éditeur, 1989 ;

Colonel Paul Gaujac, « Les centres de repos de la Côte d’Azur » in Armes-Militaria Magazine, N° 173, décembre 1999, pp. 43-49 ;

Nolwen Alary, De la déférence au désamour. La présence des permissionnaires américains sur la Côte d’Azur en 1945, Master 2 d’histoire, UFR LASH de Nice, 2010.

Le retour des "absents" (déportés, STO, prisonniers de guerre) haut ▲

L’avance alliée vers Berlin et le recul des troupes allemandes permettent la libération des déportés et des prisonniers de guerre détenus en Allemagne et dans les territoire annexés par le Reich. Leur rapatriement, ainsi que celui des requis du STO (Service du travail obligatoire) s’organise progressivement, par le rail, la route ou les airs. Commencé avant la capitulation allemande, il se poursuit jusqu’à l’automne 1945.
Divers centres sont ouverts en France pour l’accueil de tous ces « absents ». Marseille joue un rôle particulier en accueillant les rapatriés par voie maritime à partir d’Odessa, avec, parfois, des escales en Italie. Un centre est aménagé à cet effet, à proximité du port phocéen, chemin de la Madrague-ville.
La presse régionale rend compte de ces retours et de l’arrivée des navires à Marseille. Les prisonniers de guerre et les requis du STO sont les plus nombreux. Mais, au travers des témoignages repris par les articles de presse ou recueillis au centre de rapatriement, on commence à découvrir les horreurs de la déportation et des camps d’extermination, dont celui d’Auschwitz.

Auteur(s) : Robert Mencherini
Source(s) :

Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 77 W 60 ;

Robert Mencherini, La Libération et les années tricolores (1944-1947). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 4, Paris, Syllepse, 2014 ;

Robert Mencherini, Les Bouches-du-Rhône dans la guerre 1939-1945, Clermont-Ferrand, De Borée, 2016 ;

Philippe Pawlak, Le retour des absents, Marseille, 1945, mémoire de maîtrise d’histoire, dir. Françoise Thébaud, Université d’Avignon et des pays de Vaucluse, 2001, 162 p.

Les fêtes de la Victoire haut ▲

Si la plus grande partie de la Provence est libérée à la fin du mois d’août 1944, la guerre, elle, n’est pas terminée. Il faut en effet attendre la capitulation du Reich allemand, le 8 mai 1945, pour que cessent les combats en Europe, et celle du Japon, le 2 septembre 1945, pour mettre un terme définitif à un conflit devenu mondial et ayant fait plusieurs millions de morts.

La capitulation de l’Allemagne nazie, signée en deux temps (le premier acte de reddition étant signé le 7 mai à Reims, puis l’acte définitif le 8 mai à Berlin), marque ainsi la fin de la guerre sur le continent européen.

Annoncée par la presse nationale et régionale, la victoire alliée est célébrée dans les villes et villages de France. À 15 heures, les cloches des églises et les sirènes sonnent officiellement la fin de la guerre, tandis que le général de Gaulle en fait l’annonce radiophonique par ces mots : « L’Allemagne est abattue et elle a signé son désastre ».
Le lendemain, les quotidiens rendent compte des différentes manifestations populaires, cérémonies officielles, et défilés militaires ayant eu lieu, la veille, dans plusieurs localités de la région et publient des photographies de scènes de joie et de liesse observées à cette occasion.

Cet élan de joie collective, suscité par la victoire militaire tant attendue des Alliés sur le Reich allemand, est cependant terni par la découverte des crimes nazis et de l’innommable, avec notamment le retour des « absents », et plus particulièrement des déportés. Nombreuses également sont les familles qui portent alors le deuil d’un parent, figurant parmi les victimes du nazisme, ou qui espèrent encore le retour d’un proche, prisonnier, déporté, requis, qui peut-être ne reviendra pas.

Enfin, la célébration de cette victoire ne peut effacer les peines et les souffrances d’une population ayant connu plusieurs années d’occupation et durant lesquelles elle s’est trouvée confrontée à des choix qui l’ont profondément divisée.

Auteur(s) : Laetitia Vion